« Fête de la beuverieAlors ? Sélection ou pas ? »

Truc bouclé ou bâclé dans l'urgence

15.06.14 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les politiciens

Vous ne lisez sans doute pas le Journal Officiel. Et comme vous l'avez sans doute constaté, les media d'information générale n'en ont pas parlé. Il est vrai qu'ils nous ont abondamment informé des problèmes de la République Centrafricaine, de l'Ukraine, de la Syrie et de l'Irak. Enfin, un tout petit peu, ils nous ont déjà assomés avec Roland-Garros, la coupe du monde de football avec les pieds et bientôt le tour de France au pain sec et à l'eau, ils ne peuvent pas tout faire.

Alors voici ce texte.

JORF n°0135 du 13 juin 2014 page 9810
texte n° 6 DECRET
Décret n° 2014-610 du 11 juin 2014 relatif au pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée bénéficiant d'un droit d'accès dans les formations de l'enseignement supérieur public où une sélection peut être opérée
NOR: MENS1408915D
Publics concernés : lycéens de terminale préparant le baccalauréat et sollicitant une première inscription en première année d'une formation de l'enseignement supérieur public pour laquelle une sélection peut être opérée.
Objet : pourcentage annuel des meilleurs élèves par filière de chaque lycée, au vu de leurs résultats au baccalauréat, bénéficiant d'un droit d'accès dans les formations de l'enseignement supérieur public où une sélection peut être opérée.
Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Il s'appliquera aux bacheliers de la session 2014.
Notice : le présent décret est pris en application de l'article L. 612-3-1 du code de l'éducation, créé par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il fixe, pour 2014, à 10 % le pourcentage des meilleurs élèves par filière de chaque lycée, au vu de leurs résultats au baccalauréat, bénéficiant d'un droit d'accès dans les formations de l'enseignement supérieur public où une sélection peut être opérée.
Références : le présent décret peut être consulté sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre, Sur le rapport du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche,
Vu le code de l'éducation, notamment son article L. 612-3-1 ;
Vu l'avis du Conseil supérieur de l'éducation en date du 20 mars 2014 ;
Vu l'avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche en date du 17 mars 2014,
Décrète :

Article 1 Le pourcentage prévu à l'article L. 612-3-1 du code de l'éducation est, pour l'année 2014, de 10 %.

Article 2 Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et la secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 juin 2014.

Manuel Valls, Premier ministre. Benoît Hamon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Geneviève Fioraso, la secrétaire d'état chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Instructif et totalement idiot. Mais peut-on attendre plus de ce gouvernement que des petits-fils de Charlemagne ? Quand les gouvernements successifs de la France comprendront-ils qu'on ne décrète pas un niveau ? 10% des meilleurs bacheliers, c'est tout aussi idiot que 80% d'une classe d'âge au niveau du bac. Cela ne fait que chuter le niveau des élèves en repoussant la sélection plus loin. Mais cela ne fait rien, on a repoussé le problème, refilé la patate chaude à son voisin qui devra expliquer aux étudiants qu'ils ont fait des années d'études pour rien ou qu'il vaudrait mieux pour eux, alors qu'ils ont une licence durement acquise, qu'ils se réorientent d'urgence.

Mais non, il fixe un droit sans se préoccuper des conséquences. Qui plus est, il fixe ce droit pas un décret bâclé dans l'urgence pour qu'il s'applique dès cette année.

C'est pathétique. Et nous n'avons pas fini de payer cette politique !

 

1 commentaire

Commentaire de:
atg

C’est une histoire de finances. Entre autres choses…

Lors de mes premiers recrutements, j’étais étonné du niveau hétéroclite des candidats possédant pourtant le même diplôme et une expérience à peu près similaire.

Je recrute “sur l’établi", en donnant une tâche concrète, pas sur des performances linguistiques, une façon de se présenter ou une gestuelle particulière. Et le cv avec son joli design, mes sanitaires sont mieux placés que moi pour en parler.

Je crois me souvenir que j’avais besoin de jeunes mécaniciens. Bon nombre ne savaient pas vraiment à quoi pouvait servir un différentiel. Ils avaient pourtant leur CAP et le joli papier l’attestant, sans que Photoshop ne soit de la partie.

Mon étonnement a été plus grand lorsque je me suis rendu compte que la plupart n’en avait rien à cirer de la mécanique, voire que cet art leur déplaisait, un métier tachant et n’étant d’aucune utilité pour réparer leur Audi de quartier.

Je me suis donc renseigné. L’EN, c’est un système de cases. Ces cases sont prédéfinies. Et financées. À l’avance. Ils s’agit ensuite de les remplir. Plus ou moins de force.

Par exemple, pendant longtemps, dans ma région où les arbres ne parviennent même pas à se battre en duel, le CAP le plus fourni était le CAP…suspense… bûcheron.

Devant ma mine déconfite, l’EN m’expliquait qu’il fallait bien loger les profs et vagues formateurs des “métiers du bois", qu’on ne pouvait pas s’en débarrasser, qu’ils étaient déjà payés, enfin bref, qu’il leur fallait leur quota flaubertien de jeunes à dévorer.

Et après tout, rien n’empêchait les sudistes bûcherons à aller s’installer dans les Vosges, les voyages formant la jeunesse.

La filière “longue” obéit au même principe. Si on avait des profs d’étrusque, à n’en pas douter, il y aurait une case “filière langues internationales pré-christiques” à remplir.

Plus tard, je me suis diverti à enseigner à des étudiants. Entre profs, on avait de grandes réunions pédagogiques, très savantes. Il y était question de référentiels, de compétences transversales, d’emploi-types, enfin des trucs très savants donc.

J’ai le souvenir d’une réunion marquante. On me demandait ce que je souhaitais introduire dans mon cours. “Un module recherche opérationnelle". Tout mes collègues se félicitent de cette idée. Je n’ai aucun souci à leur faire admettre que rien n’est plus important que la RO pour faire des jeunes bien éduqués.

Bien entendu, si j’avais choisi la RO, c’est que je n’y connaissais rien et en comprenais encore moins, donc cela me donnait l’occasion d’apprendre. Au moins, dans le mastère, j’aurai Une personne intéressée : moi !

Cela a failli réussir. Mais je n’avais pas prévu le coup bas de l’adversaire le plus haï : le service comptable. “Avec tes conneries, tu vas nous décimer les 3/4 de l’effectif. Et on va vivre avec quoi ?". Adieu la RO…

J’ai vécu des choses similaires en “grande école de commerce” (sic) : “Avec ce qu’ils paient, tu as intérêt à leur mettre la moyenne !". Bah oui : les finances des étudiants et les budgets alloués, ça compte que diable.

Grand-père semble ne plus avoir toute sa tête. Vous le menez direct en service de neuropsychiatrie. Il faut faire un diagnostic. Établir un protocole de soins. Et répondre à la question “en ambulatoire ou pas ?".

Vous pensez qu’il n’est question que de technicité. Diantre, non. J’en sais quelque chose : c’est moi qui vais effectuer ce travail. Mon principal problème, ce n’est pas l’état du vieux. Ça, c’est facile. Ce n’est pas du travail sérieux, c’est une besogne qu’on fait sans même trop réfléchir.

Non, mon problème ce sont les finances des pavillons et les infirmiers qui veulent me faire la peau si je réponds : “En ambulatoire, cela devrait suffire". Les attributions de budget dépendent du nombre de vieux hospitalisés.

Un vieux en moins, c’est un infirmier qui voit ses heures s’évanouir, qui est déplacé, enfin le vrai drame, c’est le drame financier. Le vieux, de toute façon il va mourir, alors hein…

Autre exemple divertissant : les permis poids-lourds. Une manne financière. Disons-le tout de suite : il est impossible de louper un permis PL. On a même viré cette discipline intellectuelle qu’est la mécanique des référentiels. L’inspecteur ne prend pas encore le volant à la place du candidat, mais on s’en approche.

Certains mauvais esprits s’étonnent que lors des examens théoriques (que l’on trouve aussi lors du passage de la FIMO ou de la FCO), 100% des analphabètes parviennent à les réussir alors qu’ils ne peuvent lire les questions.

C’est pourtant simple. Regardez le sol. Il y a un dallage. Vous remarquerez que dans le groupe, il y a une personne qui pose son pied sur une case du dallage par jeu, choisissant une case ou une autre selon sa fantaisie.

Enfin, selon le code A,B,C,D…

Si par malheur, la salle ne possède pas de dallage, ce même individu aura des mouvements d’épaules (A,B) et des genoux (C,D) qui inquiéteront un neurologue naïf.

Le bénéfice est multiple : plus de routiers = plus d’esclaves auxquels on peut demander à peu près n’importe quoi. Des salaires moindres. Enfin le paradis.

Et l’organisme de formation ? Si l’idée lui venait de produire des vrais routiers, par une forme d’obsolescence, il déposerait le bilan. Le transport n’est pas très recruteur depuis 2009.

Mais si, en produisant des mauvais routiers, vous comprenez qu’ils vont vite sortir du circuit, cela donne quoi ? Des financements pour former de nouveaux mauvais routiers. C’est un fond de roulement. La qualité ne paie surtout pas !

Donc, en conclusion de cette réaction malheureusement longue, quand j’entends le mot “pourcentage de réussite", je sors ma calculette financière.

16.06.14 @ 21:54


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