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J'ai la chance d'administrer moi-même mon serveur de courrier électronique. Malgré un système anti-pourriel assez perfectionné (sendmail, enregistrements SPFv1, milter-greylist pondéré par smapassassin et quelques listes bien senties , clamav-milter et spamass-milter), je reçois de plus en plus de publicités diverses et variées. Il faut dire que les réseaux de l'immense majorité des fournisseurs d'accès internet filtrant le port 25, les réseaux de zombies envoient maintenant directement leurs vomissures aux serveurs de courriers officiels des fournisseurs d'accès, ce qui rend le filtrage de plus en plus coûteux.
Parmis ces messages non sollicités, j'ai des propositions pour des pilules bleues confectionnés en Chine à base de sciure de bois, d'amidon et de colorant censées m'apporter la plus grande félicité dans ma relation de couple, des offres pour investir au Maroc dans des résidences défiscalisées et préparer ma retraite et surtout des publicités pour des librairies et des maisons d'édition catholiques. J'ai beau me désabonner de toutes ces listes, ça revient aussi sûrement que la vérole sur le bas clergé.
J'ai bien essayé les représailles avec un petit script envoyant toutes les dix secondes une demande de désabonnement à l'adresse du spammeur identifié comme telle jusqu'à ce qu'elle déborde. J'ai même essayé une méthode plus radicale consistant à envoyer un courrier électronique à cette espèce de maison d'édition traditionaliste avec en pièce jointe un tract défendant l'avortement. À sa suite, j'ai été tranquille pendant quelques mois. J'ai été tranquille pendant quelques mois jusqu'à hier.
Donc hier, je reçois un courrier électronique me ventant par le menu les dernières nouveautés qu'un homme averti doit avoir dans sa bibliothèque quitte à ne jamais les avoir lues. Il s'agit toujours des mêmes rengaines : la vraie vie de Sainte Jeanne d'Arc, l'histoire réelle des chouans de Vendée, le génocide des bons chrétiens durant la révolution française, l'histoire des apparitions de la Salette ou de Lourdes, la vertu de la pratique de la foi, la vie intra-utérine et j'en passe.
Déjà, cela tombe assez mal, je ne mets jamais — disons rarement — les pieds dans une librairie. Non que je n'aime pas lire, mais j'ai le souvenir des libraires de mon enfance qui m'avaient fait aimer les livres parce qu'ils les avaient lus et qu'ils savaient en parler. Le libraire n'est plus aujourd'hui qu'un commerçant qui n'a la plupart du temps aucune idée de ce qu'il vend. Lorsque j'achète un livre, je passe ainsi directement à la FNAC car, quitte à avoir un vendeur d'une inculture ou d'une incompétence crasse, il y a au moins un choix d'ouvrages plus important que dans la boutique du coin hébergeant un libraire grincheux.
Ce qui tombe encore plus mal, c'est ma connaissance du milieu traditionaliste que je pratique malheureusement trop souvent à mon goût. Sa marotte est le grand complot contre la France éternelle, fille aînée de l'église, par une horde de barbares hérétiques voire maçonniques parmi lesquels figurent au premier plan l'immigré en général et l'anglais brûlant Jeanne d'Arc en particulier. Le tableau sera complet en y rajoutant la tendance royaliste à poil dur, légitimiste ou orléaniste et l'école républicaine apprenant tout un tas de contre-vérités anticléricales.
Tout ce beau petit monde tourne en vase clos dans un milieu culturel restreint, réactionnaire et révisionniste. Expliquer à un traditionaliste souvent plus borné que la place Saint-Pierre à Rome que le génocide des chouans de Vendée n'a rien à voir avec celui des tziganes ou des juifs est aussi vain que d'essayer de souffler dans une contrebasse pour en faire sortir de la musique. Tenter de lui expliquer que le problème français n'est ni l'Islam ni le Judaïsme mais les intégrismes de tous bords est une gageure. Leurs revues de prédilection sont des tissus de bêtises incommensurables (voir par exemple la Nef) et je ne parle pas de leurs autres publications tenues pour vérité absolue. Le problème, c'est qu'armés de leur foi et de leur prétendu bon droit, ils essaient de faire rentrer tout le monde dans le rang de gré ou de force comme ce qu'ils ont fait le 27 février 1977 à Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris. Le souci pour avoir discuté avec des prêtres traditionalistes, c'est la profondeur de leur réflexion et leur absence totale de culture tant historique que générale. L'obscurantisme le plus échevelé revient en force sur ce terreau réactionnaire.
Certains jours, j'ai vraiment honte d'être catholique.
Tu n’es pas très gentil pour les libraires de la FNAC: ils sont aussi compétents que des libraires à leur compte, ils sont aussi peu enclins à parler livre avec le chaland au visage inconnu. A croire qu’il faut s’être acquitté d’un certain nombre d’achats livresques pour intégrer le réseau des gens avec lesquels un libraire accepte de parler livres. Pour le vendeur incompétent, tu confonds avec celui du rayon informatique de la FNAC ou les jeunots gominés de Darty…
Pour en venir à la Nef, ce qui est bien avec leur page “librairie", c’est que l’on a un incroyable résumé des centres d’intérêt :
- dans la rubrique “Le Bien” : la messe (de rite ancien sinon c’est infâme), guide pratique pour exhiber sa foi y compris dans les situations les plus incongrues, et j’en passe;
- dans la rubrique “Le MÂÂÂL” (dont il ne faut pas avoir peur, on vous explique ça pour la énième fois et on en remet une couche) : Darwin, l’islam, l’école publique, les mensonges de l’histoire officielle et j’en passe encore;
Sic transit gloria mundi, mais pas les centres d’intérêt des tradis…