« L'heure des choix | Anatomie d'un langage de programmation » |
Nul n'est prophète en son pays. Et surtout, nul ne doit avoir raison trop tôt. Au printemps 2007, j'écrivai un article dans une revue dans lequel je signalais que la période dans laquelle nous étions en train d'entrer ferait passer la grande dépression de 1929 pour une aimable promenade de santé. J'y indiquai aussi que cela ne serait pas une crise mais une situation longue de laquelle nous ne nous sortirons qu'après un très long purgatoire.
Nous étions un an avant le 15 septembre 2008, chute de Lehman Brothers.
Notez bien que je ne tire aucune fierté ni aucune gloire de l'avoir écrit. Je pense même que nous aurions pu nous affranchir de la période actuelle. Il aurait suffit de prendre les mesures qui s'imposaient et que le gouvernement aurait encore pu prendre jusqu'en 2009.
Pourtant, aujourd'hui, soit cinq ans après la déflagration due à la faillite de Lehman, force est de constater que rien n'a réellement changé. Mais comment pourrait-il en être autrement ?
En effet, les errements de tous les gouvernements des pays dits développés depuis une bonne trentaine d'années ne permettent pas de sortir de la situation actuelle sans pleurs ni grincements de dents. Rares sont les pays qui ne sont pas endettés à outrance à force d'essayer de faire perdurer un système de cavalerie qui ne pouvait tenir que durant les trente glorieuses, lorsque l'augmentation de la richesse était de loin supérieure à ce qu'elle est actuellement.
Mêmes les États-Unis d'Amérique qui sont encore la première puissance économique mondiale sont touchés puisque depuis une dizaine de jours, toute l'administration fédérale est fermée pour cause de différend budgétaire. Loin de moi l'idée de donner un avis sur ce shutdown, contrairement à la situation française, je n'en connais ni les tenants ni les aboutissants, mais lorsqu'un pays commence à avoir 17 000 milliards de dollards de dette publique, on ne doit pas s'étonner de devoir faire des coupes budgétaires ici ou là.
Fig. 1 : sites internet des administrations américaines en drapeau
Ne nous trompons pas, nous sommes très proche de la situation des USA puisque notre dette publique tourne joyeusement autour de 2 000 milliards d'euros et ne cesse de croître. La question est maintenant de savoir si nous pouvons encore continuer à vivre continuellement au-dessus de nos moyens. Plusieurs écoles s'affrontent.
L'école que j'appellerais mélenchoniste à courte vue et au couteau entre les dents prétend qu'il suffit d'annuler cette dette en signalant aimablement mais fermement aux créanciers de l'état français que ce même état ne remboursera jamais. Très bien. C'est révolutionnaire et totalement idiot comme toute révolution. D'un autre côté, pour avoir tenté de discuter avec un membre haut placé du Front de Gauche pas plus loin que dans ces pages, souvenez-vous, comment en attendre autre chose ? En effet, si sur le papier il est très intéressant d'annuler purement et simplement notre dette, qu'en sera-t-il lorsque nous aurons à nouveau besoin d'emprunter ? Le leit motiv du Front de Gauche est que sans les charges de la dette, notre budget serait à l'équilibre. Foutaises ! Ces trois dernières années, les différents gouvernements ont créé pour 70 milliards d'euros de nouveaux impôts en augmentant les dépenses de 75 milliards. Le raisonnement ne résiste donc pas à l'analyse. Par ailleurs, une partie de cette dette est détenue par des petits épargnants. Qu'adviendra-t-il lorsque l'état leur dira que leurs économies placées à la banque et durement acquises seront perdues ? Restons donc sérieux et oublions les théories économiques du Front de Gauche.
Une autre école consiste à payer cette dette en faisant fonctionner la planche à billets, donc par l'inflation ou la dévaluation. Là encore, ce ne serait une solution viable que si le budget de l'état était à l'équilibre en absence de charge de la dette. Dans tous les autres cas, ce ne serait qu'une cavalerie de plus. Les plus vieux se souviendront avec une larme des trois dévaluations successives du franc français de la première moitié des années 1980.
La dernière solution est un remboursement de cette dette et une orthodoxie budgétaire. Mais il y a deux freins et non des moindres : d'une part une nouvelle augmentation des impôts et d'autre part une cure d'austérité drastique.
Je gage que la solution sera un mélange d'augmentation des impôts, d'austérité et d'inflation puisque la banque centrale européenne n'annoncera jamais une dévaluation de l'euro. Néanmoins, aucun gouvernement ne prendra le risque politique de le faire. En effet, tous les gouvernements récents, sans exception, ne cherchent qu'à faire perdurer un système à bout de souffle, sans doute parce qu'ils savent que les électeurs finiraient par voter pour leur intérêt particulier plutôt que pour l'intérêt général.
Or l'intérêt général n'est pas quelque chose qui va faire rêver les foules. L'intérêt général à long terme passe par une réduction drastique des dépenses, donc par une diminution du mille-feuille administratif, par la suppression de tout un tas de prestations sociales à l'efficacité douteuse et par une orthodoxie budgétaire, la première chose étant de revenir au bon vieux système soit disant archaïque de l'ancien régime qui faisait correspondre à chaque classe de dépenses une caisse différente. L'électeur ne choisira pas tout seul cette voie. La preuve est qu'il préfère actuellement voter Front National (un parti qui n'a toujours rien compris des mécanismes de base de l'économie) ou Front de Gauche (il est amusant de voir comment les deux fronts se rejoignent sur leur compréhension de l'économie) alors qu'il faudrait voter pour des gens qui ont une certaine maîtrise des mécanisme économiques. De la même manière, comment demander à un homme politique, dont la politique est un métier plus qu'une vocation, de supprimer son poste ?
Bizarrement, des pays comme l'Allemagne, la Belgique ou la Suisse s'en tirent bien mieux que nous. Souvent, avec des budgets publics inférieurs en proportion du PIB. Chose remarquable, tous ces pays ont des structures fédérales, c'est-à-dire que les décisions concernant les citoyens sont prises localement. Les dépenses y sont aussi gérées localement pour éviter au maximum les dérives.
Mais sans doute un pays comme la Suisse est-il sous-développé puisqu'un suisse gagnant annuellement 200000 CHF ne donne à l'état que 25% de ses revenus, tous impôts, taxes et assurances maladie confondus. À titre de comparaison, nous ne sommes pas loin de 60% en France pour les mêmes revenus bruts.
Il existe donc des pays en voie de développement et d'autres en voie de sous-développement. Prenons garde !