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Hier, à 16h38 commençait la cérémonie des vœux du président de la république à la presse. Elle se tenait dans la salle des fêtes du palais de l'Élysée. Une scène de boulevard, les costumes étaient de Donald Cardwell, les décors de Roger Harth, pardon, de Sadi Carnot.
Sur la forme, cette cérémonie était pathétique. Au premier rang, côté jardin, la foule immense des ministres. Cela ressemblait à la foule des hébreux filmée par Cecil B. DeMille. Cela dodelinait de la tête pour être bien sûr d'apparaître à la caméra, cela rigolait des piques présidentielles, cela se tordait les doigts, cela discutait même sans vergogne.
Sur la scène, je dois dire que c'était pire encore. Mon ancienne professeur de théâtre aurait parlé d'une élocution d'accordéon, de liaisons « maltapropos » et de fautes de Français. Combien de « voire même » a-t-on pu entendre ? Plus de deux heures trente de conférence de presse de cet acabit, c'est dur. C'est très dur.
Sur le fond, je ne sais pas trop ce qu'il faut réellement en retenir. J'avoue être partagé. Il y eut un moment la phrase suivante :
Je suis président de la république, c'est en ce sens qu'une interrogation m'habite.
Vous pouvez vérifier. Pour ma part, je note que François Hollande est président de la république depuis vingt mois et qu'au bout de vingt mois, il utilise toujours la méthode Coué pour s'en convaincre. Il faudrait que j'en parle de toute urgence à mon psychanalyste.
Mais le plus dérangeant n'est pas son utilisation de la méthode Coué. Après tout, la méthode Coué n'a jamais été réellement néfaste. Non, le plus dérangeant est son absence totale de vision pour l'avenir. Toutes les réponses étaient floues. J'admets que les réponses aux questions sur sa vie privée l'aient été. Les frasques extraconjugales — encore que je ne suis pas sûr qu'on puisse parler ici d'extraconjugalité — ne nous regardent pas à partir du moment où elles n'influent pas sur l'exercice du pouvoir et la fonction présidentielle. La seule chose qui regarde le peuple français, c'est le statut de la première dame de France, statut qui n'existe pas dans notre constitution, mais qui dans le cas de Valérie Trierweiler (à prononcer une bonne fois pour toute Trîrvaïlère sous peine de m'entendre parler de la place Broglie et non Breuil à Strasbourg !) coûte à l'état la bagatelle d'un cabinet avec neuf conseillers et quelques frais annexes.
Les réponses aux questions de politique intérieure et extérieure ont été floues. Un journaliste italien a mis les pieds dans le plat, mais si sa question était précise, la réponse l'était nettement moins. Officiellement, la ligne est celle de la démocratie sociale. Très bien. Officiellement toujours, le gouvernement va nous pondre un pacte de compétitivité qu'il va passer avec les entreprises. Là, les bras m'en tombent.
Les entreprises n'ont pas comme objet social de fournir de l'emploi. L'objet des entreprises est de fournir un produit en gardant une trésorerie positive. Subséquemment, elles fournissent des emplois pour atteindre ce but. Mais l'embauche n'est qu'une conséquence du fonctionnement de l'économie. Si l'économie ne fonctionne pas, le gouvernement aura beau jeu de diminuer les charges sur les entreprises, elles n'embaucheront personne. Et ce n'est pas parce que le MEDEF prétend pouvoir créer un million d'emplois que cela se fera. L'immense majorité des emplois en France se trouve dans les PME et TPE qui ne sont pas représentées par le MEDEF. Elles ne seront quasiment pas touchées, contrairement aux grands groupes, par ces baisses de charges. En revanche, l'impôt sur les sociétés qui a explosé cette année va les toucher de plein fouet. Je ne pense pas, à moins d'avoir une reprise soutenue et durable de l'économie, que ces entreprises vont prendre le risque d'embaucher.
Elles ne prendront pas ce risque pour une autre raison. Ce pacte de compétitivité va être discuté avec les partenaires sociaux. Mais peut-on une bonne fois pour toute remettre ces partenaires sociaux à la place qu'ils n'auraient jamais dû quitter ? Grâce à ses partenaires sociaux, nous avons la chance en France d'avoir une page de plus au droit du travail tous les trois jours ! Grâce à ces partenaires sociaux, nous avons un système social qui ne fonctionne plus parce qu'au lieu de tirer tous dans la même direction, nous avons des régimes spéciaux pour les retraites, pour les assurances maladies, pour les prévoyances, nous avons une partie des travailleurs qui reçoit à peu près toutes les prestations (les salariés) alors qu'une autre partie (les trois millions de travailleurs non salariés) ne servent qu'à payer sans jamais recevoir une quelconque prestation. Si le gouvernement ou l'assemblée trouve qu'une mesure est bonne, elle l'est dans l'absolu, que les partenaires sociaux soient d'accord ou non.
Le simple fait de toujours appeler aux partenaires sociaux interdit les réformes de fond qu'il faudrait faire de manière urgente en France. Il est en effet urgent de réformer l'assurance maladie qui doit fonctionner comme une organisme assurant un risque et non comme un impôt. Sans cela, les assurés iront voir des assurances étrangères (mais européennes) comme ils en ont le droit, assurances qui coûtent bien moins cher que la CPAM française et qui, contrairement à ce qui est raconté par leurs détracteurs, ne peuvent pas radier quelqu'un sauf si les primes ne sont pas réglées et qui n'ont pas le droit non plus d'augmenter les primes en fonction de l'âge. La même chose doit être faite pour les retraites. Plutôt que d'avoir des débats stériles et qui n'aboutiront à rien, il faut de façon urgente traiter le problème des multipensionnés et aligner tous les régimes spéciaux sur le régime général en créant une retraite à points pour tout le monde. Il est toujours possible de traiter de la pénibilité en modulant la valeur du point pour certains métiers réellement pénibles.
Quant à la fiscalité, pourrait-on une fois pour toute la stabiliser ? Pourrait-on une fois pour toute ôter ses œillères idéologiques pour éviter de garder des impôts idéologiques et contreproductifs comme l'ISF ou l'impôt sur les successions ? L'ISF est responsable d'un appauvrissement du pays (fuite des capitaux, dilution des capitaux sociaux des entreprises par ventes à la découpe à des fonds étrangers…) mais aussi du problème du logement dans les grandes villes (vente des appartements à la découpe, montage de SCI de bureaux plutôt que location pour loger des familles). L'offre étant de plus en plus faible vis à vis de la demande, les prix montent. Et Duflot se demande encore pourquoi. Quant à la fiscalité sur les successions, elle incite juste les gens à ne pas prévoir leurs vieux jours et à terminer aux crochets de la société. En effet, pour être propriétaire de son appartement, il faut en France avoir payé son impôt sur les revenus. Avec le reste, il faut s'endetter pour acheter un appartement puis payer les taxes de mutation et publications foncières ainsi que la taxe foncière tous les ans. Autant je trouve une explication à la taxe d'habitation, autant je ne vois pas bien à quoi correspond la taxe foncière si ce n'est une taxe sur la propriété. Mais il faut encore que les héritiers paient des droits de succession. Cette triple imposition sur les mêmes revenus incite donc à tout dépenser et à ne rien avoir pour soi. Une simplification avec des tranches marginales d'imposition sur les revenus allant jusqu'à 60 voir 70% et une suppression des ISF et droits de succession, ainsi qu'une suppression de toutes les niches fiscales, permettrait d'y voir plus clair.
Mais ce n'est pas demain que ce sera fait. Il y a en France 40% des foyers fiscaux qui ne paient par d'impôt sur les revenus et qui sont exonérés de quasiment tous les impôts et taxes directs. Le fait d'être non imposables ouvre aussi des droits à certaines allocations. Nous nous trouvons donc dans la situation aberrante suivante, à savoir que l'assujetti médian à l'impôt sur les revenus s'appauvrit de plus en plus pour payer de plus en plus d'allocations. Or les partenaires sociaux ne sont pas prêts à revenir sur ce système. Le gouvernement ne le veut pas non plus parce que cela fera immédiatement 40% de mécontents.
En 2014, il ne se passera donc rien. Sauf peut-être si le système implose en raison de la prochaine crise financière que l'on peut déjà prévoir. Là, la seule issue qui restera sera le chacun pour soi, donc le libéralisme total. C'est en refusant de réformer quand on le peut encore l'état providence que celui-ci va s'effacer devant le pire des libéralismes.