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Le cas Léa Salamé

21.04.20 | par Le Grincheux | Catégories: Pignoufferies de presse

J'ai longuement hésité avant de me convaincre d'écrire cet article et je ne l'ai fait que parce que la matinale de France Inter a récidivé et qu'il est impossible de les contacter autrement que par téléphone ou au travers de Twitter. Il n'est plus possible de mettre directement des commentaires sur leur page.

J'ai longuement hésité parce que ce n'est pas la première fois que Gérald Darmanin est interviewé dans la matinale, sans aucun contradicteur et avec des journalistes qui ne sont là que pour passer les plats si ce n'est la brosse à reluire. Gérald Darmanin est, pour ceux qui l'ignoreraient encore, le sémillant ministricule de l'action et des comptes publics, celui-là même qui déclarait sans rire il y a quelques semaines que la France avait de la chance, le Covid19 lui est tombé sur la figure alors que ses finances publiques étaient saines. Je rappelle à toutes fins utiles que le déficit calculé en dépenses sur recettes était de l'ordre de 11% l'an passé, nous ne devons donc pas avoir la même définition des finances publiques saines. Mais il est vrai que je n'ai pas eu la chance d'avoir fait Sciences Po, je ne puis donc pas comprendre.

Il y a quelques semaines, donc, il claironnait déjà que le gouvernement allait reporter à moins qu'il allait annuler les charges sociales des entreprises confrontées à la crise actuelle. Cela m'avait déjà fait bondir. Ce matin, ce cuistre réitère.

Vous vous rappelez, Gérald Darmanin est ministre. Et en tant que ministre, il ignore que les charges sociales ne sont pas gérées par le gouvernement. Les charges sociales sont gérées par les partenaires sociaux au travers de grandes entreprises (eh oui !) qui n'existent pas (eh oui, encore !) que sont les URSSAF, les différentes caisses de la SSI et plein d'autres organismes juridiquement mal identifiés gravitant dans la galaxie de la sécurité sociale. Le gouvernement n'a donc pas ses mots à dire. Il peut discuter des taux, ce qu'il fait tous les ans dans le projet de loi de finance de la sécurité sociale, il peut discuter d'un tas de choses comme des différentes couvertures, mais il n'a pas la possibilité de reporter ou d'annuler ces cotisations sauf à prétendre que la sécurité sociale serait un organisme privé. Or depuis sa création en 1945, la sécurité sociale est une juxtaposition d'entités privées sous l'égide de l'état. Je passe sous silence les caisses nationales qui n'assurent personne puisqu'elles gèrent les différents régimes et qui peuvent être des organismes publics ou parapublics. L'exécuteur de ses basses œuvres de la sécurité sociale s'appelle l'URSSAF ou plutôt les URSSAF.

Autour de moi, je n'ai pas trouvé un seul chef d'entreprise qui n'a pas été prélevé des charges URSSAF le 15 mars dernier. Même chose pour avril. Je n'ai pas recensé cela sur l'ensemble de la France, je me suis contenté de sonder autour de chez moi. Pour le 15 mars, la réponse de l'URSSAF du coin était que les charges dues le 15 mars correspondaient à une période précédant la crise sanitaire. Pour le 15 avril, il n'y a pas d'explication, sans doute tous les salariés de l'URSSAF étaient chez eux et les ordres de prélèvement envoyés automatiquement. Dans ce sens, ça fonctionne toujours.

Le gouvernement peut faire des moulinets avec ses petits bras, les URSSAF sont des états dans l'état qui ne rendent de compte à personne, même pas à la justice parce qu'elles ont le privilège d'avoir des justices d'exception qui leur lèchent les bottes. En ce sens, les URSSAF ne sont même plus des parasites parce qu'un parasite, pour vivre, doit éviter de faire mourir son hôte sous peine de mourir avec lui ! Les URSSAF s'en contrefichent, il leur faut de l'argent, toujours plus d'argent. Et nous voyons à quoi cela sert puisque dans le pays le plus taxé au monde, nous manquons du matériel et des consommables de base dans tous les hôpitaux de France.

Lorsque ce sémillant ministre de 37 ans, qui n'a jamais eu à travailler de sa vie — sa biographie est édifiante — se permet de dire cela, il insulte tous les auditeurs. Pire, il les prend pour des imbéciles car, soit il ment éhontément en sachant qu'il n'a pas le pouvoir de contraindre les URSSAF, soit il ne sait pas de quoi il retourne, ce qui est tout de même problématique lorsqu'on arrive à un tel niveau de responsabilité. Et il le fait impunément parce qu'en face, Léa Salamé gère l'entretien sans qu'il y ait de contradicteur, ce qui serait un minimum. Cette contradiction doit arriver par un autre invité qui pourrait lui répondre directement — et non un auditeur puisqu'il n'y a pas de droit de suite —, soit par un journaliste ayant un peu creusé le sujet pour couper l'invité à chaque déclaration péremptoire et erronée. Or il n'y a plus de journaliste dans la matinale de France Inter, il n'y reste plus que des présentateurs.

Ce matin, il nous a donc débité que le gouvernement allait reporter les charges patronales, pas les salariales parce que les charges salariales sont payées par le salarié (sic). Ah bon ? D'une part, mon grand, c'est l'employeur qui paie les charges patronales et les charges salariales. Je n'ai jamais eu écho d'un salarié qui envoyait lui-même un chèque à un organisme quelconque pour payer ses propres charges. Dans l'ordre, l'employeur doit payer les salaires — sinon les prud'hommes s'en chargent en référé à délibéré exécutoire —, les impôts des salariés — tu te souviens de cela, mon grand, c'est toi qui en est responsable ! Et il faut les payer parce que sinon l'administration fiscale dégaine des avis à tiers détenteurs —, les charges salariales — ne pas les payer est un délit et envoie l'employeur en correctionnelle puisque c'est considéré comme un vol même si la trésorerie est exsangue — puis enfin les charges patronales. Et lorsqu'il reste quelque chose, l'employeur peut payer les autres charges de l'entreprise et accessoirement se payer un peu. En d'autres termes, l'employeur risque aujourd'hui la correctionnelle avant la liquidation par le tribunal de commerce. C'est de cela que l'on parle avec tes réformes fumeuses.

Mais ce n'est pas tout, il nous a dit, sans que cela défrise notre Léa nationale qu'un décret qu'il avait pondu avait force de loi. Plus exactement, il nous a dit que c'était une loi (re-sic). Ben tiens, un décret est une loi ! Hans Kelsen doit en faire des loopings dans sa tombe ! Un décret n'est pas une loi et ne l'a jamais été, tout au moins depuis l'abolition de la IIIe République.

Donc en résumé, nous avons un ministre qui soit ne sait pas ce qu'il raconte, soit se permet ouvertement de mentir aux auditeurs, le tout sous le regard bienveillant d'un interviewer qui, soit ne prépare pas ses entretiens — je n'irai pas jusqu'à prétendre qu'elle est incompétente, je n'en sais rien et lui laisse le bénéfice du doute —, soit n'est là que pour faire de la figuration en évitant de poser les questions qui fâchent.

Je veux bien que les postes de Radiofrance soient des stations d'état. Mais de là à transformer France Inter en Radio Paris, il y a un pas.

 

3 commentaires

Commentaire de: Sylvain
Sylvain

Bonjour Le Grincheux, “Les URSSAF s’en contrefichent, il leur faut de l’argent, toujours plus d’argent. Et nous voyons à quoi cela sert puisque dans le pays le plus taxé au monde, nous manquons du matériel et des consommables de base dans tous les hôpitaux de France.” J’ai conscience que ma demande ne porte pas sur le cœur de l’article, mais auriez-vous quelque chose permettant de développer ce point ? Un autre article, de vous ou d’un autre ? Il m’intéresserait beaucoup d’avoir les preuves que l’argent prélevé est ensuite gaspillé (si c’est bien ce que vous dites dans cette phrase). Il y a longtemps que je m’étonne entre l’énormité des prélèvements et les… faiblesses, disons, de la couverture sociale et des services publics.

23.04.20 @ 04:52
Commentaire de: Le Grincheux

Je vous mets en pièce jointe les chiffres de 2013, le graphique est éloquent et cela ne s’est pas arrangé depuis.

Vous constaterez que le poids des cotisations sociales (qui sont planquées dans un certains nombres de coins, pas seulement en charges salariales et patronales) sont les plus importantes d’Europe et, très souvent, du monde. C’est ce qui permet à la sécurité sociale française d’être un état dans l’état puisque son budget est à peu près le double de celui de l’état (800 milliards d’euros contre 400). Dans les faits, la sécurité sociale commande au gouvernement, pas le contraire. Ce n’est malheureusement pas récent puisque dans un courrier de 1958, le général De Gaulle qui avait pourtant poussé les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 écrivait qu’il était urgent d’abroger la sécurité sociale puisque son principe avait été dévoyé (sic). Si l’histoire vous intéresse, en lisant les JORF de janvier 1946, vous constaterez que les partenaires sociaux ont attendu la démission du général pour créer dès le lendemain et en toute illégalité (puisque s’appuyant sur des textes pas encore entrés en vigueur) les premières caisses dans le but d’affilier autoritairement tout le monde et de casser la concurrence qui, dans les textes au moins, existe.

Le problème n’est pas ce budget, mais ce qu’elle en fait. Si tout le budget de la sécurité sociale était utilisé efficacement, nous aurions le meilleur système au monde. Sauf que l’efficacité d’un système n’est pas corrélée à son coût. Il faudra un jour que quelqu’un m’explique pourquoi une prise en charge dans un hôpital public coûte beaucoup plus cher que dans une clinique privée par exemple (https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/la-prise-en-charge-deux-fois-plus-chere-lhopital-qua-la-clinique-selon-latih). Personnellement, j’ai ma petite idée sur le sujet. Les cliniques sont responsables de leurs fonds, c’est-à-dire qu’elles investissent quand il le faut dans du personnel et du matériel et que toutes les dépenses non indispensables sont évitées. Elles ne se retrouvent pas avec du personnel pléthorique comme à l’accueil du pavillon de cardiologie de la Pitié.

La seconde infographie que je vous indique n’est pas de moi, mais est issue d’un document de l’EN3S, la glorieuse école de la sécurité sociale, à peine remise en forme (l’infographie, pas l’école). Cela vous permettra de comprendre, je pense, où passe l’argent. Tous ces comités, tous ces machins et autres agences permettent de rémunérer les “actionnaires” des caisses de sécurité sociale que sont les partenaires sociaux. Un vieil article que je n’arrive pas à retrouver au moment où j’écris ces lignes mentionnait qu’il y avait à peu près dix mille membres des syndicats représentatifs, donc des partenaires sociaux, qui était payés directement ou indirectement par ces différents organismes sans fournir de travail pour ces organismes.

Dernier point : la gestion collectiviste et strictement comptable empêche une gestion saine. Je vous donne un simple exemple. La ville de Moûtiers, il y a quelques années, a lancé une souscription pour offrir un appareil d’IRM (de mémoire) à son hôpital dont le service de traumatologie était saturé en hiver en raison de toutes les stations de ski. Cet appareil fort onéreux et qui n’avait pas coûté un sou à notre chère sécu a été démonté sur son ordre pour le déplacer à Annecy ou Chambéry (je ne sais plus exactement) parce que l’hôpital de Moûtiers n’avait pas eu l’aval de la sécu pour installer un tel appareil dans ses locaux ! D’après la coupure de presse en question, il était resté démonté. Là, je vous parle de matériel. Mais pour les consommables ou les médicaments courants, c’est un peu pareil. Il y a des centrales d’achat qui négocient toujours le prix le plus bas pour les hôpitaux. Or les laboratoires pharmaceutiques doivent amortir les études de leurs produits. Lorsqu’ils ont la possibilité de vendre au prix réel ou à prix cassé à la sécu, ils préfèrent vendre au prix réel, ce qui explique qu’en cas de tension sur les marchés des produits pharmaceutiques, la France arrive à être en panne de produits de base comme le paracétamol ou en soit aujourd’hui à utiliser des anesthésiants vétérinaires !

23.04.20 @ 09:34
Commentaire de: Sylvain
Sylvain

Merci pour toutes ces informations !

28.04.20 @ 10:49


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