« Quand les lémuriens attaquent... | Je mets les pas dans les pas de mon père » |
N'en déplaise à Philippe Meyer, l'esprit public n'existe pas. Si la somme des intérêts individuels était à peu près égale à l'intérêt collectif, il serait encore possible d'en discuter. Mais ce n'est pas le cas, chacun voit midi à sa porte et certains sont visiblement très myopes.
Depuis quelques semaines, des bruits de bottes russes se font entendre depuis l'Ukraine. Et les commentaires des articles de presse sur les sites internet des grands journaux montrent s'il fallait encore s'en convaincre qu'internet, sous couvert d'anonymat, permet aux instincts les plus bas de s'exprimer.
Si l'on en croit les commentaires, tout droit issus de la fange numérique de la société, il faudrait laisser faire l'oligarque russe sous des prétextes tous plus fallacieux les uns que les autres.
Il faut donc rétablir plusieurs faits. Khrouchtchev n'a pas fait cadeau de la Crimée à l'Ukraine. Si c'était un cadeau, il était bigrement empoisonné parce que cette péninsule n'a pas les ressources nécessaires pour permettre à sa population de simplement survivre. Il a fait ce qu'il était logique de faire. Les russes ont déporté les Tatars qui n'en demandaient pas tant et plus ou moins colonisé la péninsule. Et si l'on considère que ce rattachement est une iniquité, il ne faudrait pas oublier qu'avant d'être russe, la Crimée faisait partie de l'empire ottoman et qu'elle fut bien plus longtemps turque qu'elle n'a été russe. Rendons donc la Crimée à la Turquie. Un peu de cohérence ne nuirait pas.
L'Ukraine est aussi un pays souverain. On peut discuter sur le caractère démocratique, autoritaire, oligarchique voire despotique de son régime politique, mais il n'empêche qu'il s'agit d'un pays souverain avec des frontières reconnues internationalement. Les russophones n'y étaient pas massacrés par les armes. Pas encore.
La révolution en court n'a eu lieu qu'en raison d'un revirement du président déchu contre une bonne partie de sa population. La population de Kiev voit d'un côté la situation russe et de l'autre la situation qui prévaut en Pologne et en Roumanie. Il va sans dire que l'attrait de l'Union Européenne ne peut être que fort.
Cette crise s'éternise et il était urgent de ne pas attendre. Poutine ne comprend que les rapports de force, la diplomatie russe n'a pas changé depuis la période glorieuse de l'URSS et il n'en restera pas là. Il compte bien annexer tout ce qui était un jour russe pour exactement les mêmes raisons qu'Adolf Hilter a annexé une bonne partie de l'Europe. L'Ukraine n'est que le début et si personne ne se lève contre lui, ce sera bientôt le tour de la Biélorussie.
Ainsi, entendre des gens déclarer haut et fort que chaque peuple a le droit de disposer de lui-même et que les autres puissances n'ont aucun droit d'ingérence est assez paradoxal. Il faut poser des limites non pour sauver l'Ukraine, mais pour sauver tout l'est de l'Europe de tentatives d'annexions russes et, surtout, pour pouvoir demain se regarde dans la glace. Et il faut le faire par tous les moyens. Si on ne le fait pas, c'est une nouvelle guerre froide qui va recommencer.
Par ailleurs, ne pas laisser faire Poutine est aussi une bonne action aussi pour le peuple russe. En effet, Poutine va se retrouver seul sur la scène internationale. Tout au plus épaulé par la Chine qui lorgne sur les matières premières sibérienne. La situation économique russe, déjà pas bien florissante, ne va pas s'arranger. Or aujourd'hui seule la diplomatie américaine est audible. L'Union Européenne brille par son inefficacité diplomatique. Pourvu que cette crise permette au moins de comprendre qu'il faut aller vers plus d'intégration européenne.
Et ceux qui se satisfont de la situation actuelle devront aussi accepter que la France, suivant l'exemple de la grande démocratie russe, annexe prochainement la Wallonie menacée par l'extrémisme flamand. Pourtant, nul doute qu'ils ne s'élèvent alors contre cette annexion.