« Syriza, Varoufakis et petites magouilles | Voyant rouge » |
Vous le savez, je suis chef d'entreprise. Plus pour longtemps. En effet, je viens de recevoir un délibéré du TASS de M. et j'ai décidé ce matin de jeter l'éponge, fatigué que je suis de me battre contre des moulins à vent et un état qui, ayant besoin de toujours plus d'argent, vole les entreprises toujours un peu plus.
Je parle de vol car c'est exactement cela.
Je suis chef d'entreprise depuis 2004. Poussé par les salariés de l'entreprise pour laquelle je travaillais précédemment, j'ai repris son fonds de commerce après quelques péripéties judiciaires et extra-judiciaires dont un dirigeant de l'ancienne entreprise qui était parti négligemment avec une partie de la caisse et 42% des actions et qui court toujours. Il n'a jamais été inquiété par la justice, cela aurait dû me mettre la puce à l'oreille.
Depuis 2004, j'ai vu tout ce qu'un chef d'entreprise doit voir. Tout. Et j'ai compris pourquoi l'économie française va aussi mal. Dans le désordre, j'ai été condamné fin 2004 pour non paiement des salaires à une personne qui n'a jamais travaillé pour moi par le tribunal des prud'hommes de la bonne ville de B. Cette personne était une salariée protégée de l'ancienne entreprise, dans laquelle je n'étais que cadre non dirigeant, qui a voulu être licenciée par le liquidateur judiciaire avant le rachat du fonds de commerce. Le liquidateur ne lui a jamais payé ses salaires et elle s'est retournée vers moi sur les conseils de ce liquidateur, Maître F., bien connu dans la région. Un jeudi après-midi, il faisait un peu chaud, c'était l'heure de la digestion et le président du tribunal ronflait bruyamment. Résultat : une condamnation exécutoire par provision, les dépens, une personne officiellement insolvable et la gentille dame de l'URSSAF qui m'intime de rajouter par dessus ma condamnation les charges sociales puisque, vous comprenez, ce sont des salaires en retard. Je n'ai jamais payé l'URSSAF, il y a prescription. En revanche, j'ai dû faire passer des salaires dans une comptabilité qui n'existait pas encore à la date des salaires en question puisque la personne fut licenciée avant que j'aie la jouissance du fonds de commerce et pour cela, car j'ai naturellement eu un contrôle fiscal, j'ai dû demander au tribunal de me faire un document m'autorisant à régler des salaires à une période où l'entreprise n'existait pas. Le contrôleur du fisc fut sidéré. Je pense qu'il l'est encore.
En 2007, un architecte de la ville de C. me casse du matériel de prêt, refuse de me payer mes factures sans aucune raison valable sauf l'optimisation de sa trésorerie pourtant débordante. Je le traîne devant le tribunal de commerce de N. J'étais demandeur. Je n'ai jamais été convoqué qu'à la première audience. Je me suis pourtant retrouvé condamné en étant comparant (donc présent à l'audience), en dernier ressort (donc impossibilité de faire appel), à lui payer des dommages et intérêts. J'ai porté plainte contre le juge de l'audience puisque je ne pouvais pas être présent à cette audience étant chez un client à l'autre bout de la région parisienne et qu'il y avait donc dans ce dossier un faux manifeste de la main d'un juge. Il y a eu enquête de police prouvant que je ne pouvais pas être présent à l'audience, que le juge était un proche de l'architecte et j'ai formé un pourvoi en cassation. Le pourvoi m'a été refusé car, comprenez-vous Monsieur le Grincheux, un juge est assermenté et ne peut donc sans doute par hypothèse commettre un faux en écriture. Circulez, il n'y a rien à voir. Condamnation aux dépens une fois de plus et dommages et intérêts. Montant de l'opération : 15000€ HT pour une facture n'un peu moins de 4000€ HT. Tout le monde savait que le tribunal de N. était le plus pourri de France. Il a fallu qu'un ancien président de la république soit contraint d'y passer pour que quelque chose soit fait. J'ai payé, je suis passé à autre chose.
De 2009 à 2011, je me suis débattu avec des impayés de clients. La chambre commerciale du tribunal de grande instance de la ville de C. m'a perdu un dossier en délibéré, ce qui m'a fait perdre le bénéfice d'une créance client de 65000€ HT. Pas de jugement, pas d'appel, rien. Remarquez bien, pas de condamnation non plus. Le même tribunal, alors que j'étais une victime collatérale dans un dossier politico-financier touchant la ville de S.-M.-aux-M., n'a jamais réellement fait diligence, m'empêchant de faire valoir mes droits. Personne, je dis bien personne ne m'a aidé à ce moment. Ni les CCI dont je ne sais toujours pas à quoi elles servent, ni la justice, ni l'état ne pourront dire qu'ils ne savaient pas puisque j'ai entretenu une correspondance avec N. Sarkozy et F. Fillon sur ce point très précis, que j'ai lancé des actions juridiques et que j'ai alerté tout ce que je pouvais alerter. La seule personne qui s'est un peu mouillée dans l'affaire fut le député de la vallée, J.-L. C. Le mien, E. S. a juste daigné me recevoir en m'expliquant que de toute façon, il ne ferait rien. Je peux m'estimer heureux, il ne m'a jamais raccroché au nez. Avec le recul, je me demande si je n'aurais pas préféré.
Je me suis débattu aussi avec des faux en écriture de la main d'un salarié (truanderie sur des frais de mission et autres signatures plus embarrassantes aux bas de contrats). Le salarié en question n'avait aucun pouvoir pour engager ma société, ce n'est pas ce qui l'en a empêché. Montant de l'ardoise, 120000€ TTC avec la bénédiction de la justice qui n'a strictement rien fait parce que je n'ai pas pu prouver que je ne lui avais donné aucune procuration. Forcément, si j'ose dire, prouver qu'on n'a jamais donné de document de procuration, donc que ce document n'existe pas revient, lorsqu'on désire en apporter la preuve à une légère contradiction dans les termes. Et encore, j'ai eu de la chance, j'ai échappé au pénal. En effet, l'URSSAF de M. était chaude ayant requalifié à la suite d'un contrôle le truandage du salarié sur ses frais de mission en je ne sais plus quel délit pénal, j'ai eu deux assignations devant la chambre correctionnelle de C. Je m'en suis tiré en obtenant le remboursement de la part du salarié après un an de bataille, le procureur m'ayant signalé que ma plainte ne serait pas recevable.
J'ai calculé qu'en dix ans, la justice française m'a fait perdre le bénéfice de 300000€ HT (créances et frais divers dont les frais d'avocats, les dépens et autres frais de justice). Une paille. Et jamais un juge ne sera responsable de cela. Ces gens rentrent chez eux le soir, touchent leurs chèques à la fin du mois et ne sont jamais comptables de leurs décisions.
Ce que je ne vous ai pas encore dit, c'est que mon entreprise a eu plusieurs prix pour la qualité de ses recherches. L'ancien PDG de Quark-XPress m'a approché pour me racheter. J'ai refusé, idiot que j'étais. J'aurais dû accepter son chèque et partir vivre dans un pays où travailler n'est pas un déshonneur. Mais ce n'était pas le seul à avoir essayé de racheter mon entreprise. D'autres fonds d'investissement m'ont approché. J'ai refusé leurs offres car je voulais que mon entreprise reste française et que j'aimais ce que je faisais. Malgré cela, et des clients voulant me suivre, jamais je n'ai réussi à monter un dossier de financement. Soit parce que l'Anvar, puis Oséo demandaient plus de ressources pour monter les dossiers que ce que ces machins pouvaient nous apporter financièrement, soit parce qu'une banque, la banque historique de ma société, n'a jamais voulu nous suivre malgré des contrats signés. En effet, entre 2004 et 2012, j'ai dû renoncer au bénéfice de 10 millions d'euros hors taxes de contrats signés. Vous me demanderez pourquoi je n'ai pas changé de banque et vous aurez raison. J'ai essayé, par deux fois. Mais lorsque la banque historique d'une PME ne suit pas l'entreprise, aucune autre ne le fera. Il est très difficile pour une entreprise de changer de banque contrairement à un particulier.
J'ai donc licencié en 2010 et 2011 sept personnes. Non en raison de la fameuse crise, non, simplement en raison de banques incapables de faire leur travail et de la justice française.
Mais je ne voulais pas fermer sèchement. Il y avait des résultats, des travaux avaient été menés. J'ai donc emprunté pour solder les cotisations spéciales de licenciement des employés. Je ne le referai plus. En effet, l'URSSAF de M. n'a jamais su, malgré les courriers d'accompagnement des chèques, imputer les versements au compte de l'entreprise. Mais ces chèques ont bien été envoyés en courriers recommandés et encaissés. J'ai eu des saisies par huissiers totalement irrégulières. J'ai contesté. Et je me suis retrouvé devant le TASS de M. en octobre 2014 non sans avoir essayé de régler ce problème à l'amiable. Cela m'a été interdit.
Les conclusions de l'URSSAF faisaient trois pages. À ces trois pages, j'ai répondu par soixante-dix pages de conclusions contenant entre autres les extraits de comptes de la société pour les périodes incriminées ainsi que les calculs de mon expert-comptable. Aujourd'hui, l'URSSAF de M. me doit de l'argent. Et même si on réintègrait toutes les sommes demandées en pénalités de retard et autres clauses pénales indues, il me resterait à régler quelques centaines d'euros. Nous nous sommes retrouvés tous les deux mois devant le tribunal. Jamais l'URSSAF de M. n'a demandé la même somme d'une audience sur l'autre. Entre la première et la dernière audience, la somme demandée a quasiment doublé ! Puis, l'URSSAF a refusé de conclure, entre autre parce qu'elle s'était pris les pieds dans le tapis, recevant même de la part du tribunal une injonction de conclure qu'elle n'a pas respectée.
Et je viens de recevoir le délibéré. Il paraît que je n'ai pas prouvé que les sommes avaient été réglées. Mon entreprise est donc condamnée à régler la somme demandée par l'URSSAF de M. sur sa contrainte plus les frais de procédure. Je précise que l'URSSAF de M. n'a jamais réussi à prouver par des écritures comptables le montant de la soi-disant dette. Je précise aussi que le tribunal de M. considère les écrits d'un expert-comptable, profession règlementée, comme de la roupie de sansonnet.
L'URSSAF n'aura rien. Je vais fermer mon entreprise pour défaut d'actif. Je pourrais écrire que l'URSSAF m'a tuer (sic). Je pourrais aussi écrire que Saint Louis rendait la justice sous un chêne et que les TASS la rendent comme des glands. Cela ne changera rien. Je suis aujourd'hui fatigué de me battre contre un système qui ne voit dans les entreprises qu'un tiroir-caisse ponctionnable à l'envi parce que les petits patrons jouent leurs biens personnels et non ni le temps ni les connaissances pour se défendre efficacement. Je suis fatigué de voir que notre justice, indigne d'une république fut-elle bananière, est aux ordres et fera tout pour faire rentrer de l'argent dans les caisses sans jamais se poser la question de savoir si la demande de l'URSSAF ou des autres caisses est légitime sous couvert de raison d'état.
Vous trouvez que j'exagère ? Même pas. Et si j'en parle aujourd'hui, c'est bien parce que je peux prouver tous mes dires.
Ce pays est foutu. Il est définitivement foutu.
Je suis sincèrement désolé d’apprendre cela. C’est tellement dommage. Je ne sais vraiment pas quoi dire.
Il n’y a rien à dire. Il faut faire la révolution dans ce fichu pays. Et si nous ne la faisons pas en 2016, nous allons mettre un temps infini à nous en relever si jamais il est encore possible de s’en relever. Ce pays est foutu, il refuse d’appliquer son propre droit, sa justice est corrompue ou aux ordres ce qui revient in fine à la même chose, son budget est n’est plus réformable en raison d’un clientélisme toujours plus affiché et décomplexé.
Dans une justice normale, l’URSSAF aurait été renvoyée chez elle avec moult dommages et intérêts. Mais ça, ce serait ce qu’il se serait passé dans un état de droit.
Les récents attentats sont d’ailleurs arrivés opportunément. Toute la classe politique a voté un état d’urgence bien pratique et sa prorogation de trois mois. Notre premier ministre vient d’annoncer en même temps qu’il demanderait une prorogation supplémentaire à l’issue des trois mois et que les droits de l’homme ne s’appliquaient plus en France.
Et tout cela avec l’aval de toute la classe politique, droite comme gauche, qui en même temps à peur de la montée du Front National (légèrement socialiste au passage). L’histoire repasse toujours les plats, j’ai l’impression d’être à la fin des années 1930.
Conclusions ?