« Petite analyse | Dette sociale » |
À l'instant, sur France Inter, j'entends Jacques Attali dans le poste. Vous l'avez peut-être oublié, mais le général De Gaulle qui prétendait déjà juste avant de couler que la vieillesse était un naufrage — ce qu'il faut encore constater ici — signalait aussi dans un éclair de lucité et une phrase sèche dont il avait le secret que pour réformer la France, il faudrait a minima fermer l'école polytechnique et l'ENA.
Jacques Attali, 71 ans depuis le 1er novembre dernier, est un habitué des ors de la république. Il cumule tout ce qu'exécrait le général. Issu de la promotion 1965 de l'école polytechnique, il est ensuite diplômé de l'institut d'études politiques de Paris puis de l'ENA. Mon mauvais esprit me souffle que c'est sans doute parce qu'il appartient au corps des mines qu'il ne réchigne pas à creuser des trous (budgétaires) divers et variés.
Et ce monsieur traîne dans les ministères, conseille. D'abord François Mitterrand et sa politique de gauche avant son tournant de la rigueur. Souvenez-vous, l'explosion du chômage, la 2CV de Fabius et les trois dévaluations successives alors que Pierre Mauroy répétait à qui voulait l'entendre que les clignotants de l'économie étaient au vert.
Ce matin, donc, ce conseiller spécial déclare abruptement, je cite, que « la France va très bien ». J'en suis fort aise, mais j'avoue que je ne suis pas sûr que l'on parle de la même France. Celle que je vois est un pays en état de lente décomposition, avec une classe politique qui ne travaille que pour justifier sa propre présence et travailler à son seul profit.
La France ne va pas bien. La France est un pays en voie de sous-développement. Et il n'est pas nécessaire d'aller dans les quartiers dits sensibles pour s'en rendre compte. Au centre même de Paris, cela devient de plus en plus visible. La méthode Coué n'a jamais été une politique à terme. Tout au plus peut-elle endormir le chaland jusqu'à l'explosion finale.
Et cette explosion viendra, malheureusement. La France n'a jamais su se réformer en douceur et il lui a toujours fallu des révolutions. La France est même le champion du monde du nombre de constitutions entre 1750 et nos jours parce que, jamais, il n'a été possible de la faire évoluer.
Le principal problème est l'expression de la démocratie car cette expression est toujours instrumentalisée pour servir une cause à court terme (élection du président de la république au suffrage universel direct en 1962 pour donner une légitimité forte, proportionnelle pour éviter le fiasco des législatives de 1986, quinquennat, bidouillages du corps électoral comme ne Nouvelle-Calédonie…). Le peuple accepte jusqu'au moment où il se rend compte qu'il s'est fait abuser et, à ce moment, il descend dans la rue avec des piques.
Je suis certainement un affreux réactionnaire, mais tant que l'impôt sur le revenu ne sera payé que par la moitié des français, je trouve que le suffrage censitaire n'est pas l'expression aberrante d'une république. En effet, ceux qui bénéficient des largesses du système sont plus enclins à voter en fonction de leurs intérêts propres plutôt que de l'intérêt général. Dès lors, le suffrage universel prend du plomb dans l'aile.
Retournons-nous et regardons l'évolution de la France depuis 1945. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l'intérêt collectif coïncidait peu ou prou à l'intérêt individuel et l'élection au suffrage universel n'était pas idiot. Je constate que ces deux intérêts divergent depuis les années 1980 nous poussant dans la crise dans laquelle nous nous débattons aujourd'hui parce que les institutions verrouillent ce système, qu'il s'agisse de la classe politique ou des partenaires sociaux, un joli mot.
Nous sommes donc tous responsables, mais le suffrage universel permet de rejeter les torts sur autrui à peu de frais. George Orwell écrivait pourtant il y a plus de soixante ans :
un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n'est pas la victime. Il est complice.
Notez bien qu'il parle d'un peuple, de l'entité abstraite, des électeurs et de ceux qui s'abstiennent. Il parle de veaux, de ceux qui vont à l'abattoir sans réchigner et qui en sont fiers, convaincus qu'ils vivent dans le meilleur des mondes possibles.