« Mesure de radioactivitéAlors, Dejean, on couche ? »

L'université passe la seconde

19.05.11 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit, Vieux con

Il s'est tenu récemment à Toulouse la conférence des présidents d'université. Daniel Filâtre, président de Toulouse le Mirail et responsable de la commission pédagogie au sein de la CPU, considère désormais que « tout jeune qui arrive en seconde est destiné à obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur ». Il faut comprendre par diplôme de l'enseignement supérieur une licence, soit un niveau bac+3.

Aujourd'hui (chiffres de 2009), 65,6 % d'une classe d'âge arrive au niveau du baccalauréat, général ou technologique (chiffres du ministère de l'éducation nationale). Comme il y a du déchet entre la classe de seconde et le diplôme du baccalauréat, je peux hasarder sans prendre trop de risque qu'en suivant les dires de Daniel Filâtre, avalisés par Valérie Pécresse, qu'il souhaite voir plus des deux tiers d'une classe d'âge sortir de l'enseignement supérieur avec un diplôme au moins égal à une licence. Pour être plus précis, nous allons considérer que le nombre d'élèves en seconde est le nombre de bacheliers pondérés par le taux de réussite au bac, soit 78,4 % pour l'année 2009. Nous obtenons donc en seconde 83,7 % d'une classe d'âge. Ce chiffre est légèrement faussé car il ne prend pas en compte les redoublements ni ceux qui se présentent deux fois au baccalauréat.

D'après l'OCDE, seuls 37 % des jeunes ayant l'âge d'entrer à l'université entreprennent des études supérieures. Sur ces jeunes, seuls 59 % obtiennent une licence, soit 22 % des bacheliers. En étant particulièrement optimiste, nous avons donc à peu près quatre fois plus d'élèves en classe de seconde qu'en licence. Le chiffre exact n'est pas vraiment intéressant, seul l'ordre de grandeur est important.

Pour que tous les élèves de classe de seconde sortent du système universitaire avec au moins un diplôme de licence en poche, il faudra donc augmenter sensiblement le nombre d'étudiants à l'université. Cela pose des problèmes de locaux, d'encadrement, de ressources humaines, bref, des problèmes matériels qu'on peut à la rigueur résoudre moyennant l'augmentation du déficit du budget du gouvernement qui n'en demande pas tant. Les grandes villes étant déjà munies d'universités, il faudra aussi songer à ouvrir de nouvelles facultés dans des coins perdus comme Mende, Guéret ou Charleville-Mézière — je ne sais pas si vous connaissez Charleville-Mézière, mais sous la pluie, ça ressemble à un décor de Simenon, je ne sais pas si vous voyez bien ce que je veux dire ; j'ai toujours eu l'envie indicible d'aller passer un week-end gris et pluvieux sous les arcades de la place ducale —, dans tout un tas de bourgades excentrées des grands centres urbains. Peut-être le TGV arrivera-t-il en même temps que ces universités dans ces contrées reculées.

Nous pourrons toujours trouver une solution à tous ces problèmes matériel, mais il sera impossible de changer la biologie de l'étudiant moyen. Chercher à augmenter jour àprès jour le pourcentage d'une classe d'âge diplômée d'une licence revient à demander à un sportif de faire toujours mieux. Pourtant, on conçoit facilement que jamais, tout au moins dans un avenir proche, un coureur ne pourra faire un 100 m en moins de cinq secondes. Pourquoi demander à un cerveau ce qu'on n'imagine même pas demander à un ensemble de muscles ? L'intelligence — ou la débilité — du bipède médian habitant cette vallée de larmes n'ayant aucune raison scientifique d'avoir changé au cours des derniers siècles, il n'y a aucune raison de pouvoir tendre — à contenu de la licence constant —, à plus de 80 % d'une classe d'âge au niveau bac+3. Il y aura toujours du rebut. Le problème est de savoir ce que l'on décide de faire de ceux qui sont incapables de suivre un tel enseignement et rien n'est vraiment prévu. Il n'est pas question de laisser ces gens sur le bord du chemin, il y a des tas de choses que l'on peut faire sans avoir une licence en poche. Nous manquons actuellement d'une foultitude de métiers qui ne demandent pas de grandes études mais un réel savoir-faire issu de l'apprentissage et qui permettent de vivre confortablement. Il faut absolument arrêter de vouloir pousser tout le monde à être diplômé de l'enseignement supérieur sauf si l'on veut absolument dégrader le niveau. Aucune raison scientifique ne peut faire qu'un élève qui suive correctement en classe de seconde puisse suivre un cours de licence.

Avant de se poser la question du nombre d'étudiants diplômés du supérieur, il faudrait déjà mettre des moyens sur la table pour que tous les étudiants qui en sont capables puissent suivre des cours dans le supérieur. Le fait que les étudiants ne suivent pas des cours dans le supérieur n'est pas forcément une histoire de capacités intellectuelles, cela peut simplement être une histoire de localisation ou de capacité des universités. Augmenter le nombre de diplômés, en décrétant qu'il en faut plus, coûtera tout aussi cher et aboutira mécaniquement à une baisse de niveau, niveau qui chute régulièrement depuis quelques années quoi qu'on puisse en dire. Il suffit pour s'en convaincre de donner des cours dans le supérieur ou de corriger des copies. C'est particulièrement affligeant.

Les chiffres sont vraiment durs. Pourtant, ni un ministre, ni un président d'université ne peuvent prétendre ne pas les connaître ou ne pas en saisir toute l'ampleur ou leurs conséquences. Est-ce par pure démagogie, pour caresser les électeurs dans le sens du poil ? Je n'ose le croire.

 

2 commentaires

Commentaire de: Atg
Atg

Le sabotage est en place depuis bien longtemps, tant sur les universités que sur les formations de niveau modeste (Cap, Bac Pro etc.). Un petit témoignage sur les “ménages” que j’ai pu effectuer.

- 8 ans “maître de conférence” dans une Ecole de commerce. Sup de… je ne sais plus si c’est “fric” ou “con", enfin quelque chose de ce genre. Alors très simple : tu paies, tu as ton diplôme. Le client, pardon, l’étudiant, est roi. Avec ce qu’il file à l’entrée, ce n’est pas négociable.Je me souviens du parking : trois voitures rouges. Deux Testarossa et une Fiat. L’une d’elle m’appartenait. Je vous laisse deviner laquelle. Les autres était la digne récompense d’étudiants ayant fait les vendanges pendant l’été. A supposé d’ailleurs qu’il y ait du raisin l’été, avec ces importations, je m’y perds.
- Pas très loin, les prolos de l’IAE (je ne me souviens plus de ce que signifie le “E” (Esclavagiste ? Entreprise ?). Sur le papier, un concours d’entrée relativement rude. De l’autre, du papier, mais genre mouchoir pour sécher les larmes des tenanciers : personne ne s’y inscrivait plus à l’Institut. Comme il faut bien vivre, les modalités réelles du concours, c’était de rendre une feuille blanche non froissée pour être admis.
- Pour faire dans l’exotique, je me retape 8 ans, chiffre porte malheur en…non ne rigolez pas, c’est salaud…Sciences de l’Education. Enfoncée la quatrième dimension. C’est… enfin… je ne trouve pas les mots. En revanche, ceux qui tiennent cela sont plus fins financiers que n’importe quel diplômé d’une école de commerce. On n’a jamais atteint le 100% de réussite. Ce serait exagéré et mesquin de prétendre cela. C’était moins. Forcément, dans le cours de l’année, il y a toujours quelques étudiants qui décèdent, ça vous flingue un score à trois chiffres.

En fait, la logique est de sur-noter à outrance. Dans le premier cas, pour ne pas offenser le chèque déposé par les parents. Dans le second, faut tout de même pas déconner : avec quoi je le fais vivre mon troisième cycle, hein ?

Comme il m’arrive de recruter, je peux aussi par exemple tomber sur des diplômés es mécanique. Les fameux Cap, Bep et autres merdouilles. D’un naturel méfiant, je vérifie que le diplôme est bien un original. Pas un truc dessiné à la main ou trafiqué par les usines à gaz d’Adobe. Je vérifie l’authenticité du permis de conduire. Je tiens à préciser au passage, compte-tenu que les lecteurs de ce blog ne font jamais les courses, domestiques aidants, que les histoires de billets de banque photocopiés ne sont pas une légende de caissière. J’ai vu des permis photocopiés sur des feuilles roses dont la qualité était juste au-dessus du fameux papier cul. Bon donc, mon candidat a un vrai diplôme, un vrai permis, une vraie gueule de con, tout colle. Si je propose, à l’arrache et à l’intéressé, de me faire un croquis d’un différentiel, je sens vite que je suis bon pour les quatre pneus crevés. Que certes, il pourra me remplacer illico à main nue, même avec des anti-vol, tant son expérience semble grande en ce domaine.

Si notre djeun sort d’un contrat qualification, professionnalisation, ou n’importe quoi finissant en ion, formé par une Association (tiens, vous voyez) à but très lucratif, il n’a besoin, au pire, que de venir signer la fiche de présence le vendredi après-midi. Enfin la première semaine. Car, avec le démontage des pneus, l’expertise en graphie est un talent assez développé chez ces personnes. Elles travaillent dur la nuit, même par temps froid, pour parfaire ce talent. Un bon copain évitera ce désavantageux déplacement si près d’un week-end réparateur, en reproduisant très fidèlement le paraphe.

Qui dit machin en “ion” dit lieu de stage. Entreprise qui dans sa générosité et dans son souci bien légitime d’éviter les faux-frais, va offrir le fameux lieu de stage. Allons-nous bassement trahir une telle confiance, deux ans de sacrifice, en prétextant à l’entreprise qui nous fait vivre que, non, le jeune est vraiment trop con et qu’il n’aura pas son diplôme ? Si vous pensez que oui, je vous suggère de revenir au premier paragraphe et de vous inscrire à Sup Machin.

Alors il y a des examens. Ah, merde. Ca laisse des traces. Bon, on va baisser le niveau du référentiel. Mais ça suffit pas. Comment faire ? Et si on créait un jury de “professionnels” ? C’est pas une bonne idée ça ? Bah oui, vous savez les professionnels qui viennent des entreprises sus-citées ? C’est pas tout à fait ça encore. Il y a des profs de l’EN dans les parages, ce sont des communistes. Que faire donc ? Ca y’est ! Je tiens l’idée que M$ va me racheter à prix d’or. Si mon nullard loupe ses examens, en hommage à Lucien Jeunesse, je crée le super-banco : l’examen de motivation qui compense tout le reste !

Pour résumer donc, quand vous amenez votre caisse pour faire changer cette saloperie de courroie de distribution, le jeune qui va se charger de la délicate opération est diplômée sur sa motivation. Ah, msieu, ak j’eme ça lé kouroi. Qu’y-a-t-il de mieux pour la bonne santé d’un moteur qu’un jeune motivé ?

J’ai testé le jeune “informaticien". Option programmeur pour smartphone (mais sans Objective C car ça donne mal à la tête). Quitte à flinguer une garantie, je préfère le faire moi-même, j’adore perdre.

Peut-être les études médicales et les études d’ingénieurs. Euh, les vrais “ingénieurs". Pas les ingénieurs “maison". J’ai rencontré, je ne déconne pas, un “ingénieur” en chaudronnerie. Issu d’un truc qui s’appelle “Greta". Je sais, ça fait un peu nom de pute, et il semble il y avoir du vrai. Enfin, il y a une histoire de sodomie, ça c’est certain. Non, un ingénieur type maths-sup/spé en hors d’oeuvre et la suite qui va bien. Mais pour ces deux derniers corps, c’est malheureusement bien au-dessus de ma condition.

21.05.11 @ 21:51
Commentaire de: Jean-Christophe

J’applaudis de toutes mes mains (je ne les ai pas comptées car je n’ai qu’un BAC+5).

Mais sortons maintenant de l’école et visitons l’industrie : on a besoin de savoir-faire, naturellement on recrute au niveau nécessaire, et si l’on se retrouve bien avec des gens diplômés d’un BAC+N, on réalise trés vite qu’ils sont incapables de se débrouiller seuls même pour faire un travail de niveau BAC+N-3.

À quel moment cela commence-t’il ? Récemment j’étais chez une amie qui a un gamin de 9 ans : je parcours ses devoirs de maths et j’y vois des erreurs… de correction de la maîtresse. Je me dis “non, ce n’est pas possible, relisons !". Mais si mais si, la brave enseignante avait compté juste une réponse qui était manifestement fausse. Intrigué je scanne tout les cahiers de la victime, et vois d’autres erreurs du même acabit par-ci par-là. J’ai même eu du mal à en convaincre une maman qui soupçonnait une blague de ma part : si la maîtresse d’école en sait moins qu’un quidam quelconque, alors quelle est la valeur de l’enseignement distillée dans la tête de son fils ? Non, décidément, il vaut mieux oublier tout cela et allumer la télé pour distraire l’innocent bambin.

Rideau.

29.05.11 @ 11:28


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