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J'ai rencontré un syndicaliste. Je devrais écrire un syndicaliste intelligent, il en existe tout de même quelques uns, luttant pour le bien du pays et non pour son confort personnel puisqu'il distribuait des tracts pour une mobilisation constructive et la mise à plat des trente-cinq régimes de retraite français alors que, dépendant d'un régime spécial, il avait tout à y perdre.
Je lui annonce que profession libérale, je n'entre pas dans la catégorie de travailleurs dépendant de son syndicat. De là part une discussion que je qualifierais avec le recul d'instructive et de pathétique.
Reprenons les faits. Un syndicaliste vient me voir et ne me traite pas de psychopathe — sic le dernier de la CGT que j'ai pourtant aimablement reçu dans mon bureau une fois qu'il en avait forcé la porte —, pire, écoute mes problèmes et me signale que sa sœur était dans la même situation que la mienne.
Ce syndicaliste, de statut cadre, a une sœur d'une quarantaine d'années qui a fait des études pour être orthophoniste. Travaillant du lundi matin 9h00 au samedi soir, sans jour de congé, elle gagnait il y a deux ans 2000 € nets à la fin du mois. L'an passé, elle ne gagnait plus à volume de clientèle par ailleurs égal que 500 € nets mensuels et, cette année, il m'a dit devoir l'aider à la fin du mois car elle n'arrivait plus à nourrir sa famille. Nous parlons bien entendu d'un cabinet qui fonctionne normalement, depuis plus de dix ans, pas d'un nouveau cabinet qui n'a aucune clientèle. Le choix pour cette femme est de continuer le métier pour lequel elle a sacrifié des années d'étude ou d'en changer pour réussir à vivre.
J'avais l'impression d'être un peu moins seul. Je n'irais pas jusqu'à dire que cela fait du bien, mais ne pas être seul dans ce genre de situation démontre au moins que je ne me raconte pas des histoires pour me rassurer.
En effet, je suis confronté au même problème. L'an passé, j'arrivais à un solde positif tous les mois de pas loin de 2000 €, solde positif que je réinvestissais immédiatement car je ne peux compter sur personne pour avoir une retraite si un jour j'y arrive. Cette année, le solde n'est plus lors des bons mois que de 500 € et je sais déjà que l'an prochain, ce solde sera au mieux nul. Je dis au mieux parce que dans la pire des situations, il pourrait être négatif de 500 €. Cette modification n'est pas due à une baisse de revenu mais à la simple augmentation de mes impôts et charges.
En mettant à plat mon budget mensuel avec mon expert-comptable, nous sommes arrivés à la conclusion aberrante suivante : je dégagerais plus d'argent à la fin du mois en mettant mon appartement et mon garage parisiens en location et en allant prendre n'importe quel travail d'employé de base en Alsace ou en Corrèze payé 1500 € nets mensuels. En plus, je ne travaillerais plus que trente-cinq heures, aurait des heures supplémentaires, cinq semaines de congés payés et la sécurité sociale. Je n'ai donc aucun intérêt à continuer à faire mon métier.
Il y a juste un problème. J'ai sacrifié dix ans de ma vie après le baccalauréat pour faire des études me permettant de ne pas vivre correctement des fruits de mon travail (deux ans de classes préparatoires, un diplôme d'ingénieur en électronique et traitement du signal, un mastère de communications numériques et une thèse de doctorat en traitement du signal et métrologie) et cela m'ennuierait légèrement de les oublier pour aller faire chef de rayon au supermarché du coin. Je n'ai pas passé dix ans de ma vie à vivre comme un moine pour gâcher cela dans un métier alimentaire pour de simples raisons financières.
Actuellement, je suis démarché par un cabinet de recrutement suisse. Sachant que j'arrive à peine à vivre en France du fruit de mon travail, que croyez-vous que je vais faire ?
À votre avis, à long terme et sachant que je ne suis pas le seul dans ce cas, quels seront les vrais perdants ?
Petit bémol pour l’orthophoniste qui travaille six jours sur sept et n’arrive pas à vivre…..C’est tout simplement impossible. A moins qu’elle n’ait un loyer d’une hauteur exceptionnelle et qu’elle n’utilise que des stylos en or massif. Je ne travaille à mon cabinet que trois jours et demie par semaines, le reste je suis salariée à quart temps dans une institution (pour des clopinettes, là c’est sur) je prends des vacances (tout cumulé cela fait deux mois par an) et je trouve que je gagne bien ma vie. Je viens de boucler ma compta trimestrielle et sur le cabinet j’ai dégagé 8000€ de bénéfice par trimestre, Si je rajoute mon activité salariée je suis à près de 11 500€ par trimestre.
Cependant je suis d’accord sur le fait que les charges sont trop élevées et que la retraite qui nous sera servie est une véritable honte….
Je sais simplement que c’est un cabinet dans les beaux quartiers parisiens, rien de plus.
Personnellement, cela ne m’étonne pas plus que cela. Je fais occasionnellement des piges chez un dentiste, dans le quartier Saint-Lazare, et j’ai accès à sa comptabilité. J’avoue que son résultat net avant impôt me fait réfléchir. Il refuse de travailler avec des prothésistes chinois ou d’Europe de l’est et ne s’en sort qu’en étant deux jours par semaines dans un hôpital de lointaine banlieue.