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Une polémique couve actuellement pour savoir s'il faut ou non contraindre les apprenants — pardon les élèves — des écoles primaires à écrire correctement. Ce qui me frappe le plus dans ce débat est la position de certains instituteurs qu'il faut maintenant appeler professeurs des écoles.
Il paraitraît que l'utilisation d'une plume est d'un snobisme suranné et qu'il n'est pas concevable pour eux de juger quelqu'un parce qu'il ne sait pas écrire.
Ah oui ? Personnellement, je suis contraint de faire avec des gens diplômés de grandes écoles ou de l'université qui ne savent plus ou pas écrire (ou lorsqu'il le savent encore, c'est en script), qui arrivent pour certains à peine lire et qui ne comprennent pas tout ce qu'ils lisent. J'en arrive même à me demander comment ils ont bien pu obtenir leur diplôme.
Donc oui, je suis un vieux con qui attache une certaine importance à la manière d'écrire et lorsque je reçois une note manuscrite, je préfère qu'elle soit écrite à la plume plutôt qu'avec une pointe bic ou un feutre qui pourrait servir de plumeau.
Et l'on entend de tout parmi les professeurs des écoles contre l'utilisation du stylo plume dans les classes. Et lorsqu'on le lit, c'est avec moult fautes d'orthographe, ce qui est un peu gênant pour des instituteurs ou prétendus tels. Cartouches qui explosent, stylos qui fuient et j'en passe. Personnellement, j'ai appris à écrire avec une plume Sergent-Major, la pire, puis une Henry bien supérieure. Un héritage d'une famille de hussards de la république… Au CP, j'ai eu un stylo Reynolds à bille puis, entre le CE1 et aujourd'hui, j'ai toujours eu des stylos plume, à cartouches puis à pompe. Et tenez-vous bien, jamais je n'ai explosé de cartouche. Jamais je n'ai eu un stylo fuyard. Je n'ai eu à déplorer qu'un problème de joint sur une pompe. Et pourtant, lorsque j'apprenais à écrire à la plume, j'avais un gros encrier d'encre qui tache sur mon pupitre incliné.
Mais l'utilisation de plumes m'a permis d'apprendre à écrire correctement, en formant les lettres dans le bon sens. Essayer d'écrire un « O » à l'envers avec une plume Sergent-Major est la garantie de faire au mieux un pâté, au pire un trou dans la feuille. Avec un stylo bille, on peut le faire sans aucune difficulté. S'il faut tenir correctement sa plume sous peine de ne pouvoir écrire, une pointe bille peut se tenir verticalement avec le poing, elle écrit encore.
Le problème de fond n'est donc pas les taches ou les fuites d'encre, mais le fait que l'on ne veuille plus apprendre à écrire. Et pour cela, tous les arguments sont bons, même les plus absurdes. L'écriture ne sert plus à rien. Comme les tables de multiplication qu'on jette sans vergogne aux oubliettes de l'histoire.
Et c'est comme ça qu'en réunion, actuellement, tout le monde vient avec un ordinateur pour prendre des notes, cherchant frénétiquement une prise de courant pour le chargeur, alors qu'un simple cahier et un stylo sont tellement plus pratiques. Mais pour cela, encore faut-il savoir écrire !
Je ne partage pas ce point de vue, sauf sur le dernier point : l’éloge de la simplicité.
On pourrait évoquer la maxime de Saint-Exupery, mais restons plus terre à terre, si l’on peut dire, avec un bon film de série Z, Apollo 13 de R. Howard.
J’éprouve une grande satisfaction à voir le chef de vol, notre bon Ed. Harris envoyer valdinguer le rétro-projecteur pour se remettre à la craie et au tableau noir. L’urgence impose la simplicité.
En écho, notre bon Depardieu énonce une maxime pleine de bon sens, il faut dire qu’elle est de Corneau, dans Fort Sagane : “Etre forts ne suffisait pas. Il nous fallait nous simplifier".
La simplification est un travail de longue haleine et nos chers petits partent d’un mauvais pas.
Il faut lutter contre les instituteurs, pardon les professeurs des écoles, dont l’engouement pour les cahiers, classeurs, feuilles à carreaux, stylos de couleurs improbables, mines de crayon normalisées école d’architecture, relève d’une grosse névrose obsessionnelle institutionnellement héréditaire.
Alors que les enfants voient très bien que dans la vraie vie, on prend le premier stylo qu’on trouve et une feuille quelconque d’une ramette de photocopieuse…
Les comparatifs de calculettes, dignes des chroniques de la presse automobile, enflamment le monde enseignant.
Calculette programmable et graphique que notre jeune lycéen n’utilisera plus jamais dans sa vie, sauf peut-être quand il calculera ses impôts, doutant, c’est bien normal, de sa raison dans ce cruel moment.
Pour les plus méritants, la découverte au lycée qu’une “suite bureautique” n’a pas grand chose à voir avec “l’informatique” mais davantage avec le délicat problème de l’obésité électronique, qu’un “système d’exploitation” exploite surtout celui qui l’utilise aveuglément, qu’un jeu de tarot se joue avec des vraies cartes, un jeu d’échec avec des bouts de bois et un jeu de go avec de simples pierres, cette découverte donc du consumérisme stupide poussera notre jeune dans une secte, je le crains ou dans la lecture de Théodore Monod, ce qui est encore pire.
Le stylo à plume, ce machin qui a ses menstruations au moment où on ne s’y attend pas, qui possède un bouchon qui est toujours très pratique quand on note quelque chose debout dans le métro, qui simplifie outrageusement les idées de cadeaux d’amis plus ou moins feignants, qui donne lieu à toute une fresque psychanalytique et au regard narquois des petites amies, ce bidule se doit de disparaître !
Les adolescents sont déjà assez perturbés par leurs pollutions nocturnes. Découvrir que le stylo a les mêmes soucis n’arrange rien et à terme, ce sont encore des moquettes dégueulassées qui brûleront.
Quand j’étais enfant, j’utilisais un stylo plume “Parker” car c’était le nom de… Spiderman. Je sais, on est peu de chose en ce bas monde…
Adulte, après une lecture navrante de Roland Barthes (ce brave homme se plaignait de l’écriture “pisse-copie” du stylo bille et soupçonnait son influence néfaste sur la pensée), je m’étais attaché à un Sheaffer, dont l’encre noire voisine de l’encre de chine me ravissait.
En fait, je n’ai plus utilisé la plume que pour les lettres d’amour ou très amicales.
Ayant le double mauvais goût d’être né et gaucher et trop récemment pour être contrarié dès le primaire, c’est donc de ma main gauche que j’ai appris à écrire.
Avez-vous déjà vu un gaucher écrire à la plume ? La contorsion du poignet, afin de ne pas passer la tranche de la main sur l’encre fraîchement déposée a quelque chose de risible, et de vain, aussi. J’ai malgré tout utilisé, moi aussi, la plume, jusqu’à la fin de mes études, et durant mes années de scolarité, le plat de ma main gauche était donc souvent maculé de traces d’encre.
C’est donc sans aucun regret que, en entrant dans la vie active, et constatant que la nécessité de rédaction manuscrite, de nos jours, tendant vers le néant, j’ai purement et simplement cessé d’écrire à la main !
Bien sûr, je continue de griffonner sur un bloc (avec un critérium ou un Bic) quand j’ai besoin de prendre de notes rapidement pour mon usage personnel, mais depuis 20 ans, tout courrier, note, ou rapport est rédigé sur un clavier d’ordinateur.
Pour autant, je comprends et approuve ton point de vue : lorsque je vois la belle écriture de mon père (et des gens de sa génération) et que je la compare à mes pattes de mouches, je ne suis pas vraiment fier de moi. Mais je me console en me disant qu’à défaut d’une belle calligraphie, je sais au moins écrire dans une syntaxe correcte, et sans produire une faute de grammaire toutes les 2 lignes.
Reçu récemment, de la part d’un stagiaire dans l’entreprise niveau bac +3. J’ouvre les guillemets avec des pincettes :
“votre raiponce ai souhaiter”
Même si la référence à la princesse de Disney m’a fait bien rire, comment est-il possible, en ayant fait des études secondaires, de coller dans une phrase de 4 mots une faute d’orthographe et 2 de grammaire ??? Des fautes qu’un élève de CM1 ne devrait pas produire !
Bref, avant de se battre sur la forme, il y a des chantiers autrement plus urgents…
Je ne sais pas ce que vous utilisez comme stylo à plume. Personnellement, je suis fidèle au Pelikan Souverän M400 à plume fine (chez moi) et à un Pelikan plus bas de gamme, tous deux à pompe. Je n’ai jamais eu de problème. J’ai aussi un Waterman à cartouche et j’avais un Parker (avec ses cartouches spécifiques) que je me suis fait subtiliser. Il me reste aussi mon porte-plume en bois d’orme.
En revanche, les rollers et autres billes à l’encre épaisse et plus ou moins sèche me font faire des ratures et des traces. Ils glissent largement moins bien sur le papier. Ces bidules devraient être interdits purement et simplement. Surtout pour apprendre à écrire !
Mais il est vrai que si vous utilisez du papier d’imprimante, fût-il de qualité, à la place d’un vélin Seyès de Clairefontaine pour tenter d’écrire à la plume…