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21.01.23 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les politiciens

Comme vous, j'ai été abreuvé jusqu'à plus soif de la couverture du bouquin du cadet décérébré de la famille royale anglaise, mais je me suis dit qu'il ne méritait pas mon mépris. S'il se trouve des gens assez stupides pour acheter un bouquin que, sans doute, lui-même n'a pas lu, tant mieux pour lui. Mais l'étalage des turpitudes familiales façon fin de règne voire fin de race est quelque chose que je trouve assez déplorable. Je peux toutefois proposer un titre français pour l'ouvrage en question. Pourquoi ne pas titrer « le roux de secours de la Meghan » ? Au moins, à défaut d'attraper un prix littéraire, cela aurait un certain panache.

Je ruminais sur les grandeurs et décadences des têtes couronnées lorsque je fus réveillé par la réforme des retraites. Comprenez-moi bien, je ne supporte pas les importuns tels Éric Woerth qui se permettent de m'envoyer un courrier électronique personnalisé pour défendre la réforme. Mais je déteste encore plus ceux qui ne veulent pas de cette réforme. Je vais avoir du monde à haïr.

Le problème est qu'il faut réformer un système qui, mathématiquement, ne peut perdurer que dans un monde en croissance infinie. En effet, pour qu'il soit soutenable, il faut qu'il y ait plus d'actifs (payant les cotisations) que de retraités (percevant une retraite donc à la charge des actifs). Lorsqu'on commence à avoir autant d'actifs que d'inactifs (retraités et chômeurs), forcément, ça coince. Sauf que si l'on maintient plus d'actifs que de retraités, un jour ces actifs deviendront des retraités à leur tour et il faudra encore plus d'actifs pour les soutenir. Bref, ce n'est pas viable dans un monde fini.

De manière assez surprenante d'ailleurs, les plus farouches et irréductibles partisans du système par répartition intégrale sont aussi ceux qui considèrent que la croissance infinie n'est pas possible. Ils ne sont plus à une contradiction près. Quoi qu'il en soit, cela fait des années que l'on sait que l'on va dans le mur parce que la démographie est ce qu'elle est. Cela fait donc des années que ce système aurait dû être réellement réformé pour obtenir à terme un système viable comme les systèmes suisse ou batave comportant trois piliers : un premier pilier par répartition pour une retraite de base, un deuxième pilier par capitalisation dans des caisses spécifiques pour une complémentaire et un troisième pilier facultatif.

Au lieu de cela, non, nous restons dans notre fichu système et tous ses effets de bord à commencer par l'absence de financement de l'économie par les fonds de pension. Vous me direz que ce n'est pas un problème. Pourtant, c'est l'un des problèmes majeurs de l'économie française. Les entreprises ne pouvant pas se financer par les banques qui n'acceptent pas le risque trouvent de l'argent auprès de fonds étrangers et, petit à petit, toutes les entreprises rentables deviennent étrangères, finissant soit par déménager soit par être liquidées après que la propriété intellectuelle a été récupérée par les nouveaux propriétaires. Cela vaut pour les grandes entreprises, mais aussi pour les PME ayant une certaine valeur. C'est arrivé il y a quelques années à une entreprise d'une vingtaine de personnes de mon patelin, entreprise qui fabriquait des machines à bois. Elle fut rachetée par un fonds de pension étranger pour ses brevets puis vendue à la barre du tribunal deux ans plus tard.

J'ai un âge où je suis coincé. Si le système de retraite change, je n'aurais aucune retraite. S'il reste le même, je n'aurai aucune retraite non plus. Je file depuis des années à peu près 20 k€ par an de cotisations retraite à ma chère caisse de retraite qui m'envoie tous les ans un papier avec ses vœux dans lequel elle me remercie de ma solidarité puisque les deux tiers de mes cotisations vont en péréquation abonder les caisses des régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF/GDF en tête) puis les caisses des salariés du privé. Sur le restant, elle utilise pour son propre compte 4 à 5 % de mes cotisations. Reste pour moi un tout petit tiers de ce que je verse. Dans le même torche-cul annuel, j'apprends que si j'arrive encore à continuer à lui verser le même écot annuel corrigé des variations saisonnières et de l'inflation, je pourrais prétendre à l'âge de 68 ans à 860 bruts mensuels. Mais dans l'état actuel des textes car la valeur des points pourrait baisser.

Faisons un petit calcul statistique. Mon espérance de vie à la retraite est de moins de vingt ans. Arrondissons à vingt pour simplifier le calcul et considérons le calcul sans inflation puisque, après tout, cette inflation touche aussi les cotisations. On arriverait donc à 206 400 € sur vingt ans, ce qui correspond à dix ans de cotisations. Or j'aurai cotisé à 68 ans plus de 45 ans dont 18 mois de service militaire dont personne n'est capable de dire s'il sera compté ou non puisque la règle est très subtile. En effet, si vous avez commencé à travaillé à 18 ans, avec un contrat à durée indéterminée, le service compte. Si vous avez fait le service à la fin de vos études avant d'avoir un contrat de travail, il ne compte pas. Personne ne sait si un stage obligatoire de 6 mois avant le service fait que ce service compte ou ne compte pas.

Un simple calcul montre que si j'avais simplement gardé l'équivalent des cotisations que je donnais à ma charmante caisse de retraite pour moi en les cachant en lingots dans un matelas, je pourrais bénéficier d'une retraite de plus de 3 600 € nets par mois sur la même période (en consommant le capital et en considérant que jamais une somme n'a été placée). Vous me direz que le calcul n'est qu'un calcul fictif car je pourrais effectivement vivre plus de vingt ans après ma retraite. Je vous répondrai que c'est justement pour cela qu'il existe dans tous les autres pays des caisses de retraite par capitalisation qui moyennent ce risque. Du reste, il en existe une aussi chez nous, ça s'appelle la PRÉFON et elle est réservée aux fonctionnaires. Les autres, vous pouvez crever la bouche ouverte. Mais je vous rassure, il vaut mieux placer de l'argent ailleurs qu'à la PRÉFON, les rendements sont assez mauvais.

Vous me sentez aigri, vous avez raison.

Mais revenons sur ce fichu système par répartition qui ne date pas de 1948 ou du GPRF. Comme les congés payés ne datent pas de 1936 puisque c'est Badinguet qui les a créés par un décret impérial du 9 novembre 1853. Les communistes adorent réécrire l'histoire à leur sauce. Pour les autres sachez que cette revendication n'était même pas au programme du Front Populaire.

En 1939, tous les salariés devaient cotiser aux Assurances Sociales pour la maladie et la retraite. Si la maladie était un système assurantiel (ce n'est plus le cas du nôtre aujourd'hui même s'il contient toujours le terme assurance), la retraite était un système par capitalisation. Ce n'est pas pour rien que le Palais de la Mutualité, à Paris, date des années 1930. En 1939, un salarié pouvait partir à la retraite à 60 ans.

Arrive la guerre et son cortège de malheurs que pour certains, nous n'avons pas fini de solder aujourd'hui. Paul Reynaud sous la pression des pacifistes doit laisser les rênes du pouvoir à un certain Philippe Pétain qui signe un armistice avec moult dommages de guerre à payer à l'occupant. René Belin, n°2 de la CGT et pétainiste et pététiste de son état, ministre du travail, liquide entre autres la CGT, cosigne le statut des juifs et trouve amusant de voler le magot des Assurances Sociales pour le filer à l'occupant. Ce faisant, il instaure un régime de retraite par répartition et une sécurité sociale des prolétaires (qui n'est pas non plus créée par le GPRF en 1945).

Deux conséquences : la première et la plus immédiate était de permettre l'envoi d'argent frais en Allemagne, les finances de l'état étant au plus bas. Mais la seconde est importante elle aussi puisque cela a permis de retirer du marché de l'emploi en période de chômage de masse bien plus d'un million de travailleurs qui n'avaient jamais cotisé (artisans, agriculteurs et autres statuts pour lesquels les cotisations retraite étaient facultatives). Certains travaux d'historiens indiquent qu'entre 1,5 et 2 millions de travailleurs s'étant retrouvé au chômage du fait de la guerre ont pu toucher une retraite sans jamais avoir cotisé.

Il y eut un certain nombre d'effets de bord, à commencer par des gens qui avaient capitalisé pour eux durant quarante ans et qui se sont retrouvées au nouveau minimum vieillesse. Ce fut le cas de mon arrière-grand'mère qui a fini sa vie chez mes grand'parents alors qu'elle avait cotisé des sommes importantes toute sa vie durant.

Les régimes de Vichy ont mis toutes les retraites à l'amende. En 1945, le GPRF a tenté de mettre de l'ordre dans ce qu'il convient tout de même d'appeler un beau merdier en créant un nouveau statut de caisses et en simplifiant les différents régimes. On supprime les sociétés de secours mutuel (qui pouvaient être libres, approuvées ou d'utilité publique) pour créer des sociétés mutualistes. Une société mutualiste, qu'est-ce donc ? Il s'agit d'une association avec des petites choses en plus dont une tutelle de l'état. Mais il faut noter que jamais les textes n'ont imposé un monopole de caisse. Il n'y a que des monopoles de régimes (comprendre : de couverture minimale obligatoire). Le PCF aidé par la CGT et les principaux syndicats de l'époque a manœuvré pour affilier obligatoirement tous les salariés dans ses propres caisses, créées d'ailleurs illégalement entre le 26 janvier 1946 et le mois d'avril, date à laquelle l'ordonnance de création de la sécurité sociale n'était pas encore en vigueur (elle ne le sera que le 1er juillet). Même opération pour les retraites. En 1948, la Cour de Comptes s'en émeut. Elle fut bien seule. Elle écrit même que le système par répartition intégrale doit absolument être réformé parce qu'il ne sera pas tenable. Notez bien qu'en 1958, Charles De Gaulle s'en émeut aussi dans un courrier versé aux Archives Nationales dans lequel il indique que « la sécurité sociale doit être abrogée en tant que sont objet a été dévoyé [ndlr. par les partenaires sociaux] ».

Soixante-quinze après, nous constatons toujours la même chose. Les retraités râlent parce que leurs pensions ne sont pas indexées sur l'inflation, parce qu'on leur rajoute de la CSG, de la CRDS et d'autres vexations fiscales et sociales. Les actifs râlent parce qu'on leur rajoute toujours des cotisations (salariales ou patronales, in fine, ce n'est jamais la vache qui paie les taxes sur le lait), les chômeurs parce qu'ils n'ont plus de travail tellement celui-ci est devenu taxé. Quant à la branche maladie, il vaut mieux ne pas en parler.

Mais surtout, ne changeons rien. Une petite réformette paramétrique par-ci par-là lorsque ce n'est vraiment plus tenable parce que les français seraient attachés à leur fichu système.

Ils sont surtout attaché à leurs retraites.

 

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