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Comme l'aurait sans doutre signalé avec sa verve habituelle notre cher président de la république normal — le président, pas la république —, la sécurité sociale est gratuite. C'est l'état qui paie. Et cet état paie grassement pour son fonctionnement.
Or la sécurité sociale que le monde nous envie, c'est d'une part des prestations qui sont fournies à ses heureux cotisants et des coûts de gestion. C'est pourquoi le ministredes affaires sociales et de la santé et le ministre délégué chargé du budget ont demandé à l'Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) ainsi qu'à l'Inspection Générale des Finances (IGF) de conduire une mission relative à la gestion de l'assurance maladie anciennement obligatoire depuis l'arrêt de la cour de cassation du 18 juin courant et à la gestion des assurances maladie complémentaires. Il paraît que ces travaux s'inscrivent dans le cadre des travaux de modernisation de l'action publique initiés par le gouvernement.
Je ne vais pas vous paraphraser ledit rapport, simplement vous donner quelques axes de réflexions.
La sécurité sociale a perverti les mentalités, les Français n'ont plus aucune idée de la valeur des choses. Tout irait mieux si on rendait leur argent aux Français avec moins de charges sur leur salaire. Les gens qui pensent que la santé est gratuite sont soit abrutis par l'état, soit ils n'ont jamais lu leur feuille de paie sur laquelle figurent leurs cotisations.
Henri Pigeat
Mais revenons à cette mission dont l'objet était d'approfondir l'état des lieux en matière de dépenses de gestion de l'assurance maladie obligatoire et de proposer des pistes de réduction de ces dépenses et d'amélioration de la qualité de service offerte aux assurés. Plutôt que de s'engager dans des comparaisons internationales difficiles à exploiter, cette mission a procédé par analyse des études et des données nationales disponibles et par l'exploitation d'un questionnaire adressé aux opérateurs de l'assurance maladie, quelle soit obligatoire ou complémentaire.
Il en ressort immédiatement que l'assurance maladie est marquée par le poids des systèmes d'information qui structurent profondément son organisation et qui contribuent à expliquer les écarts d'efficacité entre les différents organismes. Mais il ressort aussi de ce rapport que les assurances santé privées sont moins chères et plus efficaces que la sécurité sociale. Ceux qui ont le choix de leur assurance — c'est-à-dire tous les Français depuis l'ordonnances 2001-350 — ne veulent absolument pas qu'on les réintègre dans le giron du monopole autoproclamé de la sécurité sociale.
Parlons maintenant de chiffres. La gestion des assurances maladie obligatoire et complémentaires a coûté 12,5 milliards d'euros à la collectivité en 2011 (sources : commission nationale des Comptes de la Sécurité sociale pour l’assurance maladie obligatoire, DREES pour l’assurance maladie complémentaire). Il s'agit donc de trouver des moyens permettant une meilleure gestion de l'assurance maladie obligatoire et complémentaire.
Et ce n'est pas difficile. La gestion du risque maladie est fortement structurée par la distinction entre l'assurance obligatoire et l'assurance complémentaire malgré certaines exceptions comme le régime Bismark d'Alsace-Moselle et les mutuelles de la fonction publique. Au total, quatre-vingt-six opérateurs gèrent quatorze régimes obligatoires répartis en trois régimes généraux (CNAMTS, MSA et RSI) et onze régimes spéciaux. Gravitent autour de cette nébuleuse les vingt organismes conventionnés du RSI, le Gamex et quelques autres prompts à se jeter sur le gâteau à se partager. Le secteur de l'assurance complémentaire est encore plus fractionné avec plusieurs centaines d'organismes qui assurent une prise en charge complémentaire (682 exactement à la fin 2011). Il faut cependant noter que la recherche d'une efficacité toujours plus importante amène le secteur complémentaire à se restructurer rapidement et à réduire drastiquement le nombre de ses intervenants.
Néanmoins, la mission estime nécessaire de renforcer la transparence sur les coûts de gestion, qu'il s'agisse des régimes obligatoire ou complémentaire, au profit des assurés. En outre, dans l'hypothèse où cette orientation n'entraînerait pas une diminution significative des frais de gestion dans les années à venir, la mission considère que la modération des frais de gestion pourrait être ajoutée aux conditions existances des contrats solidaires et responsables qui ouvrent le droit à des réductions fiscales et sociales.
La mission remarque aussi que des gens qui ne cotisent pas à l'usine à gaz de l'assurance maladie française bénéficient quand même de celle-ci quand les cotisations sont eux-mêmes privés de certains prestations. Elle pointe l'AME et la bonne conscience qu'elle procure.
La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part.
Michel Rocard.
Le rapport et son détail : assurance_maladie_rapport_2014.pdf
Mais revenons à ce qu'est exactement l'assurance maladie à la française. L'assurance maladie est un dispositif chargé d'assurer un individu face à des risques financiers de soins en cas de maladie, associé parfois au versement d'un revenu minimal lorsque l'affection prive la personne de travail. C'est un dispositif de sécurité sociale (au sens large) et de protection sociale. Un système d'assurance maladie étatique peut être géré par un organisme d'état, délégué à des organismes privés, ou bien être mixte. Son fonctionnement, comme toutes les assurances, est construit sur la mutualisation du risque. Chaque personne cotise en échange de quoi elle est remboursée selon un barème fixé.
Le problème, lorsqu'un système d'assurance maladie est étatique, est que le dogmatisme et la politique peuvent rapidement supplanter la logique des actuaires. La prime payée par l'assuré ne suis pas forcément les règles de l'assurance pure qui n'est basée que sur le risque puisque le système étatique remplit à la fois une fonction d'assurance et une fonction de répartition dans lesquels les plus aisés — ou ceux que le gouvernement et les partenaires sociaux considèrent comme les plus aisés — paient pour les plus défavorisés. Il n'y a plus aucun rapport entre la prime et le risque couvert, plus de contrat ou de responsabilité. Ce système, à terme, rend arbitrairement certaines personnes irresponsables et d'autres responsables.
En France, le montant les primes appelées cotisations est proporitionnelle d'une part au revenu, mais aussi à sa profession (libérale, fonctionnaire, salarié…). Jamais il n'est adossé à un quelconque calcul de risque. Il entraîne mécaniquement l'absence complète de responsabilité des assurés puisqu'il est impossible de demander à quelqu'un d'être responsable lorsqu'on l'empêche d'être libre. Les gouvernements ont beau jeu d'appeler continuellement à la responsabilité des assurés assujettis alors qu'ils les déresponsabilisent en leur enlevent toute libérté de choix. D'où les surconsommations médicales, les files d'attentes, les déremboursements permanents, etc.
Certains théoriciens comme Hans-Hermann Hoppe mettent en doute l'assurabilité même de la santé. En effet, notre santé n'est pas totalement aléatoire, puisque par nos comportements nous pouvons grandement l'influencer (alimentation, tabac, hygiène de vie). Est-il juste qu'un non-fumeur participe aux frais de santé d'un fumeur atteint d'une maladie des poumons ? La sélection du risque fait partie intégrante du métier de l'assureur. Cela signifie-t-il qu'un handicapé ou quelqu'un de gravement malade doive être laissé aux seuls soins de la solidarité privée, faute de pouvoir être couvert par une assurance ? L'assurance par définition couvre le risque aléatoire, et non les événements certains : il suffirait donc d'être assuré avant l'événement, par exemple dès la naissance. Une telle prise en charge de soi-même semble impensable dans les pays où l'étatisme oblitère la responsabilité individuelle en prétendant s'occuper de la santé de chacun. Pourtant que fait l'état (ou la gestion collective au travers d'institutions telles que la sécurité sociale en France) si ce n'est jouer le rôle d'un assureur, ce qu'il fait très mal et à un coût démesuré ?
Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu'il s'attribuera. Son premier soin sera de s'emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser ; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable [...] Ensuite, sous prétexte d'unité, de solidarité (que sais-je ?), il s'avisera de fondre toutes les associations en une seule soumise à un règlement uniforme. Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l'institution quand sa caisse sera alimentée par l'impôt ; quand nul, si ce n'est quelque bureaucrate, n'aura intérêtà défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement ?
Frédéric Bastiat en 1850
Henri Lepage quant à lui fait un autre constat :
Le système poursuit en réalité d'autres finalités que celle de soigner et de guérir les malades. La sécurité sociale est en effet devenue un gigantesque mécanisme de redistribution de rentes au profit d'intérêts puissamment structurés et implantés au cœur de la vie politique française.
Retournons-nous maintenant sur l'histoire récente. Puisque le système français est tout de même un système d'obédience vaguement communiste, regardons un peu ce que peut nous enseigner la médecine soviétique. En 1918, l'Union Soviétique est devenue le premier pays à promettre l'universalité des soins de santé du berceau à la tombe par la socialisation complète de la médecine. Le droit à la santé est en effet devenu un droit constitutionnel des citoyens soviétiques. Les avantages proclamés de ce système constitaient en ce qu'il réduirait les dépenses et éliminerait les pertes qui proviennent de la duplication inutile, en d'autres termes de la concurrence. Remarquez bien que ces buts sont en tous points semblables à ceux utilisés par Barack Obama et Nancy Pelosi, des buts séduisants et humains de couverture universelle et de bas coûts avec les résultats que l'on sait.
En Union Soviétique, le système a eu des décennies pour réussir. Pourtant, l'apathie répandue et la pauvre qualité du travail ont paralysé le système des soins. Je cite ici des extraits d'un texte écrit pas un ancien chirurgien soviétique.
Dans les profondeurs de l'expérience socialiste, les établissements de soins en Union Soviétique étaient au moins un siècle derrière le niveau moyen américain. De plus, la saleté, les odeurs, les chats errants dans les corridors, l'ivrognerie du personnel médical et l'absence de savon et de produits nettoyants, additionnés au désespoir et à la frustration, ont paralysé le système. Selon les propres évaluations officielles russes, 78 % de toutes les victimes du SIDA en Russi ont contracté le virus par des aiguilles sales ou du sang contaminés par le virus dans les hôpitaux d'état.
En Russie soviétique, l'irresponsabilité s'exprimait ainsi : « ils feignent de nous payer et nous feignons de travailler. » Le contraire eut été étonnant lorsque l'on sait qu'un neurochirurgien recevait un salaire de 150 roubles, soit un tiers du salaire moyen d'un conducteur d'autobus. S'ensuivit alors une pière qualité des services, une corruption généralisée et d'innombrables décès. Pour recevoir les services de base de la part des médecins et du personnel infirmier, les patients devaient donner des pots-de-vin. Cet ancien chirurgien soviétique a même déclaré :
J’ai même été témoin du cas d’un malade qui, n’ayant pu acquitter le pot de vin, est mort en essayant d’atteindre un cabinet de toilette au bout du long couloir après une chirurgie cérébrale. L’anesthésie n’était pas chose usuelle pour les avortements ou les chirurgies mineures de l’oreille, du nez, de la gorge et de la peau. C’était un moyen d’extorsion par les bureaucrates sans scrupules de la médecine.
Chose perverse, il fallait tout de même améliorer les statistiques de mortalité très élevée dans ce système et on donnait généralement congé aux patients avant qu'ils ne donnent leur dernier souffle à l'hôpital d'état.
Je reprends ici les parole de cet ancien chirurgien :
Ayant été député populaire dans la région de Moscou de 1987 à 1989, j'ai reçu beaucoup de plaintes de négligence criminelle, de pots-de-vin pris par des apparatchiks de la médecine, des ambulanciers ivres et d’intoxication alimentaire dans les garderies et les hôpitaux. Je me rappelle le cas d'une fille de quatorze ans de ma zone qui est morte de néphrite aiguë dans un hôpital de Moscou. Elle est morte parce qu'un docteur avait décidé qu’il valait mieux économiser les précieux films radiographiques (importés par les Soviets contre de la monnaie forte) au lieu de revérifier son diagnostic. Ces radios auraient réfuté son diagnostic de douleur neuropathique.
Au lieu de cela, le docteur a traité l'adolescente avec une compresse chaude, ce qui l'a tuée presque immédiatement. Il n'y avait aucun remède légal pour les parents et les grands-parents de la jeune fille. Par définition, un système de payeur unique ne peut pas permettre un tel remède. Les grands-parents de la fille ne pouvant pas faire face à cette perte sont tous les deux morts dans les six mois suivants. Le docteur n'a reçu aucune réprimande officielle.
Ce n'est pas étonnant que les fonctionnaires et bureaucrates du gouvernement du Parti communiste, dès 1921 (trois ans après la socialisation de la médecine par Lénine), se soient rendu compte que le système égalitaire des soins était bon seulement pour leurs intérêts personnels comme donneurs, administrateurs et distributeurs de rations ─ mais pas comme utilisateurs privés du système.
Comme dans tous les pays avec la médecine socialiste, un système à deux vitesses a été créé. L'un pour la masse populaire et l'autre, d'un niveau de service complètement différent, pour les bureaucrates et leurs serviteurs intellectuels. En URSS, tantdis que les ouvriers et les paysans mouraient dans les hôpitaux d'état, la médecine et les équipements qui auraient pu les sauver demeuraient inutilisés dans le système de la nomenklatura. À la fin de l'expérience socialiste, le taux de mortalité infantile officiel en Russie était plus de 2,5 fois plus haut qu'aux États-Unis. Plus de cinq fois celui du Japon. Pire, le taux de 24,5 morts pour mille naissances vivantes a été remis en question récemment par plusieurs députés russes qui prétendent que c'est sept fois plus qu'aux États-Unis puisque d'après les derniers chiffres, le taux de mortalité infantile russe serait de 55 à comparer au taux américain de 8,1 pour mille naissances vivantes. Et encore, le chiffre des États-Unis est biaisé. Il est l'un des plus hauts des pays industrialisés puisqu'il inclut aussi les enfants morts en bas âge, donc les prématurés qui comptent la majorité des morts infantiles.
En effet, la plupart des pays ne comptent pas les morts des prématurés. Certains ne comptent pas les morts qui surviennent dans les soixante-douze premières heures. Quelques pays ne comptent pas même les morts dans les deux premières semaines de leur vie. A contrario, à Cuba qui se fait forte d'un taux de mortalité infantile très bas, les enfants en bas âge sont seulement enregistrés quand ils ont plusieurs mois, sortant ainsi des statistiques officielles toutes les morts d'enfants, nombreuses, qui ont eu lieu dans les premiers mois de la vie.
Mais revenons au cas de la Russie. Après soixante-dix dans de socialisme riant, 57 % de tous les hôpitaux russes n'avaient pas l'eau chaude courante. Pire encore, 36 % des hôpitaux situés dans les secteurs ruraux de la Russie n'avaient pas d'eau ou d'égout du tout. Pourtant, la Russie soviétique était un pays surdéveloppé puisqu'elle produisait une bombe thermonucléaire et une chaussure de taille 42 par habitant et par an. Tout en développant ses systèmes d'armements, ses programmes d'exploration spatiale, la Russie soviétique a totalement ignoré les besoins humains de base de ses citoyens.
À ce point du raisonnement, il faut constater que la qualité épouventanble des services de santé n'est pas l'apanage de la seule Russie soviétique. Elle n'est que le résultat d'un monopole d'état sur les soins. Et ce résultat peut arriver dans n'importe quel pays.
C'est sans doute que fort de cette expérience, la plupart des pays asservis par l'empire soviétique ont délaissé le système entièrement socialiste pour la privatisation de leur système de santé en s'assurant qu'il y ait une concurrence entre plusieurs entités. D'autres, incluant beaucoup de démocraties européennes socialistes ont l'intention de privatiser le système de soins et de décentraliser le contrôle médical. On y voit la propriété privée d'hôpitaux et d'autres unités de soins comme un facteur déterminant critique d'un nouveau système plus efficace et humain.
C'est ce qu'on voit un peu partout autour de nous. C'est ce qu'on ne voit pas en France. Pire, la France est le seul état qui rame à contre-courant. Sans doute avons-nous raison contre le reste du monde une fois de plus.
L'ennui dans ce monde, c'est que les idiots sont sûrs d'eux et les gens sensés pleins de doutes.
Bertrand Russel