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Je ne sais pas pourquoi la scène entrevue furtivement dimanche dernier à la Gare Saint-Lazare m'a fait penser à la nouvelle de Stefan Zweig. Peut-être son côté dramatique, inéluctable, intolérable.
J'attendais au bout du quai 27. Mon épouse devait revenir à Paris par le train de 19h46. Chose presque normale et rassurante, ce train avait une dizaine de minutes de retard. N'ayant strictement rien à faire d'autre, j'observais la foule. C'est un passe-temps assez instructif pour qui sait observer.
Donc disais-je, mon regard passait d'une personne à une autre et s'est arrêté net sur un fillette qui devait avoir tout juste dix ans. Elle mesurait dans les 1,20 m, n'était pas encore formée et était habillée comme ses parents et ses frères et sœurs qui l'accompagnaient : serre-tête, jupe écossaise, chaussettes blanches, médaille de baptême en argent ou en or gris autour du cou, ce qui trahissait tout de même une appartenance à un certain milieu. Elle ressemblait à toute fillette du même âge à un détail près, il ne faisait aucun doute qu'elle était enceinte d'au moins six mois. Le développement d'un foetus étant indépendant de la taille de la mère, je ne sais pas si vous arrivez à imaginer la scène : une fillette de corpulence normale avec un très gros ventre serré dans une jupe écossaise et peinant à se déplacer.
Lorsque je vois de telles choses, j'ai presque des envies de meurtre. Je n'arrive pas à imaginer que des parents puissent laisser faire ce genre de chose au regard des risques pour la santé de la fillette. On se croirait presque revenu quelques siècles en arrière lorsqu'à choisir entre la mère et l'enfant, on privilégiait l'enfant.
Je ne sais pas quelle était l'histoire de cette fillette, mais sa situation est pour le moins anormale. Je ne parlerais pas ici du père, parce qu'il y a fort à parier qu'il y en ait un. Il peut s'agir de quelqu'un du même âge ou d'un abus et je ne tiens pas à échafauder des hypothèses hasardeuses. Je n'arrive même pas à comprendre que, dans une telle situation, des parents puissent ne pas agir. Que la fillette ait été victime d'abus ou consentante et ne se soit pas rendue compte de son état est une chose, que ses parents ne réagissent pas en est une autre. Il faut vraiment être borné ou avoir un manque d'amour ou de charité absolu pour en arriver là.
J'entends déjà les hordes habituelles crier qu'il faut protéger toute vie que Dieu fait. Remplacez d'ailleurs Dieu par ce que vous voulez, la réflexion reste valable. Protéger toute vie, cela vaut aussi pour la vie cette fillette qui est déjà handicapée par l'arrivée de ce qui risque fort pour elle de ne pas être un heureux événement. Le plus bel événement dans la vie d'une femme, il faudra lui redemander son avis sur la chose dans quelques années !
Il n'est pas question ici de prendre part au débat pro ou anti-avortement, sachant que je parle ici de l'interruption médicalisée de grossesse et non d'une quelconque interruption volontaire. La vraie question n'est pas de sauver une vie à naître (l'enfant), mais une vie qui est déjà là (la mère) et il est illusoire de réussir à sauver les deux. J'entends par sauver les deux, permettre à la mère autant qu'à son enfant de vivre une vie normale. Comment peut-on aujourd'hui se dire mère lorsqu'on a tout juste fêté son dixième anniversaire ? J'entends toujours les mêmes esprits supérieurs me rétorquer que les grands-parents pouvant être les parents, ils peuvent s'occuper de l'enfant. Et vous croyez que c'est une solution ?
Le fait d'avoir laissé les choses se faire ne prouve qu'une seule chose, que les parents de la fillette, pour une raison ou pour une autre, étaient incapables d'envisager la seule solution valable et qui devrait s'imposer à toute personne ayant une once de charité. Que ce soit par manque de courage ou par adhésion forcenée à une quelconque croyance de les exonère pas.
C'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur et non le maçon.
Un peu sur ce thème, mais beaucoup plus optimiste, je ne peux que vous conseiller d’aller voir le film “Juno". Grand moment de fraîcheur et d’intelligence.
http://www.imdb.com/title/tt0467406/
Sauf que Juno, dans le film, a 16 ans…
S’pas tout à fait la même chose qu’une gamine de 10 ans…
J’espère de tout coeur que votre oeil a été abusé, que la gamine était peut-être atteinte d’un handicap autre, ou qu’elle était beaucoup plus vieille que cela…
Je ne suis malheureusement pas sûr du tout d’avoir été abusé. J’aurais cependant préféré… Tout participait au tableau, même les postures de mains typiques de la femme enceinte.
J’avais pensé initialement à un oedème dû à un quelconque handicap (il y a des cas de myopathie qui provoquent des oedèmes ventraux), mais un tel oedème ne ressemble pas à ce que j’ai pu voir la semaine passée.
Et concernant l’âge, je mets ma main à couper qu’elle n’avait pas plus de douze ans même si son développement était particulièrement lent. J’ai encadré assez de gamins et de gamines de tous horizons pour en être certain.
Arf, effectivement, je pensais aux mêmes choses que vous, mais comme je n’y étais pas…
Après, je n’y connais rien, mais il me semble que, du point de vue purement médical, ce genre de grossesses puisse être mené à son terme sans (trop) de dommages, maintenant, non ?
Evidemment, ça ne change rien aux problèmes psychologiques…
Et dire que certains hurlent devant les “malheureux enfants de divorcés remariés"… mais là, avoir pour mère une quasi-soeur…
Avec une césarienne, certainement. Mais comme vous le dites, il faut aussi régler les problèmes psychologiques de la mère qui se retrouve mère alors qu’elle joue encore à la poupée.
On peut toujours espérer que l’accouchement se fera sous X, et qu’au moins la gosse et son bébé seront séparés, ce qui me semble être le moyen pour éviter trop de dommages psychologiques… ce n’est peut-être pas la super-solution mais bon.
(après, peut-être qu’on viendra hurler que QUOI, JE PRONE L’ABANDON AUX ETRANGERS ???)