« Allah est assez grand pour défendre Mahommed tout seul ! | Légion du déshonneur » |
Dans notre beau pays, toute solidarité doit passer par un organisme plus ou moins lié à l'état. Et il est interdit de prétendre faire montre d'une quelconque solidarité en dehors de ces organismes. Un chef d'entreprise de l'est de la France en a fait les frais (source).
Résumons donc la situation. Ce chef d'entreprise, Claude Goudron, doit payer des pénalités pour avoir consenti des prêts sans intérêt à des salariés en difficulté. Son entreprise, Ultralu, est spécialisée dans la fabrication d'échafaudages et permet de faire vivre un peu plus de vingt salariés. N'ayant pas de comité d'entreprise pour s'occuper des actions sociales — il faut cinquante salariés pour cela —, il a décidé par empathie pour ses employés de les aider financièrement lorsqu'ils se trouvaient dans des situations difficiles. Pas des primes ou des dons, non, des prêts sans intérêt, de petites sommes entre 200 et 3000 euros remboursables sur au plus trois ans. Bien mal lui en a pris même s'il ne consentait à ces prêts que « dans des cas exceptionnels, qui sont malheureusement plus nombreux depuis la crise ».
Pendant plusieurs dizaines d'années, cette pratique était passée inaperçue des services de nos belles URSSAF aux doigts crochus. Jusqu'à ce qu'en juillet 2010, un inspecteur zélé un peu plus pointilleux que les autres et sans doute intéressé juge que « l'absence d'un intérêt d'emprunt est un avantage bénéficiant au salarié ». C'est la crise pour tout le monde et il convient de faire entrer le maximum de sous dans les poches percées de l'état. Il s'agit donc un avantage en nature qu'il convient de charger en réintégrant dans l'assiette de cotisations les intérêts des prêts accordés à l'instar des véhicules de fonction ou de tout autre avantage. Au passage, si on peut y coller des pénalités et des clauses pénales, c'est encore mieux !
Les sommes redressées ne concernent ainsi pas le principal, c'est encore heureux, mais les intérêts que les employés auraient payés à une banque ou un organisme financier. Le quotidien le Monde rapporte un redressement de 2596 euros pour les sommes prêtées ces trois dernières années. Il va sans dire que cela va inciter tout chef d'entreprise à venir à l'aide à ses employés en détresse.
Certes, il faut être un peu tordu, carrément malfaisant ou tout simplement contrôleur de l'URSSAF pour oser redresser pareil avantage en nature même si d'un point de vue strict du droit, cela peut se justifier. Mais là où cela devient carrément cocasse est que l'inspecteur de l'URSSAF, dans sa grande bonté, a évalué à 5152 € le montant des intérêts. Pour le seul prêt de 3000 €, les intérêts s'élèvent à 3410 € soit un taux annuel de 68%, loin devant le taux d'usure. Remarquez bien, ils ne savent déjà pas calculer les cotisations sans erreurs, alors des intérêts de prêts sur trois ans, c'est pour eux leur demander la lune…
Or ce chef d'entreprise n'a actroyé de tels prêts que parce que son entreprise n'avait pas de comité d'entreprise. Pour information, les prêts ou dons accordés par les CE aux salariés se trouvant dans une situation difficile et digne d'intérêt (sic) ne sont pas soumis aux cotisations sociales. Se pose donc la question de l'égalité entre les entreprises qui possèdent un CE et celles qui, trop petites, n'en possèdent pas.
En prenant un peu de recul, nous constatons que la solidarité, en France, ne peut passer que par l'état ou ses représentants et qu'il est hors de question de faire montre de solidarité sans lui. C'est un crime de lèse-majesté car seul l'état sait ce qui est bon et ce qui est mauvais pour ses sujets. Aussi constatons-nous une fois de plus que la liberté d'aider n'est pas de mise dans notre beau pays, que l'égalité de traitement n'est qu'une vue de l'esprit et que la fraternité n'existe plus si tant est qu'elle existât un jour. Seul l'assistanat est une valeur sûre.