« Sacro-sainte croissance mondiale | De mal en pis » |
Les deux nouvelles auraient pu passer inaperçues si un journaliste n'avait pas daigné faire son travail. À une époque où les informations sont reprises d'un media à un autre en boucle sans aucune vérification et sans que quiconque ne sache réellement d'où elles viennent, il faut s'en réjouir. Je me demande à la réflexion s'il ne faudrait pas empailler le journaliste en question pour le montrer dans toutes les écoles préparant à ce beau métier.
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères — ou des affaires qui lui sont étrangères à tel point son action est discutable — a nommé le 25 octobre 2013 Jean Lévy ambassadeur pour le sport. En effet, désireux de développer le rayonnement international de la France vers le sport et pour le sport (sic), il a nommé à ce poste ce diplomate expérimenté, ancien ambassadeur de France à la Havane — et non du Havane mais je n'ai pas encore réussi à contacter André Santini pour savoir s'il faisait partie de son club. Il faut noter que c'est la première fois que le Quai d'Orsay choisit d'affecter un haut responsable à ce secteur sans nul doute très important.
La mission de cet ambassadeur sera, aux dires du ministre, triple. Il s'agit pour cet ambassadeur de mobiliser l'ensemble du réseau diplomatique de la France pour organiser de grands événements sportifs majeurs, de promouvoir les entreprises françaises sur tous les marchés liés aux sports et de renforcer la présence françaises dans les postes de décisions au sein des instances sportives. Dit comme cela, je me demande à la réflexion si ce n'était pas plutôt un poste pour Jack Lang.
Soyons rassurés, le gouvernement travaille. La France va pouvoir se relever parce qu'elle possède maintenant la seule chose qui lui faisait cruellement défaut et que le monde entier va nous envier, un ambassadeur pour le sport. Personne ne sait combien cela va coûter.
Ce n'est pourtant pas la seule nouvelle qui n'a pas été relayée très fort ces temps-ci. Une autre anecdote, d'autant plus croustillante qu'elle vient d'un ministre estampillé EÉLV, est passée inaperçue et le serait restée si le Canard Enchaîné ne l'avait pas rattrapée au vol dix jours plus tard. Vous l'aviez sans doute oublié, mais le 26 septembre dernier se tenaient à Angers les journées parlementaires d'Europe-Écologie-les-Verts. Cécile Duflot y avait perdu son téléphone portable sans lequel il est décemment impossible pour un ministre de la république de travailler, que l'on s'appelle d'ailleurs Duflot ou Morano. Le Courrier de l'Ouest a vendu la mèche :
Les services de l'État l'ont finalement retrouvé sur la banquette arrière d'une des voitures officielles du cortège. La préfecture de Maine-et-Loire a proposé qu'un fonctionnaire qui devait se rendre à Paris lundi 30 septembre rapporte le précieux objet au ministère, rue de Varenne. Mais Cécile Duflot a préféré envoyer dès samedi 28 septembre, un officier du Service de protection des hautes personnalités pour venir chercher son cher téléphone portable.
Cette information a été publiée le vendredi 12 octobre et a été reprise par le Journal du Dimanche et Europe 1 le dimanche suivant. Deux jours plus tard, Europe 1 a bizarrement mis à jour son article et nous pouvons maintenant lire sur le site de la radio :
L'entourage de Cécile Duflot a contacté Europe1.fr, mardi matin, pour assurer que ce fonctionnaire a pris le train, et ce n'était pas un membre de son service de protection, mais son chauffeur.
Là, si ce n'est pas un assassinat en règle sur le ton de « racontez-nous des n'importe quoi, on n'y croit pas », je ne sais pas ce que c'est. Un journaliste sérieux aurait écrit un démenti. Celui-ci resssemble plutôt à une divulgation d'une tentative de rattrapage aux branches.
Reste alors à savoir qui a payé la promenade en train de 600km aller et retour du chauffeur de Duflot. J'avoue ne pas avoir trouvé l'information. Ou plutôt, j'ai trouvé un tas d'informations contradictoires, un beau rideau de fumée. En effet, dans l'article du Courrier de l'Ouest, un certain Michaël Luzé qui prétend appartenir au service de presse de Cécile Duflot déclare que :
le billet a été pris dans le quota des billets gratuits attribués au ministère.
J'apprends donc que si je paie mes billets SNCF aussi chers, c'est en partie parce que le ministère du logement reçoit de la part de la SNCF des billets gratuits. Mais comme cela fait un peu désordre, deux jours plus tard, la terminologie du ministère change puisque l'entourage de Cécile Duflot déclare à Europe 1 :
cela n'a pas coûté un centime au ministère, qui a des billets prépayés.
Il ne s'agit donc plus billets gratuits mais de billets prépayés. L'honneur est sauf ! Pourtant, je m'interroge. Si ces billets ne sont pas gratuits et qu'ils sont effectivement prépayés, par qui sont-ils prépayés ? Le Canard ironise en parlant d'une opération du Saint Contribuable sans parvenir toutefois à trouver la réponse. Tout cela, je le rappelle, pour ne pas passer deux jours sans son téléphone portable. Cela fait cher le tweet de bas étage ou la minute de communication !
Et pendant ce temps, Marine Le Pen monte dans les sondages, elle qui prétendait hier sur France Inter, tout en ayant des idées très arrêtées sur l'économie (sortie de l'euro, dévaluation, protectionnisme, tout ce qui nous fera payer le litre de supercarburant à 5 euros en provoquant une inflation monstrueuse…), ne jamais ouvrir un quotidien économique. Elle n'a qu'à s'asseoir et attendre. Lorsque le fruit sera mûr, il lui tombera dans les mains et il se trouvera encore des hommes et femmes politiques se demander pourquoi nous en serons là !