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Une puanteur de bordel à marée basse

22.11.22 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Monde de merde

Vous le savez, ou vous ne le savez pas, je suis président d'une association dont le but est la défense de ses adhérents devant les tribunaux. Je défends entre autre des habitants d'un hameau — et sans doute bientôt d'un village distant d'une vingtaine de kilomètres ayant maille à partir avec le même individu — contre les agissements d'un industriel pseudo agriculteur qui ravage l'environnement. Entendons-nous bien, il n'est pas question ici de poulailler mal placé mais d'usines construites sans permis de construire (ou avec des permis obtenus frauduleusement), de pollution aérienne, de pollution des eaux, d'irrespect complet du code de l'urbanisme et de l'environnement, d'installations chimiques inconnues et sans aucune déclaration, de trafics en tous genres et de violation d'à-peu-près tous les autres textes légaux ayant cours en France.

L'association a gagné devant le tribunal administratif en première instance. Ce faisant, l'individu en question a déposé un autre permis de construire qu'il n'a de toute façon pas respecté et comportant encore des faux grossiers. En particulier, les plans fournis montraient une photographie de l'existant avec un plan, sur la même page au format A0, ne correspondant pas à la photographie. Et c'est passé sans aucun problème au travers de tous les services instructeurs de la préfecture locale. On est donc en droit de se demander à quoi ils servent et s'ils savent lire des plans.

Comme le sieur en question a été débouté en première instance, ce monsieur n'était pas content et a interjeté appel. Très bien. Dans son mémoire, toujours les mêmes énormités. Et là, on se retrouve dans une situation délirante, à savoir que notre avocat, grassement payé et payé jusqu'au bout de ses ruineuses factures, n'a pas envoyé de mémoire en réponse à la cour administrative d'appel. Il paraît qu'il ne savait pas non plus quand aurait lieu l'audience pour laquelle, naturellement, il ne s'est déplacé. L'intimant s'est donc retrouvé tout seul à la barre du tribunal, ni la mairie ni l'association n'ayant produit de mémoire en réponse et n'étant représentées.

Il arriva donc ce qu'il devait arriver, nous avons succombé avec une belle condamnation de dommages et intérêts pour la forme et pour avoir dérangé les augustes magistrats de cette cour d'appel qui, notez-le bien, se permettent aussi de juger la conformité de permis de construire alors qu'ils sont incapables de lire des plans.

Ayant reçu la signification du jugement, j'ai immédiatement récupéré toutes les pièces du dossier auprès de notre avocat, j'en ai aussi averti le bâtonnier. Parmi ces pièces, je trouve un mémoire de la partie adverse délirant. Délirant, le mot est faible. Ce mémoire contenait :

  • des photographies du site complètement bidonnées pour faire accroire que son usine était au milieu de nulle part alors qu'elle est dans un hameau ;
  • des constats d'huissiers de complaisance (et invalidés par une expertise technique) ;
  • des déclarations mensongères (du type toutes les maisons environnantes sont au propriétaire de l'usine en question alors qu'il n'en est rien. D'ailleurs, il faudrait savoir, cette usine est-elle isolée au milieu de nulle par ou environnée de maisons ?) ;
  • que toutes les parcelles où les bâtiments ont été construits sans autorisation sont la propriété de l'industriel (écrit d'un notaire véreux à l'appui puisque que la consignation des hypothèques et le cadastre qui fait foi indiquent le contraire) ;
  • qu'il n'y a pas de développement de l'activité (alors que la même personne pérore à qui veut bien l'entendre y compris aux médias que sa croissance annuelle est à deux chiffres depuis au moins 2008),

et j'en passe. Autant dire que la lecture attentive de ces documents m'a réellement mis hors de moi.

Sachant que chaque procédure devant un tribunal administratif revient entre 15 et 20k€ HT, qu'à chaque fois que l'association gagne ce monsieur dépose une autre demande qu'il faut à nouveau contester, que j'ai appris que toutes les affaires contre ce monsieur terminaient en rase campagne faute de combattants (il finit toujours par se retrouver seul à la barre, les avocats des parties adverses ne se présentant pas !), j'ai décidé d'attaquer par la bande au travers de la juridiction pénale pour escroquerie au jugement. Parce qu'on est très exactement là-dedans, ce monsieur obtient la faveur de jugements grâce à des documents qu'il sait soit être des faux patents, soit présenter une certaine altération de la réalité des choses.

J'ai donc passé dix-huit mois à écrire une plainte de six cents pages en ce sens. Six cents !

Cette plainte se compose d'un texte d'une cinquantaine de pages commençant par « en tant que président de l'association unetelle, je désire porter plainte contre Monsieur X pour escroquerie au jugement, possiblement en bande organisée, faux et usages de faux, mise en danger de la vie d'autrui, entraves à la circulation, infraction à la législation sur les sociétés, et tous les autres chefs d'accusation que vous pourriez rajouter. » Clair, précis, il suffit de savoir lire.

Dans cette plainte, je prends l'arrêt de la cour administrative d'appel, ses motivations ainsi que les écritures et pièces de la partie adverse et je démonte point par point toutes les pièces mensongères, toutes les affirmations fausses qui s'y trouvent, preuves à l'appui. Ces preuves constituent les cinq cent cinquante autres pages.

Le procureur a travaillé, demandé des enquêtes à la gendarmerie du coin. Il ne m'a jamais entendu, mais m'a fait recevoir hier par une association d'aide aux victimes qui m'annonce que le procureur s'apprête à classer l'affaire parce que les problèmes de voisinage ne sont pas du ressort de la juridiction pénale.

Mais ça, je le sais parfaitement, je ne suis pas tout à fait néophyte dans ce domaine. Ma petite dame, je n'ai pas porté plainte contre ce monsieur pour des problèmes de voisinage qui sont effectivement du ressort de la juridiction civile, mais pour une escroquerie au jugement. Bordel de merde (pardon), c'est écrit en toutes lettres en haut de la première page de mon document. J'annonce donc par écrit que si cette affaire est classée alors que le procureur a enquêté et fait enquêter une brigade de gendarmerie durant un an sur des faits qui n'étaient pas dans ma plainte, je serai au regret de passer outre en saisissant toutes affaires cessantes le doyen des juges d'instructions.

Je suis d'autant plus fâché qu'aujourd'hui encore, des magistrats font grève pour dénoncer les problèmes de la justice. Il y a objectivement un manque de moyen, mais il y a aussi un je-m'en-foutisme assumée d'une grande partie des magistrats, que ceux-ci soient du parquet ou du siège parce qu'ils ne sont dans les faits responsables devant personnes. Là, on est tout de même dans une affaire montrant avec quelle désinvolture est traitée une enquête pénale. Nous sommes en présence d'une plainte argumentée, un minimum qualifiée, les plaignants fournissent même une grande partie des preuves. Il fallait effectivement instruire mais le gros du travail a été mâché. Cette instruction devait filer au parquet financier pour une partie, toutes les autres pièces étant déjà au dossier. Et qu'est-il advenu ? Un magistrat du parquet lit un texte en diagonale et fait travailler la gendarmerie du coin durant un an sur une enquête qui n'a pas lieu d'être parce que n'est absolument pas le sujet et décide de vraisemblablement classer l'affaire.

Le véritable problème de la justice française est là. Nous avons des magistrats qui sont incapables de lire ou de comprendre les premières lignes d'un texte simple et qui traitent des dossiers, des vies de gens, avec une désinvolture coupable. Les mêmes lancent des enquêtes qui n'ont pas lieu d'être et qui monopolisent des ressources durant un an pour rien sachant que le plaignant n'en restera pas là et qu'ils auront tout de même à traiter l'affaire parce que je ne lâcherai pas.

 

3 commentaires

Commentaire de: Jean-Pierre
Jean-Pierre

Bonjour Grincheux, Merci pour cet article. C’est encore bien pire que ce que je pensais. À se demander par quel KGB, CIA ou autre qaida le système de magistrature française est payé ou noyauté pour détruire notre pays…

“Nous avons des magistrats qui sont incapables de lire ou de comprendre les premières lignes d’un texte simple", dites-vous.

Ça, ce serait de l’incompétence, et à la limite pardonnable. Pour moi c’est carrément de la mauvaise volonté, du déni de justice pur et simple. Je garde en mémoire ma lecture du livre “le pull-over rouge", qui à l’époque m’avait déjà révolté. Sans oublier évidemment “Omar m’a tuer".

22.11.22 @ 16:13
Commentaire de: Le Grincheux

Je vais vous casser la fin de l’après-midi. J’ai des mètres linéaires de dossiers différents dans lesquels la majorité des magistrats foulent au pied leur serment, le code de procédure civile, le code de procédure pénale, le code des procédures civiles d’exécution et plein d’autres textes sans que personne, je dis bien personne allant du garde des sceaux aux différents premiers présidents des cours d’appel en passant par le procureur général près la cour de cassation ne s’en émeuvent.

J’ai même une collégialité qui, récemment et pour me donner tort (puisqu’ils n’avaient aucun autre argument), a tenu une audience de cour d’appel huit jours avant la date à laquelle j’ai été convoqué. C’est dommage, je peux le prouver. Mais cela montre à quel point les membres de cette engeance se sentent intouchables.

D’autres vous collent que la partie adverse est comparante et concluante sur le torchon qu’ils osent appeler un jugement alors que les notes d’audience indiquent le contraire.

Oui, la justice française a des problèmes. Mais le plus gros problème de la justice française est formé par une grande partie des magistrats. J’ai cru, un instant, que l’actuel garde des sceaux mettrait de l’ordre et nettoierait les écuries d’Augias. Il n’a même pas répondu à mes deux saisines. Le seul qui a répondu quelque chose d’intelligent est le président de la république, mais il ne peut pas marcher sur les plates-bandes du garde des sceaux. La justice française meurt de la pourriture d’une partie non négligeable de ses magistrats. Et si d’aventure un magistrat voudrait porter plainte contre moi après mes propos, je tiens à préciser que je peux prouver tout ce que j’ai écrit plus haut (notes d’audience, jugements, arrêts et autres productions du jus de crâne de ces personnes).

Pour avoir foi en la justice française, il faut n’avoir jamais eu affaire à elle.

22.11.22 @ 16:50
Commentaire de: Jean-Pierre
Jean-Pierre

“J’ai cru, un instant, que l’actuel garde des sceaux mettrait de l’ordre et nettoierait les écuries d’Augias”

Vues les relations entre lui et cette engeance j’avais à l’époque esquissé un sourire d’espoir, en effet…

25.11.22 @ 15:08


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