« Les frères Galoche | France Info » |
J'ai un certain nombre de neveux et nièces par alliance. À dire vrai, il s'agit plus d'un nombre certain que d'un certain nombre. Parmi tous ces charmants bambins, il s'en trouve une qui, cette année, était pensionnaire par choix dans une école primaire privée dépendant de la fraternité Saint-Pie X. Par choix, afin de pouvoir faire ses devoirs au calme, sans être dérangée par ses sept frères et sœurs. À la rentrée prochaine, elle ne sera pas reprise. Ce n'est pas une mauvaise élève, non, elle a juste la tare immense d'avoir des parents qui sont trop proches de l'ennemi héréditaire, la fraternité Saint-Pierre.
Pour ceux qui ne seraient pas au fait des différents courants du traditionalisme à la française, il s'en dégage principalement deux :
Entre ces deux factions, c'est la guerre. Et cette guerre va jusqu'à toucher l'éducation de leur progéniture.
Il faut savoir que ces deux fraternités possèdent une poignée d'établissements scolaires pour l'éducation de leur génération montante. Il n'y en a pas partout et, par le fait même, la plupart d'entre-eux comporte un internat. C'est aussi très pratique, cela évite aux élèves de voir le monde extérieur. Ils pourraient en être pervertis et apprendre tout un tas de choses qu'ils ne devraient pas connaître.
J'ai été particulièrement surpris de savoir que la guerre larvée entre les deux fraternités allait jusqu'à l'exclusion des élèves dont la famille était jugée trop déviante vis à vis de la conception de la religion des tenanciers de l'établissement du coin. Qu'un élève soit exclu d'un établissement totalement privé — je ne fais pas l'amalgame entre les établissements totalement privés et ceux qui sont sous contrat d'association simple ou double avec l'état — parce qu'il n'arrive pas à suivre ou n'a pas le niveau requis est une chose. Qu'il soit renvoyé parce que sa famille n'est pas jugée assez proche de la mouvance des propriétaires de cet établissement en est une autre. Cela ressemble assez à un délit de sale gueule dont l'élève est l'objet et cela ne semble déranger personne, surtout pas ces soi-disants enseignants ou cadres de l'établissement en question qui n'ont pas une once de charité malgré tout ce qu'ils essayent de faire accroire.
Cette élève a donc été exclue de cet établissement tenu par des religieuses sous le seul prétexte que sa famille n'était pas assez proche de la fraternité Saint-Pie X. Or, pour ses parents, le collège public du lieu ne convient pas parce que les enseignants racontent plein de choses immorales et gauchistes. Ils peuvent même parler de sexualité et de contraception. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit des hussards gris de la troisième — la troisième république pas compagnie du premier régiment du train — pour certains d'anciens soixante-huitards et que ces gens-là sont capables de tout, surtout du pire en matière d'éducation. Même d'autoriser les enfants à porter des pulls rouges, la couleur du diable. Je n'invente rien, c'est ce que des religieuses d'une autre école de la fraternité saint-Pie X ont trouvé moyen de dire à une petite fille, il y a une dizaine d'années de cela.
Aussi est-il est impensable de l'envoyer au collège du canton. Le premier collège privé traditionaliste étant un peu loin, cette enfant ne pourra y être scolarisée. La décision est prise : elle suivra des cours par correspondance pour son entrée en classe de sixème.
Je n'ai rien contre les cours par correspondance et je sais parfaitement que l'école n'est pas obligatoire en France, que seule l'instruction l'est, ce qui me semble dans un cas pareil une vaste fumisterie. Pour avoir travaillé dans un grand établissement qui entre autres dispensait des cours par correspondance, je connais parfaitement les taux de réussite aux examens de ce type de formation. Cette enfant a un collège à un jet de pierre de chez ses parents, un système de ramassage scolaire qui la prendrait au coin du chemin le matin pour la déposer le soir et ses parents préfèrent mener son éducation à la maison car le grand monde et les enseignants du collège pourraient la pervertir.
Qu'est-ce que cette enfant deviendra dans quelques années ? Durant la poursuite de sa « scolarité », elle risque de ne plus sortir de chez elle, de ne plus voir personne. Protégée du monde, ses premières sorties risquent d'être mouvementées. Le collège, ce n'est pas qu'un grand machin qui sert à inculquer des idées mauvaises dans nos chères têtes blondes, c'est aussi un apprentissage des relations sociales, un apprentissage de la vie en communauté. Il est possible de discuter des contenu des enseignements ou de cet apprentissage mais il vaut mieux, à tous points de vue, en avoir bénéficié. Ne pas être passé par la case école primaire et collège est un handicap certain, sauf dans quelques cas bien précis où il n'existe aucun établissement accessible. Étrange aussi de l'envoyer en pensionnat pour qu'elle puisse travailler au calme, pour la garder à la maison, l'année suivante, où elle subira les cris et les jeux des deux ou trois petits derniers, pas encore scolarisés.
La seule solution est ainsi de rendre la scolarisation obligatoire dès qu'il existe un établissement scolaire accessible. Sans cette obligation, on risque de voir perdurer longtemps ces situations désespérantes.
J'aimerais aussi que les membres de la fraternité Saint-Pie X prennent conscience de leur sectarisme et de ses victimes, s'ils en sont capables, avant de juger le monde et prétendre lui dire ce qui est bon.
Eh ben, c’est du lourd, chez ceux-là !
L’ennui, c’est que si vous rendez la scolarisation obligatoire, vous niez la liberté des gens.
Eh oui, on est aussi libre d’être un crétin fini, même chez les tradis.
En outre, quand on connaît le niveau des cours par correspondance… c’est pas que ce soit mauvais en soi, c’est que les gamins ne sont pas contrôlés donc en pratique ne fichent pas grand chose… d’autant que même chez les tradis, à la maison, il y a tellement de tentations - oh, chic, la dernière BD sur Jeanne d’Arc, le dernier film sur François d’Assise !
Certes. Ce qui me dérange un peu dans la situation présente, c’est la position des parents qui aura des conséquences sur les enfants alors qu’ils n’ont strictement rien demandé.
Ah, sûrement. En moins grave, c’est un peu du même ordre que les témoins de jéhovah qui préfèrent voir mourir leur enfant plutôt que d’accepter une transfusion sanguine…