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Lutte des classes

07.11.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Haines ordinaires

Ce matin, j'ai été réveillé par Gérard Mordillat. J'aime assez Gérard Mordillat tant que celui-ci ne parle pas de politique, or ce matin, il a parlé de politique. Il se qualifie lui-même d''anarcho-syndicaliste et était invité par France-Inter pour parler de son dernier film tiré d'un de ses romans — on n'est jamais mieux servi que par soi-même — des vivants et des morts.

Je veux bien qu'on discute de fermetures d'usines, de délocalisation, des problèmes des salariés licenciés. Mais lorsque j'entends quelqu'un dire que les ouvrières ne savaient plus comment acheter des couches pour leurs enfants, j'aimerais pouvoir lui répondre qu'actuellement, je connais quelques femmes de patrons qui ne savent plus comment faire pour acheter ne serait-ce qu'un bout de viande. Parce que le patron d'une très grande entreprise est certainement salarié, mais le droit français interdit la plupart du temps à un patron de PME d'être salarié. Dans la plupart des cas, il est considéré comme profession libérale — merci Mitterrand —, ne bénéficie ni de la sécurité sociale ni des assurances chômages et est redevable d'une faillite de son entreprise sur ses fonds propres. Tout de suite, ça change considérablement la donne, mais le grand public ne le sait pas, ou lorsqu'il le sait, fait mine de l'ignorer parce que cela n'entre pas dans son cadre de pensée.

J'aimerais bien que Monsieur Mordillat prenne un peu de recul. Il est inadmissible de voir des délocalisations, mais il est encore plus inadmissible de voir des entreprises mourir faute d'investissement. Et le patron tant décrié ne peut pas être tenu responsable de ce défaut d'investissement sachant qu'il ne peut se substituer aux déficiences du secteur bancaire. C'est même pour cela que la plupart des entreprises qui sont rachetées par leurs salariés sous la forme de coopératives se cassent la figure très rapidement. Il est très facile de râler contre les décisions du patronat lorsqu'on est du côté des employés, mais c'est tout de suite une autre paire de manches lorsqu'on doit soi-même porter ces décisions et qu'on est amené à prendre des décisions du même ordre que celles qu'on condamnait quelques jours ou quelques mois auparavant.

Ce que tous ces gens oublient aussi, c'est que le patron de PME, lorsqu'il échoue, termine au mieux ruiné, au pire dans la rue et qu'il ne se trouvera personne pour lui venir en aide. On peut dire ce qu'on veut, mais le salarié en France est protégé. Il est dur de perdre son emploi, mais lorsqu'on est protégé, c'est tout de même un peu plus facile que lorsqu'on n'a absolument aucune protection sociale et qu'aucune assurance ne vous couvre. Même les assurances chômage sur les prêts immobiliers ne fonctionnent que si le chômage est assuré par les Assedics !

Par ailleurs, je ne supporte plus le concept de lutte des classes. En dehors de quelques dérives à combattre, la lutte des classes est un concept désuet à reléguer aux oubliettes de l'histoire. Depuis les années 50, la majorité de la population n'est plus ouvrière mais composée d'employés, ce qui rend de fait caduc tout concept de lutte des classes. Dans tous les pays de l'Europe de l'ouest, les partis politiques anciennement socialistes ont changé de ligne politique en passant du concept de révolution — du grand soir avec le couteau entre les dents à la révolution rampante modèle force tranquille chère au publiciste brûlé aux UV, porteur de Rolex et de gourmette — à celui de la démocratie sociale oubliant logiquement la doctrine marxiste de lutte des classes. La seule exception est la France, ses partis politiques et ses syndicats.

Il est aussi très amusant d'écouter des syndicalistes se demander pourquoi seulement 7 % des salariés français sont syndiqués contre plus de 50 % dans les autres pays européens. Cela doit être lié à la sacro-sainte exception française. Pour ma part, je pense qu'il faudrait plutôt regarder du côté de leur représentativité et de leur ligne politique. Le but d'un syndicat devrait plus être la défense du salarié — et non de l'ouvrier — que d'être un tremplin politique pour ses chefs qui émargent généralement dans les instances de partis politiques et qui utilisent ces syndicats dans un unique but carriériste.

Aujourd'hui, j'ai l'affreuse impression qu'un seul homme politique des trente dernières années a compris ce fait et en a tiré les conséquences qui s'imposent pourtant d'elles-mêmes. Cet homme, c'est l'ancien premier ministre Michel Rocard, socialiste de son état. Il faut l'écouter ou le lire. Sa pensée est complexe mais sa vision de l'économie est pertinente. Dégagé de toute responsabilité ou presque, sa parole est encore plus libre aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a vingt ans. Il doit être l'un des seuls de l'opposition de gauche — je parle d'opposition de gauche parce qu'il y a actuellement une sérieuse opposition de droite, on peut être à droite en étant contre ce que fait actuellement le gouvernement et en étant anti-sarkozyste convaincu et radical — à avoir un discours économique cohérent, construit et dégagé de toute contingence carriériste, sa carrière étant derrière lui. Le seul peut-être à reprendre une partie de son discours étant François Hollande, mais qui, visant la présidence, ne peut se permettre toutes les libertés de Michel Rocard.

Toutes les autres opinions forgées à grands coups de lutte des classes sont vouées à l'échec car révolution marxiste résultant de cette lutte des classes n'est pas pour demain. Voir comme hier des bandes organisées casser les vitrines de la rue Victor Hugo à Lyon (entre Perrache et la place Bellecour) en chantant l'Internationale attrocement faux n'est chose qui va me réconcilier ni avec l'action politique ni avec l'intelligence humaine.

 

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Commentaire de: Blanche Neige
Blanche Neige
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Pour ceux qui s’intéresseraient à la pensée de Rocard, il répondait à un journaliste du magazine L’histoire, numéro de décembre 2009 (saint François d’Assise en couverture) à propos du virage du SPD allemand en 1959 à Bad Godesberg. À trouver en bibliothèque municipale pour ceux qui ne sont pas abonnés.

J’ai pas mal aimé sa formule “Le SPD a rejeté le marxiste étatique de Kautsky (…) le vrai enracinement de la liberté dans la vie de tous les jours réside dans l’économie de marché: la liberté pour le producteur de produire ce qu’il veut, celle du consommateur d’acheter ce qu’il veut à qui il veut".

J’irai plus loin même en associant à cette nécessaire liberté une tout aussi nécessaire égalité: on pourra parler d’égalité quand tous, issus d’un milieu riche ou d’un milieu pauvre, pourront avoir les mêmes chances de réussite, y compris dans la création d’entreprise.

Nous avons le choix entre soit la liberté et l’égalité en offrant à tous les mêmes possibilités, soit l’excitation des haines en entretenant la mythologie des classes, en nivelant par le bas l’économie. Si nous préférons désigner l’économie de marché, les patrons, les bourgeois comme ennemis, alors, supprimons économie de marché, patrons et bourgeois. Et la liberté et l’égalité aussi seront supprimées, au profit d’une dictature et d’un égalitarisme tyrannique, où il sera interdit de promouvoir la réussite individuelle.

Et surtout fermons les yeux sur l’éclatement des responsabilités, entre l’anorak acheté 8 euros chez Kiabi, la cuisine achetée à 50% moins chère en Pologne et notre tout petit portefeuille de placements financiers.

Puisque les bourgeois sont les seuls responsables, les gagne-petits sont entièrement victimes. Vision rassurante d’un monde en blanc et noir.

07.11.10 @ 13:16


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