« Pignoufferies de la justiceCharité bien ordonnée commence par soi-même »

La fosse de Marianne

10.02.16 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les politiciens

Là où l'on voit que Starwars est bien de la fiction, c'est lorsque le sénat était au complet pour donner les pleins pouvoir à Palpatine.

Reprenons. En début de semaine, sur cinq cent soixante-dix-sept députés, cent trente-six ont cru bon participer à un vote préliminaire à un tripatouillage constitutionnel concernant l'état d'urgence. Sur ces cent trente-six, seuls cent six ont voté pour ce tripatouillage, soit moins d'un cinquième des députés qui sont tout de même chargés et payés pour nous représenter. Vous remarquerez que ce sont généralement les mêmes qui viennent pleurnicher sur l'absention toujours plus grande des citoyens aux différentes élections, citoyens qui ne font à tout bien regarder que suivre leur exemple, et sur le manque de crédibilité de la parole publique qui n'est finalement que la leur.

Quelques rares voix se sont levées. C'est bien le minimum attendu, mais ce genre de vote n'est malheureusement pas une exception. Il s'agirait plus de la règle grâce à laquelle un petit groupe de députés arrive plus ou moint nuitamment à faire passer discrètement des textes totalement surréalistes.

Pire, un amendement a été proposé et accepté. Cet amendement stipule que « pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute ». Oui, vous avez bien lu. Et cela ne dérange visiblement personne. Cela signifie que l'article 49.3 devient inutile durant une période où, justement, il pourrait l'être le plus. Ce tripatouillage n'est qu'un coup d'état qui ne dit pas son nom, coup d'état fomenté par une minorité de la représentation nationale sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Or la lutte contre le terrorisme est totalement disjointe de l'état d'urgence. La lutte contre le terrorisme se fait au long cours et si l'état d'urgence est réellement un outil de lutte contre le terrorisme, il va falloir s'habituer à vivre sous un état d'urgence permanent dans lequel l'administration a tous les droits. En effet, si un juge est censé vérifier les procédures d'urgence, il ne s'agit pas d'un juge judiciaire, mais d'un juge administratif qui est tout de même à la justice ce que la musique militaire est à la musique. Naturellement, il n'y aura aucun effet collatéral, aucune erreur. Mais après tout, sans l'erreur judiciaire, est-ce que le capitaine Dreyfus serait aussi connu aujourd'hui ?

De la même manière, le lendemain, un autre vote a concerné la déchéance de la nationalité française. Trois cent trente-deux députés avaient autre chose à faire, sans doute de bien plus important. Un peu plus de 42% d'absents, ce qui commence à faire beaucoup dans une démocratie qui se veut représentative. Subséquemment, il est invraisemblable qu'un quorum ne soit pas imposé. Comme il est inadmissible qu'un minimum de conduite ne soit pas demandé à ces élus que nous payons pour cela.

Le plus intéressant dans ces faits est qu'il ne s'est pas passé plus de trois mois entre les attentats parisiens et la velléité de bricolage hâtif de la constitution — il faudra tout de même le vote du congrès — par un exécutif aux abois qui cherche à museler toute forme d'opposition à grands coups de perquisitions administratives, d'assignations à résidence, d'écoutes et en général de destruction de ce qu'il restait de vie privée et de liberté dans ce pays. Heureusement que nous avons de sérieux professionnels en charge de l'exécutif, si nous avions une bande de clowns amateurs, j'aurais été inquiet.

N'oubliez jamais que François Hollande a trouvé le moyen de déclarer : « il y a ceux qui n'attendent plus rien. Je fais en sorte de leur apporter ce qu'ils attendent. » (saillie du 19 mars 2015)

Nous y sommes. Et nous sommes comblés.

 

1 commentaire

Commentaire de: Le Grincheux

« Cette manie du rabaissement dont je parle est profondément française, pays de l’égalité et de l’anti-liberté. Car on déteste la liberté dans notre chère patrie. L’idéal de l’état, selon les socialistes, n’est-il pas une espèce de vaste monstre absorbant en lui toute action individuelle, toute personnalité, toute pensée, et qui dirigera tout, fera tout ? Une tyrannie sacerdotale est au fond de ces cœurs étroits : « Il faut tout régler, tout refaire, reconstituer sur d’autres bases », etc. Il n’est pas de sottises ni de vices qui ne trouve son compte à ses rêves. Je trouve que l’homme, maintenant, est plus fanatique que jamais. Mais de lui. […] L’infaillibilité du suffrage universel est prête à devenir un dogme qui va succéder à celui de l’infaillibilité du pape. – La force du bras, le droit du nombre, le respect de la foule a succédé à l’autorité du nom, au droit divin, à la suprématie de l’esprit. La conscience humaine ne protestait pas dans l’antiquité. […] Mais voilà maintenant, qu’épuisée de tant de fatigues, elle paraît prête à s’endormir dans un hébétement sensuel, comme une putain sortant du bal masqué, qui sommeille à demi dans un fiacre, trouve les coussins doux tant elle est saoule, et se rassure en voyant dans la rue les gendarmes avec leurs sabres qui la protègent des gamins dont les huées l’insulteraient. […] Qu’est-ce donc que l’égalité si ce n’est pas la négation de toute liberté, de toute supériorité et de la Nature elle-même ? L’égalité c’est l’esclavage. »

Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet (fragments), 15-16 mai 1852.

11.02.16 @ 17:01


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