« Accident d'avion | Selon que vous serez puissant ou misérable » |
Je ne me lasse pas de revoir La Septième Compagnie. Pour ceux qui ne le sauraient pas, il s'agit d'un film de Robert Lamoureux, méchant et tendre, écrit par quelqu'un qui a vécu de l'intérieur la débâcle de 1940. Il est drôle, fondamentalement drôle, à la fois cruel et bienveillant sur ce que nous sommes.
Ce film débute par une voix off disant ceci :
Par ce clair matin de mai 1940, l’armée française reculait, selon le porte-parole du grand quartier général, dans les meilleures conditions. Aucune armée avant celle-ci n'avait reculé aussi bien, ni surtout aussi vite, le porte-parole du GCQG n’allait pas jusqu'à dire que c'était un plaisir de reculer comme ça mais presque. L'opinion de la 7e compagnie de transmission sur la qualité de ce recul était légèrement différente.
La communication gouvernementale, qu'il s'agisse de l'économie en générale ou de la sécurité sociale en particulier, est digne de la 7e compagnie mais en beaucoup moins drôle ! En effet, depuis hier et un jugement de la cour d'appel de Limoges, le RSI se sent pousser des ailes et communique à tout va sur l'obligation d'affiliation à son régime soi-disant obligatoire.
Chose assez exceptionnelle, alors que le délibéré a été donné le matin, un communiqué de presse du RSI a été publié dans la foulée. Ce communiqué de presse, le voici : obligationaffiliation.pdf. De la même manière, un torchon a été publié dans l'Express. J'utilise à dessein ce terme car j'ai demandé à trois reprises un rendez-vous avec l'auteur du papier en question sans obtenir ne serait-ce qu'un refus poli. L'absence de réponse est déjà une réponse en soi. Je la prends pour ce qu'elle est, à savoir du mépris.
Alors remettons un peu les choses en perspective. Au-delà d'une légitime déception sur la légalité ou non du RSI et donc par la bande de toutes les autres caisses, que peut-on dire de l'arrêt du 23 mars 2015 de la cour d'appel de Limoges ? L'ami JNB en fait une analyse.
On peut en tirer, premièrement, que la contradiction est manifeste entre :
et qu'une telle contradiction entre les motifs peut justifier un recours en cassation, puisque selon la formule habituelle « la contradiction des motifs équivaut à une absence de motifs ». Selon la cour de cassation, « la rigueur commande d’abord au juge de se prononcer par des motifs intelligibles, de se garder de formuler des hypothèses, d'émettre des doutes ou d’éviter de se contredire. Les arrêts de cassation ne sont pas rares qui censurent l'énoncé de motifs contradictoires, dubitatifs, hypothétiques, voire incompréhensibles ».
Un deuxième point important est que cet arrêt dispose « qu'il a pu être jugé le 3 octobre 2013 par la CJUE que la directive 2005-29 sur les pratiques commerciales déloyales s'appliquait à un organisme de droit public en charge d'une mission d'intérêt général telle que la gestion d'un régime légal d'assurance maladie », même s'il limite l'application de cette jurisprudence à la directive sur les pratiques commerciales déloyales stricto sensu.
Cet attendu contredit totalement les communiqués de presse du RSI et des autres organismes de sécurité sociale selon lesquels cette jurisprudence BKK serait inapplicable aux organismes français de sécurité sociale. Il leur est donc interdit de recourir aux pratiques commerciales déloyales, trompeuses ou agressives. Cela risque de ne pas leur plaire.
Revenons un peu sur ce qu'est une telle pratique commerciale. Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent :
Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte (…) ou à une influence injustifiée, en outre sera pris en considération tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur.
Tous les détails sur ces pratiques commerciales déloyales figurent dans cette circulaire de la DGCCRF.
Mais ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg en train de se retourner. En effet, il faut aussi savoir lire entre les lignes, ce que savent faire les avocats du MLPS qui ont écrit ce matin le communiqué suivant :
M. L. P. S.Mouvement pour la Liberté de la Protection Sociale165, rue de Rennes 75006 PARISCommuniqué du 24 mars 2015La Cour d’appel de Limoges interdit au RSI d’exercer ses activitésDans un arrêt du 23 mars 2015, la Cour d’appel de Limoges a jugé que « le RSI ne relève pas du code de la mutualité ». À la suite de cet arrêt, le RSI n’est plus autorisé à exercer des activités d’assurance. En effet, l’article 6 de la directive 92/49/CEE et l’article 5 de la directive 92/96/CEE, rédigés en termes identiques disposent :
« L'État membre d'origine exige que les entreprises d'assurance qui sollicitent l'agrément:
a) adoptent l'une des formes suivantes en ce qui concerne:
- la République française: société anonyme, société d'assurance mutuelle, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale, institution de prévoyance régie par le code rural ainsi que mutuelles régies par le code de la mutualité. »
Le RSI n’étant ni une société d’assurance, ni une institution de prévoyance, ni une mutuelle régie par le code de la mutualité ne figure pas parmi les organismes autorisés à couvrir les risques maladie, vieillesse, prévoyance.
Le RSI doit immédiatement cesser toutes ses activités.
L’existence même du RSI constituant un grave trouble à l’ordre public, le gouvernement doit procéder à sa dissolution immédiate.
Toutes les personnes spoliées par les activités illégales du RSI peuvent en demander réparation à l’État.
Le RSI continue pourtant et promet des recours judiciaires contre les gens qui osent demander à l'état d'appliquer son propre droit. Pourtant, l'expression « recul en bon ordre » ne masquera pas bien longtemps la cruelle réalité de la débâcle en cours.
NB : à l'heure où j'écris ces lignes et malgré le fait que je suis en possession de tous les arrêts concernant cette affaire, je ne puis affirmer que le couple ayant succombé en appel ait été assuré par ailleurs comme l'impose le droit français (et européen). Il ne s'agit donc peut-être pas d'un déni de justice, mais d'un retournement de veste d'un magistrat. Il existe un principe de responsabilité civile et pénale des juges, mais je ne suis pas qualifié pour savoir s'il faut l'exercer ici n'ayant pas accès à toutes les pièces du dossier.