« À louerCensure expresse »

Étrange affaire

23.12.14 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit, Je hais les politiciens

C'est une étrange affaire, depuis le début.

Après plus de dix ans d'instruction sur l'un des financements les plus secrets du Parti communiste et de la CGT par le comité d'entreprise d'EDF, un procès s'était finalement tenu en juin dernier devant le tribunal correctionnel de Paris à la stupéfaction des intéressés eux-mêmes, plus habitués à être amnistiés qu'à être poursuivis. Pourtant, il devenait de plus en plus évident que cette période de clémence devait un jour ou l'autre prendre fin. Ce que l'on passe aux syndicats et aux partis politiques lorsque les caisses de l'état sont pleine n'est plus toléré en période de disette budgétaire.

Il est juste inadmissible que cela ait été toléré aussi longtemps.

Durant trois semaines dans une indifférence générale puisque rares sont ceux qui en ont parlé, le dossier du juge d'instruction Jean-Marie d'Huys a été utilisé pour mettre aux jours les malversations et les détournements de fonds de la caisse centrale d'action sociale d'EDF. La CCAS, pour ceux qui ne le sauraient pas, fait office de comité d'entreprise à EDF. Elle est connue pour ses recettes, au bas mot cinq cents millions d'euros, qui ne sont pas calculées sur 1% de la masse salariale d'EDF, mais sur 1% de son chiffre d'affaire. Cette hérésie date de sa création en 1946 par Marcel Paul, ministre communiste de la production industrielle, à la faveur avait-on dit d'une malencontreuse faute de frappe qui n'a jamais été rectifiée depuis.

Et depuis 1946, cette CCAS gérée exclusivement par la CGT est connue pour être la principale caisse noire d'une part de la CGT — on n'est jamais mieux servi que par soi-même — et d'autre part du Parti Communiste Français qui existe encore. Tout le monde le savait mais il ne fallait surtout pas le dire. Et ce n'est pas tout de le savoir, faut-il encore réussir à le prouver.

Or, fin 2003, un cadre de la caisse dépose plainte en Vendée. Une information judiciaire est enfin ouverte pour les motifs suivants : escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux. Rien que cela. L'instruction de cette plainte est confiée par le parquet au juge Jean-Marie d'Huy, plus connu jusqu'alors pour avoir instruit l'affaire Clearstream, preuve que le parquet tenait à faire la vérité sur cette affaire.

Et ce juge ne se laisse pas faire. Au printemps 2004, il perquisitionne le CCAS et comprend immédiatement à qui il a affaire. La CCAS est dans une nébuleuse comprenant l'IFOREP, l'Agence Centrale de Publicité (ACP) très proche du Parti Communiste Français et le journal l'Humanité. Dès lors, tout est fait par la CGT et le PCF pour faire durer ou capoter l'instruction. Pourtant, au bout de dix ans d'instruction, le procès s'est ouvert en juin dernier devant une chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Et ce procès fut long, trois semaines d'audience. Et trois semaines de silence dans les media.

En effet, les principaiux quotidiens nationaux sont dépendants de la CGT pour être imprimés au travers du syndicat du livre CGT. Il ne faut donc pas parler des choses qui pourraient fâcher voire contrarier un syndicaliste.

À ce procès, le procureur Serge Roques requiert dix-huit mois de prison avec sursis contre le principal inculpé, Jean Lavielle, qui présidait la CCAS à l'époque. Il requiert neuf mois avec sursis contre la sénatrice communiste Brigitte Gonthier-Maurin, poursuivie pour un emploi fictif, et plusieurs fortes amendes contre la CGT et sa fédération des Mines et de l'Énergie, contre l'IFOREP et contre L'Humanité, ces deux derniers pour avoir profité de détournements de plus d'un million d'euros.

Au total, huit personnes physiques et quatre organisations seront condamnées dans ce dossier.

Or le jugement du tribunal correctionnel de Paris est finalement rendu le 1er octobre 2014 dans une indifférence, un silence assourdissant. Aucun media n'a relayé cette information pourtant plus importante que les dernières frasques de Nabilla. Seul un entrefilet sur le site internet du journal la Croix, corroboré par un second entrefilet trouvé dans l'édition papier de les Échos m'a permis de savoir ce qu'il s'était passé.

Et pour cause, il fallait avoir le courage d'annoncer un jugement fort peu honorable à l'encontre de la CGT. Les condamnations ont été les suivantes :

  • Jean Lavielle écope des dix-huit mois avec sursis réclamés par le procureur ;
  • la sénatrice Gonthier-Maurin se voit gratifiée de dix mois avec sursis ;
  • l'ancien directeur général de la caisse, Jean-Paul Blandino, de huit mois avec sursis ;
  • concernant les amendes, le tribunal est allé au-delà des réquisitions, condamnant à 20 000 euros d'amende la CGT et sa fédération des Mines et de l'Énergie ;
  • 75 000 euros pour l'IFOREP  et 75 000 euros pour  l'Humanité qui sont les deux principaux bénéficiaires des détournements de fonds.

Au total, il y eut douze condamnations pour des faits clairement identifiés et prouvés de détournements et de malversations sur la période allant de 1994 à 2002. Le dossier n'a pas pu prouver de détournements de fonds plus anciens mais il n'y a aucune raison de penser que ces pratiques ne dataient que de 1994.

Les chiffres récents de cette CCAS sont assez intéressants. Si elle fait 470 millions d'euros de recettes, elle annonce aussi 550 millions d'euros de dépenses, soit une perte nette de 80 millions d'euros qu'il faut éponger d'une manière ou d'une autre. La CGT d'EDF, seule maîtresse à bord, a décidé de vendre une partie du milliard d'euros d'actifs détenus par cette caisse.

Cela lui évitera sans doute un nouveau procès, mais nous sommes toujours très loin d'une gestion saine.

 

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