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Ligne 13

09.04.14 | par Le Grincheux | Catégories: Vieux con, Monde de merde

Ce matin, quelle ne fut pas ma surprise de trouver en montant dans une rame de la ligne 13 à la station Invalides l'indication suivante :

Fig. 1 : annonce de la RATP indiquant un lieu de convivialité

Si je suis payé depuis deux mois pour être en état de perpétuelle hallucination alors que d'autres paient très cher leur billet quotidien pour les paradis artificiels — le monde est décidément injuste — je me disais tout de même que la journée commençait bien. Un Pernod ou un globule, même de bon matin, pourrait me permettre de relativiser mon activité professionnelle actuelle voire de commencer à philosopher sur l'inutilité de la tâche d'expert technique dans certaines entreprises puisque mon rôle consiste à dire qu'il faudrait peut-être songer à modifier ceci ou cela sous peine de rater complètement le projet en cours sur lequel repose tout de même la survie de m'entreprise en question.

Plutôt qu'écouter mes suggestions, je me fais éconduire plus ou moins poliment à chaque fois. Plutôt moins d'ailleurs.

Oui, vulgairement, je me fais souffler dans les bronches régulièrement parce que j'ose mettre le doigt sur les dysfonctionnements des cartes électroniques et que je suggère des corrections indispensables pour les fiabiliser. Il paraît que cela ne se fait pas, que je dois faire bloc avec l'équipe. L'équipe ! Parlons-en. Une des salariés, ce soir, en avait tellement gros sur le cœur qu'elle en avait quasiment les larmes aux yeux. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Un autre expert technique, en mécanique, a claqué la porte avec fracas hier soir. Pourtant, les candidats affluent. L'aura de cette entreprise est totalement déconnectée de ce qui se passe dans ses murs.

Je n'ai jamais vu tant d'énergie perdue, tant de problèmes de gestion de projet, tant d'incompétence, de politique et de petits chefs que dans cette entreprise, petits chefs incompétents et fiers de leurs prérogatives et qui ne prendront aucune décision pour corriger les tirs.

Ce matin, j'ai dû expliquer à l'un de ces petits chefs mon point de vue sur l'entropie, sur l'écho du bordel ambiant. Et j'ai dû mettre les points sur les « i » en signalant à ce petit chef largement plus jeune que moi et qui n'a jamais eu d'autre poste que, non, je ne cherchais pas à prendre sa place et que de toute façon, même si on me la proposait, je la refuserai sachant l'ambiance régnant dans le service et le travail à accomplir pour redresser cette barque qui prend l'eau de toute part. J'ai même été contraint d'enfoncer le clou en lui disant que son entreprise n'avait aujourd'hui aucun avenir et était condamné à se casser la figure sans un gros effort d'organisation et d'augmentation de qualité de ses produits. Que ma mission réussisse ou non, je serai payé. Je n'ai aucun intérêt dans l'entreprise en question et mon avenir ne dépend pas du sien.

Je ne pense pas que mes arguments aient fait mouche. Ce soir, il est parti faire du ski jusqu'à dimanche soir. Tant pis. En revanche, cette entreprise qui perd de l'argent depuis très longtemps vient d'obtenir un prêt de plusieurs dizaines de millions d'euros sur du vent, plus exactement sur le bagout de son PDG, argent qui risque fort d'être perdu. Pendant ce temps, des entreprises qui fonctionnent normalement, qui vendent des produits, mettent la clef sous la porte pour un défaut de trésorerie parce que les mêmes banques refusent de leur prêter quelques milliers d'euros ou annulent leurs lignes de découvert.

Il n'y a pas à dire, nous vivons une belle époque !

 

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