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Faites sauter la banque !

24.01.15 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les financiers, Monde de merde, Je hais les politiciens

Ça y est, c'est fait. La banque centrale européenne vient d'annoncer hier son premier quantitative easing, en bon français, son premier assouplissement quantitatif. L'euro est donc officiellement mort ce jeudi 22 janvier 2015. Je vais vous expliquer pourquoi.

Qu'en termes galants ces choses sont dites. En effet, un assouplissement quantitatif est un euphémisme par litote. Il s'agit tout simplement de faire tourner la planche à billets pour fabriquer de la monnaie de singe. Et la BCE va en imprimer pour quelques onze cents milliards d'euros en dix-huit mois. Rien que cela.

Pour fixer les idées, posons un petit calcul. La zone euro est actuellement constituée de dix-neuf pays qui comptent trois cent trente-quatre millions d'habitants. Logiquement, la France devrait récupérer deux cent dix-sept millions d'euros de masse monétaire supplémentaire sur la même période, à peu près 10% de sa dette publique. Les esprits simples et les électeurs du front de gauche diront que c'est très bien, que cela permet de se désendetter. Sauf que ce n'est pas réellement prévu comme cela. Le diable est vraiment dans les détails.

Un petit schéma valant souvent mieux qu'on long discours, voici les cours de deux monnaies étrangères vis à vis de l'euro.

Faites sauter la banque !

Fig. 1 : lente agonie vis à vis du dollar US

La chute de l'euro face au dollar semble lente, mais c'est une illusion d'optique. En effet, le dollar US est en petite forme et se déprécie lui aussi. Tout au plus se déprécie-t-il moins vite que l'euro. En revanche, le cas du franc suisse est assez éloquent :

Faites sauter la banque !

Fig. 2 : décrochage de l'euro, dévissage vis à vis du franc suisse

Le décrochage du franc suisse a été immédiat, dès l'annonce par la banque centrale de la confédération de ne plus suivre un taux de 1,2 CHF pour 1 €. On peut dire ce que l'on veut des helvètes, on peut gausser sur leur drapeau qui ressemble à deux sens interdits, mais on ne peut pas nier leur pragmatisme financier. Le banquier central suisse est très loin d'être un imbécile et savait qu'en lâchant l'euro, le franc suisse allait bondir. Il ne pouvait donc pas ignorer que les exportations suisses qui constituent tout de même une bonne part des revenus suisses allaient en pâtir et que cela risque aussi de mettre à mal les 3,5% de chômeurs de la confédération. Pourtant, il l'a fait.

Je suis prêt à faire le pari que cette décision a été mûrement réfléchie et n'a été appliquée que devant les rumeurs insistantes de QE de la part de la BCE, le banquier suisse préférant à un marasme économique en Suisse une période de difficultés qu'il juge temporaires.

Pourtant, quasiment tous les commentateurs, les marchés et les investisseurs saluent cette opération. À titre personnel, cependant, j'ai plutôt à cette occasion l'immense regret de vous faire part du décès de la monnaie unique appelée « euro ». Je ne suis ni heureux ni triste. L'euro était une bonne idée, mais on ne conçoit pas une monnaie unique sans avoir a minima un gouvernement économique commun. La question est maintenant de savoir s'il faut à tout prix continuer cette aventure désastreuse.

Regardons maintenant les conséquences probables de cet assouplissement quantitatif annoncé par Mario Draghi. Le mécanisme est assez subtil pour tenter de le décortiquer. Dès l'annonce de cette opération, les opérateurs de marché ont réagi positivement et le CAC40 s'est apprécié de 1% en quelques minutes. Mais, dès que Mario Draghi a précisé que les banques centrales nationales porteront 80% des risques liés aux rachats contre 20% pour la banque centrale européenne, les mêmes opérateurs ont immédiatement prix leurs bénéfices. Pas folles, les guêpes !

En d'autres termes, chaque banque nationale va racheter ses propres obligations d'état, la banque centrale européenne ne portant que 20% du risque, soit deux cent vingt milliards d'euros sur les once cents milliards qui devraient être injectés. Toutes les banques nationales viennent donc d'obtenir le droit de battre monnaie quasiment à discrétion pour monétiser leurs dettes d'état, ce qui semble tout de même assez paradoxal lorsqu'on se targue d'avoir une monnaie unique.

Ce que vient donc de faire Mario Draghi est de reconnaître implicitement que l'euro est mort. Parce que la conséquence de cette monétisation est la suivante : l'Italie va battre monnaie comme du temps de la lire, même chose pour l'Espagne ou la Grèce. L'Allemagne quant à elle n'imprimera pas un seul billet puisqu'elle se permet même le luxe d'avoir un budget excédentaire. Quant à la France, je vous file mon billet que nous amis du gouvernement vont monétiser à tout va en nous expliquant comment dépenser cette cagnotte providentielle.

Sauf que ces billets vont être imprimés et mis en circulation. Les banques centrales vont les inscrire à leurs bilans et il risque fort de se passer quelque chose. C'est justement ce quelque chose qui a poussé la Suisse à ne plus défendre sa monnaie puisque la Suisse à elle seule ne peut pas défendre l'euro. Y a-t-elle seulement intérêt ? Si la Suisse continue à acheter des euros, que fera-t-elle lorsqu'elle ne sera plus en possession que de monnaie de singe ? Continuer à défendre l'euro est même dangereux pour elle puisque du jour au lendemain, l'euro pourrait bien ne plus rien valoir du tout.

La décision de jeudi dernier enterre simplement le concept d'union monétaire puisqu'il est impossible de parler d'union monétaire lorsque toutes les banques nationales peuvent monétiser comme elles le veulent. Aujourd'hui, toutes ces banques vont imprimer des euros, mais ce n'est pas une solution viable à terme. Certaines banques vont en imprimer plus que d'autres mais la valeur globale de l'euro sera fixée par la masse monétaire libellée en euros. Lorsque le déséquilibre sera trop grand, l'euro implosera de lui-même, naturellement.

La catastrophe est déjà écrite, rien ou presque ne pourra l'arrêter. C'est cela que la décision de la Banque centrale suisse a voulu dire. La taille de l'assouplissement n'est pas le sujet.

 

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