« Mais à quoi servent les diplômes ? | Stabilité fiscale » |
L'état a besoin d'argent. Et pour boucler les fins de mois, tout est bon, même mettre des gens dans une misère noire.
J'ai reçu ce matin un coup de téléphone de mon centre des impôts. J'ai craqué face à tant de mauvaise foi, à tant de mépris de la part d'une administration qui n'est là que pour me tondre la laine sur le dos. En effet, depuis une vingtaine d'années, j'ai payé à titre personnel, sur mon activité libérale propre, quelque 500000 euros constants. Mon entreprise, en dix ans, a donné toutes charges confondues à l'état plus d'un million d'euros constants. Même durant les périodes de vaches maigres, et il y en a eu, j'ai toujours fait le nécessaire pour régler mes impôts et mes charges sociales en temps et en heure.
En novembre dernier, mon principal client m'a fait comprendre que les budgets de recherche étaient annulés. Je me retrouve donc sans aucun revenu puisqu'étant profession libérale, je n'ai le droit à aucune indemnité sauf, le cas échéant, en me radiant du RCS, ce qui m'interdit aussi de retrouver une autre mission.
En novembre dernier, donc, j'ai pris la peine d'aller à mon centre des impôts. J'y ai passé une matinée à passer de bureau en bureau. Je ne demandais qu'un étalement. Peine perdue, on m'a fait comprendre que je n'aurai droit à rien et, si vous vous souvenez du papier que j'ai écrit à l'époque, j'ai même eu le droit de remplir un bordereau d'ISF. Devant l'attitude des fonctionnaires des impôts, j'ai emprunté pour payer mon impôt sur les revenus. Pour le RSI, j'ai demandé un étalement. Cet étalement m'a été accordé, mais avec une pénalité de 10%. Normal me direz-vous.
N'arrivant à rien et entendant tous les jours que je suis trop diplômé, que je vais m'embêter à tel ou tel poste, je commence à désespérer. J'ai donc pris la peine d'envoyer un courrier recommandé à mon centre des impôts avec toutes les pièces justificatives et utilisant l'article 247 du livre des procédures fiscales pour demander une remise gracieuse.
En effet, cet article stipule :
Article L247
- Modifié par LOI n°2013-1117 du 6 décembre 2013 - art. 15
L'administration peut accorder sur la demande du contribuable ;
1° Des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ;
2° Des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ;
2° bis Des remises totales ou partielles des frais de poursuites mentionnés à l'article 1912 du code général des impôts et des intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du présent livre ;
3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives.
Les dispositions des 2° et 3° sont le cas échéant applicables s'agissant des sommes dues au titre de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts.
L'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers.
Aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions.
L'administration ne peut transiger :
a) Lorsqu'elle envisage de mettre en mouvement l'action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts ;
b) Lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle.
Sauf erreur de ma part, il est écrit : remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence. Si je ne suis pas actuellement en situation de gêne, je ne sais pas ce que signifie ce terme. Je paie actuellement 5000 € mensuels d'impôts et de charges diverses pour un revenu du foyer fiscal d'à peu près 2000 € sachant que tout ce que j'avais devant moi a été avalé par les rattrapages divers et variés du RSI, de l'URSSAF et des impôts. Non que j'ai gagné beaucoup plus, mais parce que les règles de calcul ont changé, dont une partie des règles rétroactivement au 1er janvier 2013. La dernière modification a été faite en catimini le 30 décembre dernier et est applicable rétroactivement au 1er janvier 2013. Je vous annonce déjà que tous les nets fiscaux des feuilles de salaire des cadres sont fausses.
Ce matin, j'ai donc reçu un coup de téléphone dans lequel Madame D. m'indique que rien ne sera fait pour moi parce que mes impôts n'ont pas encore été calculés et ne le seront qu'en septembre prochain. Elle me donne donc un rendez-vous pour un étalement de ma future dette fiscale fin septembre 2014. J'ai refusé. Mon problème, je l'ai aujourd'hui. Je n'en ai rien à faire d'avoir un rendez-vous dans six mois. Dans six mois, je serai peut-être mort, à l'étranger, toujours sans mission. Je serai peut-être en poste quelque part. J'ai déjà du mal à imaginer la fin de la semaine, alors me demander de me projeter dans six mois, c'est se moquer de moi.
Et là, la discussion est devenue surréaliste. Dans un premier temps, cette dame me reproche de ne pas avoir anticipé mes impôts. Comment aurais-je pu le faire vu que les lois de finances ont été rétroactives et que celles qui ne l'étaient pas étaient aussi connues de mon centre des impôts. Et ce n'est pas comme si je n'étais pas mensualisé. Ce n'est tout de même pas de ma faute si les règles comptables et fiscales ont changé en cours de route (déplafonnement des cotisations sociales, réintégrations de charges dans le net fiscal et j'en passe des vertes et des pas mûres !). Là, il y a eu un blanc.
Il y a aussi eu un blanc lorsque je lui ai demandé comment elle ferait dans ma situation. La seule réponse a été, je cite, qu'elle n'avait pas à répondre à cette question. C'est bien dommage, j'aurais aimé avoir son avis.
Puis elle me reproche d'avoir fait des démarches en prévoyance d'un problème qui ne se poserait peut-être plus en septembre, me signalant sans rire que je pouvais simplement attendre les rejets des prélèvements sur mon compte en ne tenant pas compte des relances et des différents courriers de menace de la part des impôts. En revanche, en septembre prochain, même si ma situation ne s'est pas améliorée, je devrai certainement régler l'intégralité de mes impôts parce que, comprenez-vous, vous auriez dû prévoir. Prévoir, je vais de ce pas acheter une boule de cristal pour savoir à quelle sauce je vais être mangé et quelles sont les nouveautés fiscales qui vont être votées rétroactivement par nos chers députés. Sans commentaire.
Mon problème, en fait, est d'avoir emprunté pour régler mes impôts l'an passé. Je suis à jour de mes règlements. Et ça, ça leur pose problème. Ils n'arrivent pas à intégrer que l'on puisse être dans la merde en payant ses impôts, comme ils ne doivent pas avoir l'habitude de contribuables trop honnêtes et se débrouillant pour régler leurs impôts même en cas de gros problèmes financiers. Ils n'arrivent même pas à imaginer qu'on puisse être sans rien (ni RSA, ni allocations chômage) et qu'on doive sortir 5000 € mensuels pour payer ce beau monde. Ils n'ont aucune idée de ce qu'est le statut de profession libérale et, je dois dire, se contrefichent de tout. Ce ne sont pas eux qui ont les problèmes et cela ne les concerne pas.
Revenez vous voir en septembre. Et d'ici-là, que dois-je faire ? La manche ? Me déguiser en drag-queen et tapiner ? Faire le gigolo ? Travailler au noir ? Vendre mon appartement ?
Réponse : « mais payer ce que vous nous devez. » De toute façon, votre femme est solvable. Au pire, en septembre, on posera une retenue sur son salaire si vous ne pouvez emprunter à votre famille ou à des amis. Notez bien le nous. On aurait dit que j'essayais de la voler, cette brave dame, et que cela sortait de sa poche.
La France est décidément un beau pays. Il y a visiblement deux catégories de français. La première, que tout le monde va aider, qui reçoit de l'argent de partout, et l'autre, qui n'est là que pour payer, payer toujours et encore, et qui n'a pas le droit d'avoir un seul problème financier dans sa vie.
Non, ce n'est pas un beau pays. Je ne pensais pas écrire cela un jour, mais c'est vraiment un pays de merde.
Avez-vous écrit à votre député, à d’autres députés ?
Si oui, que vous ont-ils répondu ?
P.S.
Je prévois via ma boule de cristal que vous aurez une réponse passe-partout d’un attaché parlementaire, au mieux.
Il paraît que ce sont les députés qui font les lois. D’ailleurs, c’est sûr, ils ne s’oublient pas.
J’arrête. Je vais faire de l’antiparlementarisme primaire comme disaient les membres du parti.
J’ajouterais aussi que tout ce beau monde qui me met dans la gêne va me rembourser à la fin de l’année 2014 un énorme trop perçu sans naturellement me donner les intérêt afférents.
Partir à l’étranger est sans doute une bonne solution, si du moins votre femme est prête à vous suivre.
Mais il vaut mieux le faire avant d’être complètement coincé financièrement.
Je me suis rendu plusieurs fois à l’assemblée pour des problèmes bien plus graves et qui dépassaient de loin mes problèmes personnels. J’y ai entendu que les députés n’allaient tout de même pas refaire la politique du gouvernement. Je précise que le député qui m’a dit cela (initiales E. S.) était de la couleur politique du gouvernement en place. Par ailleurs, même si cela n’a pas vraiment de sens parce que les mandats des députés sont nationaux, c’était tout de même mon député. Je n’en attends donc rien.