« Il a osé le dire !Camarade Mélenchon, je te hais »

Les invités de la campagne

09.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les politiciens

Après les trente glorieuses et les trente piteuses, nous entrons de plain pied dans les trente merdeuses et, je suis prêt à prendre les paris, la période dans laquelle nous entrons en chantant la fleur au fusil sera mentionnée dans les futurs livres d'histoire — pour peu qu'on enseigne encore l'histoire dans quelques années — comme une période à côté de laquelle la grande dépression de 1929 passera comme une aimable promenade de santé. Nous ne sommes pas encore dans la crise, tout au plus dans l'antichambre, et la chute risque d'être sévère.

Cela fait quarante ans que nous vivons au-dessus de nos moyens. Pour faire simple, disons que le gouvernement Chirac puis Barre n'avaient pas d'autre choix puisqu'ils se sont pris dans la figure les deux crises pétrolières de 1973 et 1979. Mais les choix opérés depuis ces trente dernières années, par des gouvernements de gauche comme de droite, n'ont rien arrangé. Nous avons continué à creuser les déficits budgétaires sans jamais vouloir regarder les choses en face. Au début des années 1990, il ne fallait pas penser réformer les retraites alors même que tous les démographes — Hervé Le Bras en tête — tiraient toutes les sonnettes d'alarme. Contrairement à l'économie, la démographie est une science bien plus exacte puisqu'à moins d'une guerre, de l'instauration d'un système de régulation comme celui de Soleil Vert ou d'un virus particulièrement pathogène et létal, les gens qui avaient trente ans en 1980 en ont soixante en 2010.

Or, depuis trente ans, on boucle le budget de la France en faisant des hypothèses de croissance complètement délirantes et, comme on n'arrive pas aux objectifs attendus, on dévalue (cas du tournant de la rigueur en 1983), on fait tourner la planche à billet (premier septennant de François Mitterrand), on emprunte sur les marchés financiers qui n'en demandent pas tant et on se plaint que ce sont actuellement ces mêmes marchés financiers qui font la politique de la France. Mais qui leur a donc donné les clefs du pouvoir ? Tous autant que nous sommes. Enfin vous plus que moi.

Le Général De Gaulle disait que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille et il avait raison. Le problème, c'est que collectivement depuis trente ans, tous les électeurs ayant voté à court terme sont responsables de cette dérive des prises de décisions de l'Élysée et de Matignon vers le palais Brognard parce que ces électeurs sont tous égoïstes. Ils veulent tout et tout de suite, indiquent crânement qu'ils veulent du social, votent pour la gauche, mais préfèrent toujours que ce social leur bénéficie en priorité selon le vieux principe que charité bien ordonnée commence toujours par soi-même.

Et c'était déjà vrai en 1981. Le programme commun de la gauche ne servait pas à redresser l'économie de la France, simplement à faire élire une équipe en promettant à l'électeur crédule ce qu'il voulait entendre (35 heures de travail hebdomadaire, cinquième semaine de congés payés, augmentation du SMIC…). Plein de choses qui concernaient l'électeur de manière privée et non la France.

Aujourd'hui, que voyons-nous ? La même chose. Mélenchon raconte exactement ce que l'électeur égoïste veut entendre. C'est le Mitterrand du programme commun de 1981. C'est même symptomatique. Comme est symptomatique le fait que le programme du président sortant n'est paru que la semaine passée. Officiellement, il lui fallait écouter avant d'écrire son programme. La question est donc de savoir si un candidat se présente pour défendre ses propres idées ou les idées d'autrui qui ne lui permettent que d'être élu. La suite, on la connaît, les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Chassez le naturel et il revient au galop.

Et à une heure critique où il faut réellement faire des efforts pour sauver le système social français, des Mélenchon, Le Pen, Sarkozy et Hollande prétendent qu'on va encore raser gratis demain. Foutaises, mais l'électeur ne veut surtout pas entendre autre chose. Le RSA, c'est bien, le régime d'assurance chômage, c'est bien, les services publics, c'est très bien. Enfin, c'est bien lorsqu'on en bénéficie, mais lorsqu'il faut commencer à envisager d'en assumer le prix, c'est un peu différent. Pourtant, je vous le prédis, si vous voulez garder le système français, les impôts divers et variés risquent fort d'être multipliés par trois ou quatre, sans compter le fait que vous devrez acheter plus cher, soit en achetant français, soit en payant une taxe sur ce qui est importé parce qu'il faudra bien remettre la France au travail d'une manière ou d'une autre pour ne plus avoir à régler des prestations chômage ou des minima sociaux à une partie de la population active.

Mélenchon est même le plus amusant de nos candidats parce que si vous voulez détruire le système français, il vous suffit de voter pour lui puisque son programme économique n'est pas tenable. Ce n'est pas avec des mots qu'on crée de l'argent. Quant à le prendre là où il se trouve, qu'il y aille, il n'y a plus d'argent en France. Naturellement, le mélenchoniste de base va rétorquer qu'il en reste chez Total. Allez-y, les bénéfices de Total ne sont pas issus des activités de Total en France, mais comme l'électeur de Mélenchon ne comprend rien aux mécanismes de base de l'économie et de la fiscalité, c'est peine perdue. Total est l'arbre qui cache la forêt. Mais sachez qu'il ne reste aujourd'hui en France, grâce aux conséquences d'un impôt aussi absurde que l'ISF, que 400 entreprises de plus de 250 salariés. Ça devrait vous faire réfléchir. Et ne me dites pas non plus que les entreprises du secteur de l'énergie s'en sortent bien. Je n'ai pas de chiffres pour EDF, mais je puis vous dire que les crédits de recherche de GDF-Suez ont été rognés la semaine passée de 40% pour tous les programmes jugés non prioritaires, c'est-à-dire tous les programmes de recherche sauf un.

Et lorsque l'on parle d'économie, on parle de la Chine. C'est intéressant et dommage. La Chine n'est pas un problème à long terme. Elle est peut-être un problème aujourd'hui, mais la Chine est une puissance sur le déclin à cause de sa politique de l'enfant unique et des génocides de fillettes. La Chine va avoir un problème démographique très important dans les années à venir qu'il lui faudra gérer et à ce moment-là, elle ne sera plus en mesure de venir vous noyer sous des produits pas cher. Non, le Brésil est un problème. L'Inde, l'Argentine en sont. À plus long terme l'Afrique. Mais la Chine, certainement pas. Parler du problème chinois permet juste d'occuper le champ en évitant de parler des vrais problèmes.

Et cela évite de parler des problèmes structurels français. Pensez simplement à l'ISF. Une belle réussite française que toute l'Europe nous envie puique la France est le dernier pays européen à avoir un impôt sur le patrimoine. Un si belle réussite qu'on parle sans cesse de l'abroger et que personne ne veut le faire parce que c'est un symbole et que les électeurs ne comprendraient pas. Il faut donc vous expliquer ce qu'est l'ISF. L'ISF, c'est un impôt dont l'assiette est le patrimoine. Pas les revenus, le patrimoine. J'insiste là-dessus parce que je me suis aperçu que pour l'immense majorité des gens, l'ISF est un super-impôt sur le revenu. Et le patrimoine en question est à la fois mobilier et immobilier, ce n'est pas forcément de l'argent mobilisable. C'est assez amusant et ça permet à des gens qui ne sont pas imposables sur le revenu de devoir s'acquitter de l'ISF parce qu'ils sont propriétaires d'un bout de terrain devenu constructible dans un coin recherché ou d'un appartement de famille à Paris. C'est pour ces gens que le bouclier fiscal a été instauré lorsque le gouvernement s'est aperçu que des allocataires du RMI étaient redevables de l'ISF (dans les Charentes et en Savoie où se sont créées des associations de défense).

Lorsque ces contribuables ont un portefeuille contenant des valeurs mobilières, ils paient. Lorsque ce n'est pas le cas, ils ont deux solutions principales :

  • vendre le bien pour s'acquiter de cet impôt. Mais à qui vendre ? À Paris, les investisseurs sont soit étrangers, soit des émanations de grandes banques qui transforment les appartements de rapport en bureaux. Il y a d'ailleurs des quartiers entiers qui se sont vidés de leurs habitants. La conséquence directe est l'augmentation de la pression sur les autres biens dont les prix s'envolent et la fameuse crise du logement. Il y a en région parisienne une crise du logement non pas parce qu'il y a moins de biens disponibles ou plus de demande, mais parce que ces biens ont tout intérêt d'être transformés en bureaux et l'ISF n'y est vraiment pas étranger. Le mécanisme s'entretient alors de lui-même et des associations pleurent parce que les ménages les moins aisés ne trouvent plus à se loger à des prix acceptables sauf à aller en très lointaine banlieue ;
  • emprunter pour investir dans des PME au titre de la défiscalisation en gageant ses valeurs immobilières. Au bout de cinq ans, le contribuable vend alors ses parts de capital au plus offrant. Généralement, si l'entreprise est prometteuse, il s'agit d'un fond d'investissement étranger. Résultat des courses, toutes les entreprises françaises intéressantes sont vendues par morceaux à des fonds étrangers puis ferment ou sont délocalisées dans l'indifférence générale. C'est pour cela qu'il n'y a plus de PME moyennes dans notre beau pays. Et les gouvernements successifs se demandent encore pourquoi.

Mais pas un seul candidat ne parle de stabiliser la fiscalité française (quatre lois fiscales par ans sur les dernières années) pour éviter que le capital ne parte à l'étranger alors que la dernière étude de Bercy montre bien que si l'argent part à l'étranger (je parle des pays proches, pas des paradis fiscaux à l'autre bout du monde), ce n'est pas pour une histoire de fiscalité, mais en raison d'une absence de visibilité à long terme de la fiscalité française. Pas un seul ne parle de supprimer l'ISF qui est contre-productif pour le remplacer par une tranche supérieure d'impôt sur le revenu quitte à la mettre à 60, 70 ou 80%. Il ne faut pas toucher au symbole même si ce symbole est nocif et qu'il aboutit à une foultitude de niches fiscales en tous genres.

Et lorsqu'on a en face de nous un candidat qui prend la mesure de la volatilité du capital qui est un autre mal de l'économie, il ne propose que de taxer les transactions financières. C'est ridicule, le mal n'est pas la transaction mais la volatilité du capital. Il faut un système de taxation dégressive de la plus-value. La plus-value sur un titre gardé moins de vingt-quatre heures devrait être taxée à 95% alors que la plus-value d'un titre gardé dans un portefeuille plus de cinq ans ne devrait plus être taxée.

Certains jours, nous avons presque de la chance et un candidat propose de séparer les banques d'investissement des banques de détail, mais comme ce sont actuellement ces mêmes banques qui financent les dépenses de fonctionnement de l'état, on ne l'entend ni très fortement ni très longtemps. Pourtant, cela fait trente ans que l'économie française est sous financée. Lorsque ces banques seront séparées en deux, vous verrez qu'elles trouveront intérêt à financer l'économie réelle à 3 ou 4% l'an plutôt que de faire la culbute sur des titres hasardeux en jouant avec les marchés boursiers.

Mais de quoi parle-t-on aujourd'hui ? Du problème des jeunes pour passer le permis de conduire. C'est sûr, en subventionnant le permis de conduire nous allons régler tous les problèmes du pays. Mais là encore, il s'agit d'une mesure parfaitement égoïste qui bénéficiera à l'électeur sans que jamais il n'en paie le prix. Restons un peu sérieux !

 

4 commentaires

Commentaire de: NAIF
NAIF

Il faudrait aussi dire l’absurdité des concepts creux de “justice sociale” ou de “redistribution", souligner combien le salarié est taxé sans s’en rendre compte (les cotisations patronales n’étant au fond qu’une partie de son revenu).

Je ne vous suis pas sur une tranche d’imposition spéciale pour les très hauts revenus en raison de deux effets: l’importance de la richesse transmise par rapport à la richesse créée, entrave à la création de richesse en rognant les moyens de ceux qui savent faire pour les donner à des bureaucrates.

09.04.12 @ 17:51
Commentaire de: Le Grincheux

La richesse transmise, c’est de l’ordre de l’imposition sur les successions et non de l’imposition sur le patrimoine. D’un autre côté, la richesse transmise a été créée un jour et fiscalisée comme revenu.

Quant à la taxation des salaires, annoncez le chiffre. Un employeur paie 75% de charges sur le salaire médian français.

09.04.12 @ 18:25
Commentaire de: Bertrand
Bertrand

L’ISF est un impôt idéologique et, en France, l’idéologie fonctionne autrement mieux que l’économie, surtout en temps de crise. Un exemple : mon beau-père est propriétaire d’une bastide avec d’anciens terrains agricoles, héritée dans les années 60 à une époque où ça ne valait pas grand-chose. Sauf que c’est sur la Côté d’Azur, qui plus est aux portes de Sophia-Antipolis. Les années où l’immobilier est en furie, il est nettement au-dessus du seuil de l’ISF. Les années moroses, il repasse au-dessous. Donc, petit fonctionnaire retraité, le voilà riche selon l’air du temps, sauf que c’est une richesse virtuelle puisqu’il ne veut pas vendre et pour cause : il habite dedans.

Autre exemple : ancien agent immobilier, le maire de mon bled est déclaré comme agriculteur auprès de la MSA puisqu’il produit chaque année quelques litres d’huile d’olive. Je ne comprenais pas à quoi il jouait jusqu’au jour où j’ai appris que les terrains agricoles ne sont pas assujettis à l’ISF. Au prix du m² dans le coin, c’est malin.

Lisez le bouquin de Landais-Piketty-Saez, c’est intéressant même s’il y a des raccourcis un peu courts ici et là. Il y est assez largement démontré que la fiscalité française est régressive et non progressive.

Les politiques ont une vue à long terme qui ne dépasse pas l’horizon de la prochaine élection. Le problème, c’est que la financiarisation de l’économie commence à donner aux chefs des grandes entreprises une vue encore plus courte. L’électeur est idiot, mais l’actionnaire devient carrément dangereux.

10.04.12 @ 10:39
Commentaire de: Atg
Atg

Idéologique, certainement. Mais comment traiter l’injustice qui la nourrit ?

Je suis issu d’une famille côtoyant plutôt l’insolvabilité chronique. Partie de rien et arrivée à pas grand-chose. Pourtant, j’ai vu mes vieux se tuer au travail. Des ouvriers qualifiés, compétents, payés peu et dans un climat d’insécurité permanente. La peur du lendemain comme toile de fond.

Même le plus petit fonctionnaire ne connaît pas ça. Quoi qu’il arrive, le lendemain il est assuré de manger et de pouvoir donner le minimum vital à ses enfants. C’est pour ça qu’on l’appelle souvent “le planqué de la crise".

Je n’ai donc hérité de rien. Je dois m’estimer heureux car beaucoup héritent de dettes. Mais quelle galère tout de même. Mon seul avantage : avoir une valeur marchande car professionnellement soi-disant “très qualifié". Mais au fond, la peur ne m’a jamais quitté. Je peux vraiment me retrouver au fond du jour au lendemain. Une maladie suffit par exemple. Une emmerde quelconque et je plonge.

A côté de ça, professionnellement (et quand j’étais étudiant c’est la même chose), je vois des gens qui ont bénéficié d’un sacré héritage. Aucun problème de logement : ils ont hérité d’une baraque. C’est incroyable ce que ça aide pour constituer un compte en banque, de ne pas se faire essorer par un proprio. Et dans le pire des cas, tu vends ta possession.

Tu évoques ton beau-père. Dans le cas le plus extrême, il vend et il va s’installer ailleurs. Je te garantis que pas mal de millions de gens envient cette situation. Eux, dans les cas extrêmes, ils n’ont rien.

L’injustice ou la jalousie, c’est lorsque tu constates que la personne est une brèle, ne vaut pas grand-chose et a tout hérité de sa famille. J’en connais. Ils ont un salaire de smicards, mais ont résidences à foison, bateaux, voiture luxueuse, bref le grand jeu. Eux seuls, ils ne valent rien. C’est ce différentiel qui est insupportable. Ce principe toujours renouvelé de “l’argent qui appelle l’argent".

Souvent, comme si l’injustice sociale ne suffisait pas, l’arrogance se mêle à l’héritage. L’un passe hautain ses vacances dans sa résidence héritée de l’arrière grande tante dans le Luberon, c’est tellement chic voyez-vous, l’autre a hérité d’une petite “fermette” qu’amoureusement il retape. En fait, sur leur propre valeur marchande, les vacances, ils les passeraient dans un camping.

D’un autre côté, il est tout à fait évident qu’on n’a pas fait des misères à son prochain en héritant de quoi que ce soit. On y est pour rien, c’est le hasard.

De là à nous lamenter sur l’Isf et le smicard qui habite un château, le pauvre, qu’il devrait éventuellement penser à revendre car il n’a pas les moyens de l’entretenir…

Je vois des personnes qui ne savent pas trop comment ils vont survivre, des gens qui n’ont pas d’argent pour simplement remplacer leurs dents de devant cassées, des femmes qui vont habiller leur môme chez les Emmaus et qui pourtant travaillent très dur.

Je ne sens donc pas encore trop le coup pour que l’Isf perde, du jour au lendemain, son côté bassement idéologique (voire son inefficacité économique). Comme me disait un copain black : “Voler un blanc, même pauvre, c’est encore voler un riche". C’est un peu cette idée qu’il y a dans l’Isf.


10.04.12 @ 23:44


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