« Deux français sur trois | Recruteurs de merdre » |
Encore un nouveau papier qui aurait pu s'intituler « archi dans la colle ».
Depuis quelques mois, l'escalier d'honneur de la Bibliothèque Nationale de France, site Richelieu, était en sursis. Or Aurélie Filippetti, ministre de la culture en exercice, vient de donner l'autorisation à la BNF de détruire cet escalier construit par Jean-Louis Pascal. La question de fond à se poser est de savoir si le poste de ministre de la culture est maintenant définitivement réservé à des gens totalement indifférents au patrimoine quel qu'il soit.
Cette histoire ne date pas d'hier puisque le sursis initial avait été édicté par Frédéric Mitterrand, ancien locataire de la rue de Valois. Mais c'était juste un sursis, pas un classement. Plus exactement, le neveu de Tonton avait tout d'abord décidé de sauver cet escalier, puis, dans un second temps, y avait renoncé. Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais lui-même, dans son livre de souvenirs sur son passage au ministère de la culture.
À peine arrivée à ce même ministère, Aurélie Filippetti semblait vouloir prendre le problème à bras-le-corps. Pour plusieurs raisons. En effet, pourquoi détruire un escalier en bon état pour en reconstruire un autre, surtout quand l’argent manque ?
Il ne s'agit pas du seul renoncement de ce ministre. Ils ne se comptent plus, allant de la halle de Fontainebleau aux serres d'Auteuil qui est le cadet de ses soucis. Je passe sous silence les églises d'Abbeville et de Gesté qui ont toutes deux été détruites avec la bénédiction, si je puis dire, du ministre.
À quoi sert donc le ministre de la culture ? Frédéric Mitterrand répond dans son opus : « Mais à se rendre sur place, mon petit vieux ! C’est déjà ça. (sic) » Dont acte. Un ministre, donc, ce n'est là que pour faire la représentation. C'est un ancien ministre qui l'affirme. Mais là, même Aurélie Filippetti ne peut prétendre à telle utilité puisque dans les milieux bien informés, il se murmure qu’on ne la rencontre presque jamais dans toutes les occasions où elle pourrait faire preuve de son intérêt pour le patrimoine et les musées. C'est méchant, mais il paraît que c'est vrai.
Mercredi dernier donc, dans une réunion de direction à la Bibliothèque nationale de France, on a pu annoncer triomphalement que le ministre avait enfin donné son accord pour la destruction de cet escalier. Un escalier pourtant protégé au titre des monuments historiques et, il faut le signaler, dont la rampe conserve encore des éléments de celui du XVIIIe siècle construit par Robert de Cotte.
Fig. 1 : escalier actuel (classé)
Ce ne serait que misérable, lamentable, honteux si cette décision n'avait pas été prise au moment même où le ministère réunissait tous les acteurs de la protection du patrimoine pour un événement qui se déroule tous les deux ans et qui s'intitule en toute simplicité « les entretiens du patrimoine et de l’architecture ». Aurait-on pu être plus cynique, plus méprisant ?
Fig. 2 : future horreur avec la bénédiction du ministre
Ce qui est intéressant, finalement, c'est de savoir que selon que vous serez puissant ou misérable, vous pourrez détruire un bien inscrit à l'inventaire des monuments historiques ou être condamné pour exactement les mêmes raisons. Nous voyons donc que nous vivons dans un pays de droit qui n'est absolument pas concerné par le fait du prince.
Chose amusante, ce même ministère prétend proposer une nouvelle loi sur le patrimoine. Sachant qu'il est incapable de faire respecter ce qui existe, c'est assez cocasse. Le ministère de la culture est donc aujourd'hui un ministère sans réel poids politique, dans un gouvernement inqualifiable sauf peut-être par l'adjectif moribond, qui va se présenter de temps en temps et pour justifier son existence devant un parlement dans lequel la majorité des députés, toutes obédiences confondues, se contrefiche ouvertement du patrimoine. Pire, certains rêveraient même de diminuer encore les contraintes qui pèsent sur les élus en affaiblissant autant que faire se peut les lois patrimoniales.