« Le courage des frondeurs | Le sens des aiguilles d'une montre » |
Le fils de l'ancien patron du CNPF est décidément partout. Et il parle. Il parle beaucoup, sinon beaucoup trop.
Pourtant, souvent, il y a une certaine vérité dans ses prises de position. Lorsqu'il dit que notre système social a vécu, il a parfaitement raison. Comme il est encore dans le vrai en signalant que le dogme des 35 heures de travail est nocif. S'il s'en tenait à ces quelques points et faisait montre de pédagogie, ce serait bien. Sauf que ce n'est pas le cas il qu'il mélange un peu tout. Parler de 35 heures à des cadres payés au forfait est juste ridicule. Demander deux jours de congés en moins sur l'année et le glissement des jours restants sur des lundis ou des vendredis pour éviter les ponts alors même qu'ils sont pris sur des jours de congés des salariés est idiot puisque d'une part, cela ne coûte rien de plus et que d'autre part, le problème de fond de la France n'est pas la durée du travail, annuelle ou hebdomadaire, mais le fait que ce travail coûte bien trop cher.
Quant à revenir sur les sacro-saints acquis sociaux et le droit du travail arraché de dure lutte au patronat (dixit la CGT, grande fossoyeuse de la France), là encore, non seulement il est dans son rôle, mais il a parfaitement raison. Le droit du travail est, après le coût du travail, l'une des raisons principales du délabrement de notre économie. Il y a des tas de choses dans ce droit qu'il faudrait réformer voire abroger. Mais pourquoi donc attaquer le contrat de travail à durée indéterminée ? Ce qu'il propose existe déjà dans certaines conventions collectives, il s'agit du contrat à durée indéterminée de chantier. Un employeur engage quelqu'un pour une durée indéterminée à une tâche bien précise, souvent, dans des métiers du bâtiment. Lorsque la tâche est terminée, le contrat cesse. Je ne vois pas personnellement ce que cela pourrait apporter au marché de l'emploi. Peut-être parce que je suis hypermétrope et que je vois les choses de loin, mais peut-être aussi parce qu'en tant qu'ancien employeur, je crois dur comme fer que soit une personne fait son office et on la garde, soit elle ne convient pas et on s'en aperçoit tout de même assez vite au cours de la période d'essai. Et si l'on a besoin ponctuellement d'une personne pour une tâche bien définie, le contrat à durée déterminée fonctionne bien. Il suffirait de rayer d'un trait de plume l'histoire de son renouvellement possible qu'une seule fois d'au plus la moitié du contrat initial en la remplaçant par le fait que tout CDD au même endroit cumulant plus de deux ou trois ans consécutifs de travail effectif se transforme automatiquement en CDI. Cela ne coûterait rien et tout le monde serait content. Même la CGT.
Non, Pierre Gattaz est un révolutionnaire. Il faut tout changer. Il y a des choses qu'il faut réformer, il y en a d'autres qu'il faut abroger de toute urgence, mais je ne comprends pas pourquoi il veut absolument jeter le bébé avec l'eau du bain. Le principal problème étant le coût du travail, le plus cher d'Europe, qu'il s'attaque à la gabegie des comptes publics pour faire baisser les charges. Les charges des entreprises pourront alors baisser mécaniquement. Là, j'ai juste l'impression qu'il cherche à mettre la charrue avant les bœufs, voulant que les charges baissent alors même que la CPAM ouvre de plus en plus de droits à des gens qui ne cotisent pas, que les régimes spéciaux de retraites piquent ouvertement dans les caisses qui ne sont pas encore déficitaires, que les régimes d'assurance chômage sont aberrants, que les conditions de licenciement économiques sont absurdes. Demander à faire baisser les charges alors même que les dépenses de l'état augmentent est d'une logique particulière.
Mais Pierre Gattaz est aussi contraint d'adopter cette posture outrancière. En effet, le gouvernement ne fait rien pour maîtriser ses dépenses. On continue à emprunter en se disant que demain, on pourra rembourser. Mais demain, on n'arrivera pas à rembourser sauf à spolier tous les comptes bancaires. Si vous pensez que cela n'arrivera pas, rassurez-vous, l'état vient de s'en octroyer le droit et les moutons, prêts à tondre, n'ont rien dit.
La question est maintenant de savoir si l'on veut une répartition égalitaire de la misère, à l'instar de la grande période de l'URSS qui produisait au début des années 1980 une bombe thermonucléaire et une chaussure de taille 42 par habitant et par an, et dans ce cas, on ne change rien, ou une répartition inégalitaire de la richesse. Personnellement, mon choix est fait.