« Emprunts toxiques | Les affres de l'URSSAF » |
J'ai eu la curieuse impression que les élections législatives qui se sont tenues en Grèce dimanche dernier intéressaient plus les français que leurs propres élections. Je n'arrive pas non plus à savoir s'il faut se réjouir ou non de la victoire de Syriza, une coalition de la gauche radicale, qui vient de s'allier à un parti de droite nationaliste pour avoir la majorité absolue. Souvent les extrêmes se rejoignent, en voici encore une illustration patente.
Je ne peux que constater l'état de la Grèce, sa dette de plus de trois cent vingt milliards d'euros (175% de son PIB) ainsi que l'état déplorable de sa population, saignée à blanc. Il ne faut cependant pas croire que cet état fut provoqué par l'Europe. Tout au plus par l'euro. En effet, la Grèce n'aurait jamais dû rentrer dans la zone euro et ne l'a été que parce que les grandes puissances ont jeté un voile pudique sur l'état des finances de ce pays qui battait monnaie à une vitesse soutenue à l'instar de l'Espagne et de l'Italie pour vivre bien au-dessus de ses moyens.
La crise de 2008 a gravement frappé la Grèce et ce qui était jusque-là caché sous le tapis a explosé au grand jour. Sans moyen de monétiser sa dette, la Grèce a dû faire appel au FMI et à l'Europe, lesquels ont fait pression sur son gouvernement pour en assainir le budget. Des efforts ont été faits. Des efforts douloureux, mais comme la Grèce partait de tellement loin, il n'y a pas eu les réformes qui s'imposaient. Les impôts ne rentrent toujours pas, il n'y a toujours pas de véritable cadastre, une grande partie de l'économie est souterraine et échappe à l'impôt. On ne change pas en quelques années des décennies de mauvaises habitudes, tant du gouvernement qui maquille ses comptes que des contribuables qui font tout pour échapper au fisc.
Le résultat est le gâchis que l'on voit actuellement. Un pays en déconfiture, une population de plus en plus pauvre et un vote pour l'extrême gauche qui vient de s'allier avec un parti nationaliste eurosceptique.
Pourquoi ? Parce que Syriza a promis de restructurer cette dette. Mais pour cela, il va falloir discuter avec le FMI, avec l'UE, la BCE et quelques autres créanciers. Il est assez facile de déclarer abruptement que les créanciers internationaux se sont gavés sur le dos de la Grèce, mais c'est aller un peu vite en besogne. La finance n'est toujours qu'opportuniste et rien ne forçait la Grèce à vivre au-dessus de ses moyens depuis si longtemps.
Or le FMI, la BCE et l'UE ne sont pas ouverts à la négociation. Tout au plus, des delais pourraient être accordés, mais je ne vois pas comment ces trois grands créanciers pourraient renoncer au principal. Cette dette est désormais détenue à plus de 80% par les états de l'UE au travers du FESF (fonds européen de stabilité financière) et de prêts bilatéraux, par la BCE, par les banques centrales nationales des pays de la zone euros hors Bundesbank allemande et par le FMI. La répartition est la suivante :
La Bundesbank n'est pas exposée à la dette Grèque, mais aux créances du FESF et des prêts bilatéraux. C'est même le pays le plus exposé au risque souverain grec puisqu'il a 56,5 milliards d'engagements. Suivent la France avec 42,2 milliards, l'Italie avec 37,3 milliards et l'Espagne avec seulement 24,8 milliards. Nous sommes tous mouillés et nous risquons gros pour avoir prêté à la Grèce en espérant qu'un gouvernement puisse y remettre de l'ordre.
En 2012, la Grèce a procédé à une opération d'échange de dette. Cette manœuvre appelée PSI (Private Sector Involvement) a permis d'effacer un peu plus de 100 milliards d'euros d'obligations même si Athènes a dû par la suite recapitaliser son secteur bancaire à hauteur de 50 milliards d'euros. Ce PSI s'est aussi accompagné de fortes réductions d'intérêts et d'un rallongement substantiel des durées de remboursement. En effet, le remboursement du capital de la dette ne doit commencer qu'en 2023 et s'achever en 2042. Les créanciers publics ont aussi consenti des aménagements de leurs créances, réduisant par deux fois le taux d'intérêt et allongeant les durées de remboursement. Mieux, depuis mars 2012, les profits — gain en capital et revenus d'intérêt — réalisés par la BCE et les banques centrales nationales sur leurs portefeuilles d'obligations grecques (27 milliards d'euros) sont reversés à l'état grec.
Maintenant, ce que nous ne savons pas. La baisse des taux d'intérêt de la dette et le retour à la croissance modeste de l'économie grecque l'an dernier ont permis à la Grèce de renouer avec un excédent primaire positif. Pour 2015, la Commission Européenne prévoit un taux de croissance nominale de 3,3% et un taux d'intérêt sur la dette de 2,4%. L'excédent primaire est attendu à 4,1% du PIB. Au final, le ratio d'endettement grec devrait baisser d'au moins six points cette année. Et la commission s'attend à le voir ramené à 157,8% du PIB fin 2016.
Et c'est à ce moment que les grecs choisissent l'extrême gauche. Mélenchon content même si cela risque de définitivement ruiner le pays. Première annonce, le nouveau gouvernement fera un audit avant d'entrer dans le vif des négocations. Trois à six mois d'audit pour aboutir, d'après un article du Monde Diplomatique, à « une réduction significative de la valeur » de la dette publique. Tsípras évoquait alors « un moratoire sur le service de la dette, afin que les sommes conservées soient affectées au redressement de l’économie ».
Le problème est que la Grèce n'a pas de temps à perdre. Si un audit rigoureux pourrait permettre à Syriza d'être en position de force face aux créanciers en montrant les erreurs du passé, le gouvernement grec a aussi besoin de ses créanciers qui le maintiennent sous perfusion. Les marges de manœuvre du nouveau gouvernement grec sont donc ténues et l'automne risquera d'être difficile pour lui. Il ne suffit pas de promettre, encore faut-il tenir ses promesses. Si la Grèce n’obtient pas une renégociation de sa dette, elle peut tout simplement décider d’arrêter de la rembourser. Après tout, c'est son choix et nous avons été assez bêtes pour créer une zone euro sans fédéralisme.
C'est en fait le seul choix que son gouvernement peut faire actuellement. Baisser les taux d'intérêts plus qu'aujourd'hui risquera d'être difficile. Rallonger les durées de remboursement ne changera pas grand'chose. Objectivement, un flash du 5 janvier de Patrick Artus, analyste de Natixis, aborde l'hypothèse d'une annulation de la dette grecque et indique que
si la Grèce fait défaut sur sa dette extérieure détenue par les non-résidents, les prêteurs publics devront être remboursés de cette perte par les états de la zone euro. Ceci conduira à une hausse de 2,6 % de la dette publique de la zone euro […], ce qui ne changerait pas significativement la solvabilité budgétaire des pays de la zone euro.
Le sang froid de cet analyste me laisse assez rêveur d'autant plus que l'Espagne et l'Italie et la France seront en première ligne avec un beau tas de créances douteuses dans leur comptes. Mais pire que cela, les créanciers imposeront à nouveaux des taux d'intérêts élevés à la Grèce car les taux d'intérêts sont pour les prêteurs des primes de risque.
Faire défaut serait reculer pour mieux sauter tout en aggravant la situation à terme. Mais que ne ferait pas un gouvernement par pure idéologie ou clientélisme ?
La suite à l'automne.
Simple association d’idée miséreuse :
Une femme, dans la Russie soviétique, est obligée d’abandonner son enfant dans un orphelinat tenu par des soeurs. Elle confie à l’enfant un chat comme compagnon de misère.
Bien plus tard, la dame retourne voir l’enfant et s’étonne de l’absence du chat.
“Oh, les soeurs l’ont tué dès que vous êtes partie. On l’a mangé le soir. Mais comme c’était le mien, j’en ai eu un plus gros bout !".
C’est dans un roman hallucinant de R. Littell “Requiem pour une révolution". Auteur du surprenant Sphinx de Sibérie dans lequel un ordinateur Cray va essayer de démontrer (ou pas) l’existence de dieu en s’attaquant au calcul de Pi.
Je vous cite:
“Le sans froid de cet analyste..".
Bon sang que vous arrive-t-il ? ;-)
Le spectacle du monde me fatigue…