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Je ne sais pas si vous le savez, mais il existe un certain nombre de lois empiriques permettant de décrire la vie propre d'une hiérarchie. Il est possible de limiter le nombre de ses principes à trois grandes lois :
Depuis quelque jours, je me demande s'il ne faudrait pas y adjoindre la loi du Grincheux. La thèse est osée, mais comme toute thèse parfaitement défendable. Mais avant de défendre cette thèse, expliquons un peu ce que sont ces trois grands principes de la vie en société organisée.
Commençons par le principe de Peter. Ce principe est une loi empirique relative aux organisations hiérarchiques proposée par Laurence J. Peter et Raymond Hull dans l'ouvrage Le principe de Peter paru en 1970. Selon ce principe, « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence » avec le corollaire qu'« avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité ». Les postulats de base du principe sont les suivants :
Principes de base :
Corollaires :
De plus, si nous partons du principe que plus un poste est élevé dans la hiérarchie,
il découle immédiatement que l'impact de l'incompétence de l'employé aura été rendue maximale par le niveau hiérarchique du poste auquel il aura été promu.
Peter remarque que plus le nombre d'échelons hiérarchiques est élevé, plus chacun voit une chance de parvenir à son niveau d'incompétence et de subir « la stagnation de Peter ». Il remarque que les hiérarques, quand ils sont devenus réellement incompétents, se complaisent à fréquenter des réunions, colloques, séminaires, symposiums, conférences… Le corps des hiérarques peut alors entrer en « lévitation » sous le nom de « sommet volant ». En résumé, on ne peut déboulonner un hiérarque incompétent pour les raisons suivantes :
Je vous laisse méditer et je ramasse les copies dans quatre heures…
Force est pourtant de constater qu'aujourd'hui, le principe de Peter est supplanté par celui de Dilbert, une version aggravée du principe de Peter. En effet, dans le livre satirique Le Principe de Dilbert, le dessinateur Scott Adams rappelle le principe de Peter : Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence. Mais ces dernières décennies, selon l'auteur, le management a évolué d'une manière telle que l'époque où le principe de Peter s'appliquait pourrait passer pour un âge d'or en comparaison. Le nouveau principe, principe de Dilbert, s'énonce ainsi : « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers ».
Si le principe de Peter garantissait qu'un dirigeant incompétent serait compétent s'il occupait le poste d'un de ses subordonnés, dans une entreprise dilbertienne au contraire, les dirigeants sont ceux qui étaient les plus nuls aux postes subordonnés. En particulier, ils ne comprennent rien à la technologie et manquent de bon sens dans les cas les plus graves.
Réciproquement, les employés les plus compétents ne sont en aucun cas promus, car irremplaçables à leurs postes actuels.
Nous pouvons noter que bien qu'apparemment inégalitaire, le principe de Dilbert apporte en théorie une solution au problème posé par le principe de Peter :
Scott Adams a aussi illustré ces principes dans des bandes dessinées humoristiques représentant Dilbert.
Vous avez quatre autres heures.
Nous nous retrouvons donc avec des directions totalement incompétentes et des exécutants de plus en plus occupés lorsqu'ils sont encore compétents à leurs postes. Pourtant les directions doivent aussi avoir l'impression d'être surchargées pour justifier leur existence. Cette génération spontanée de travail inutile et coûteux a été formulée par C. Northocote Parkinson qui a développé sa loi (Work expands so as to fill the time available for its completion. General recognition of this fact is shown in the proverbial phrase: It is the busiest man who has time to spare) à partir de trois éléments :
À partir de ces trois éléments, il construit sa fameuse loi qu’il énonce ainsi (en page 12 de l’édition originale) :
it now becomes possible to state Parkinson’s Law in mathematical form: In any public administrative department not actually at war, the staff increase may be expected to follow this formula: … (ndlr. ici, une formule mathématique délirante X = (2*k^m + a) / n )… This figure will invariably prove to be between 5.17 per cent and 6.56 per cent, irrespective of any variation of the amount of work (if any) to be done.
Dans la langue de Corneille, cela pouraît donner :
il devient désormais possible de présenter la loi de Parkinson sous une forme mathématique simple : dans une administration publique qui n’est pas engagée directement dans des actions de guerre, l'augmentation des effectifs peut être définie par la formule suivante : (ici, la même formule mathématique délirante)… Cette valeur sera toujours comprise entre 5,17 % et 6,56 %, indépendamment de toute variation de la quantité du travail (éventuel) à effectuer.
La loi de Parkinson est donc la loi qui prédit l’augmentation inéluctable des fonctionnaires avec un taux d’environ 6% par an, indépendamment de la quantité de travail à fournir ou même de sa simple légitimité.
Dans son livre Parkinson’s Law And Other Studies In Administration, C. N. Parkinson propose également deux autres lois :
L'entreprise dans laquelle je fais actuellement des piges satisfait à l'ensemble de ces trois lois. Mais je m'aperçois de plus en plus qu'il manque une quatrième loi pour la décrire parfaitement, loi que — en toute modestie — je propose d'appeler la loi du Grincheux.
En effet, je constate que tous les niveaux de hiérarchie décisionnelle sont occupés par des sociopathes au sens médical du terme. Je constate aussi qu'il y a un turn over non négligeable, des départs volontaires et des démissions en assez grand nombre.
Pour connaître un peu mieux les gens, je constate que les plus faibles psychologiquement démissionnent car l'ambiance de travail est assez déplorable. C'est la démission ou le suicide. Les plus forts essaient de se battre pour faire avancer les projets, mais selon le principe de Dilbert, ils restent à des postes où, non seulement ils sont surchargés, mais aussi où ils n'ont aucune perspective de promotion, les postes hiérarchiquement plus élevés étant occupés par des incompétents. Mais la loi de la sélection naturelle étant la même pour tous, les plus faibles sont déjà partis et les plus compétents sont à leurs chères études car il faut bien faire fonctionner l'entreprise. Les incompétents sont donc ceux qui ont pu résister assez longtemps dans cet univers. Ce sont donc des incompétents sociopathes.
Ainsi dans un environnement de stress, la sélection par la résistance au stress fait qu'au bout d'un certain temps, tous les postes décisionnels sont occupés par des sociopathes incompétents.
Mais je vous en prie.