Hadopi

02.08.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais l'informatique, Haines ordinaires

Grâce à la France et à son grand machin appelé HADOPI, l'industrie du disque est sauvée. Éric Walter, un proche de notre bien aimé président Nicolas Sarkozy et ex-conseiller aux NTIC (nouvelles technologies de l'information et des communications [ndlr]), vient d'être nommé secrétaire-général de la HADOPI. Pirates de tout poil, tremblez, vos jours sont comptés !

Et tremblez d'autant plus que cet individu est un spécialiste des NTIC. En tant qu'ex-conseiller — on comprend aisément pourquoi —, il a pu déclarer aux journalistes de la Dépêche du Midi (sic les fautes de français, conformément à son maître, il semble ne pas connaître la structure grammaticale d'une négation) :

Il y a déjà des moyens de sécurisation qui existent : pour les enfants, les parents, pour la famille seule, la PME, la grosse entreprise, l'utilisateur incompétent, celui qui s'y connaît. Le plus connu, c'est la clé Wep. Une clé virtuelle qui permet à l'émission Wi-Fi d'être accessible que par l'utilisation d'un code.

Après les discours totalement hors de propos (perte d'emploi, diversité culturelle…) et nauséabonds des actionnaires des majors de l'industrie du disque et des soi-disant artistes, après la scandaleuse récupération des dix mille artistes qui soutiendraient cette loi, après le pare-feu OpenOffice, après le vote qui s'est déroulé de façon scandaleuse à l'assemblée nationale, je pensais qu'on avait déjà tout entendu et atteint le fond. Force est de constater que non.

La question n'est pas de savoir si le piratage est bon ou mauvais et je me garderais de lancer le débat, mais de se demander où l'on arrive à trouver des individus spécialistes d'un domaine qui leur est parfaitement étranger. J'espère au moins qu'ils sont bien payés !

 

Le mari, la femme et l'amant

02.08.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit, Je hais les tradis, Haines ordinaires

Que serait la littérature sans le trio formé depuis des siècles par le mari, la femme et l'amant ? Sans lui, les plus grandes œuvres de la littérature française n'auraient pu voir le jour. Que deviendraient la Princesse de Clèves ou Madame Bovary si par un trait de plume, pour des raisons de moralité, on caviardait l'amant ?

Je me faisais cette réflexion à la suite d'une discussion avec des gens quelque peu bornés qui partaient du principe que ces œuvres, pleines de meurtres, de débauche, d'adultère et de sexe, ne faisaient que pervertir la jeunesse. Comme par ailleurs et aux dires de notre cher président, lire la Princesse de Clèves ne sert à rien, la littérature française a du souci à se faire.

La litterature n'est pas qu'un outil permettant de se forger péniblement son propre style à la fin de longues lectures aussi passionnantes pour un collégien que le Cid, 1984 ou les Faux monnayeurs. Elle permet un cheminement de pensée, une ouverture au monde. Enfin, pour les Faux monnayeurs, il me reste quelques doutes, puisque le seul extrait qui me reste est l'alexandrin :

Quiconque à quarante ans n'a pas d'hémorroïdes

qui n'est suivi d'absolument rien. On ne peut pas vraiment dire que Gide s'est foulé un neurone…

L'époque d'écriture du Cid n'a rien à voir avec notre époque contemporaire, mais lorsqu'on réduit cette pièce à sa plus simple expression — qu'il est joli garçon l'assassin de papa —, sa portée devient universelle.

Et encore, je ne parle que des œuvres originelles. Lorsqu'on attaque les parodies, souvent plus vraies que les originelles, ça se corse singulièrement. Je ne sais pas si vous vous souvenez de vos classiques. Je pose la question car je suis convaincu qu'un classique de la littérature est quelque chose que tout le monde aimerait avoir lu et que personne n'a vraiment ouvert. Personnellement, je les ai étudiés et j'en garde encore quelques souvenirs. Je ne comprends pas vraiment pourquoi s'embêter à lire Phèdre de Racine alors que le résumé qu'en a fait André Isaac, plus connu sous le nom de Pierre Dac, est parfaitement conforme à la version de Racine. Jugez vous-même :

PHÈDRE

parodie que Pierre DAC a créée en novembre 1935
avec Fernand Rauzéna et O'dett,
au Liberty 's, un cabaret-dancing de Paris

PERSONNAGES

PHÈDRE, SINUSITE (1ère servante de Phèdre), PET-DE-NONNE (2e servante), HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE, LE CHOEUR ANTIQUE

LE CHOEUR ANTIQUE (gueulant)

Ô puissant Dieu des Grecs, je viens sous votre loi
Faire entendre en ces lieux ma douce et faible voix.
De Phèdre et d'Hippolyte au lourd passé de gloire
Je veux ressusciter la tragique mémoire.
Phèdre aimait son beau-fils, Hippolyte au cœur pur,
Qui lui ne voulait pas de cet amour impur.
Ce que vous entendrez ici n'est pas un mythe
Mais le récit vécu de Phèdre et d'Hippolyte.

(Le Choeur antique sort et Hippolyte et Théramène paraissent.)

THÉRAMÈNE

Tu me parais bien pâle et triste à regarder
Qu'as-tu donc Hippolyte ?

HIPPOLYTE

Je suis bien emmerdé !

THÉRAMÈNE

C'est un sous-entendu mais je crois le comprendre.
Va, dis-moi ton chagrin, je suis prêt à l'entendre.

HIPPOLYTE

Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
Car Phèdre me poursuit de ses amours malsaines.

THÉRAMÈNE

Et Aricie alors ?

HIPPOLYTE

Ah ! Ne m'en parle pas !
Quand j'évoque la nuit ses innocents appas
J'ai des perturbations dedans la tubulure
Car cette Aricie-là je l'ai dans la fressure,
Elle est partout en moi, j'en ai le cerveau las,
J'ai l'Aricie ici et j'ai l'Aricie là !

THÉRAMÈNE

Elle a pris je le vois et tes sens et ta tête.

HIPPOLYTE

Ah ! je veux oublier le lieu de sa retraite !

THÉRAMÈNE

La retraite de qui ?

HIPPOLYTE

La retrait' d'Aricie
Qu'elle sorte de moi ! Aricie la sortie !

(On entend une trompette jouer : As-tu connu la putain de Nancy ... )

THÉRAMÈNE

Mais qui vois-je avancer en sa grâce hautaine ?
N'est-ce pas de l'amour la plus pure vision ?
C'est l'ardente sirène, la sirène des reines,
C'est Phèdre au sein gonflé des plus folles passions !

PHÈDRE (entrant avec ses servantes)

Oui, c'est moi, me voici. Tiens, c'est toi Théramène?
Que viens-tu faire ici ?

THÉRAMÈNE

Je venais, souveraine
Vous redire à nouveau mon récit tant vécu.

PHÈDRE

Ton récit je l'connais, tu peux te l'foutre au cul !
À l'écouter encor' j'en aurais du malaise
Il y a trop longtemps que Théramèn' ta fraise !

(Théramène, ulcéré, s'incline et sort. Phèdre voit Hippolyte.)

PHÈDRE

Hippolyte ! Ah ! Grands dieux je ne peux plus parler
Et je sens tout mon corps se transir et brûler !

HIPPOLYTE

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô détestable race !

PHÈDRE

Par Jupiter je crois qu'il me trait' de pétasse !

SINUSITE

Laissez-le donc maîtresse, il ne veut point de vous !

PHÈDRE

Et moi j'en veux que j'dis, et j'l'aurai jusqu'au bout !

(À Hippolyte)

N'as-tu donc rien compris de mes tendres desseins ?
T'as-t-y tâté mes cuiss's, t'as-t-y tâté mes seins ?
Ne sens-tu pas les feux dont ma chair est troublée ?

HIPPOLYTE

C'est Vénus tout entière à sa proie attachée !

PHÈDRE

Oui, pour te posséder je me sens prête à tout !
Que veux-tu que j'te fasse ? je suis à tes genoux.
Que n'ai-je su plus tôt que tu étais sans flamme.

HIPPOLYTE

Certes il eût mieux valu que vous l'sussiez, madame…

PHÈDRE

Mais je n'demande que ça !

HIPPOLYTE

De grâc' relevez-vous.

PHÈDRE

Voyons tu n'y pens's pas, je n'peux pas fair' ça d'bout !

HIPPOLYTE

N'insistez pas, madam', rien ne peux m'ébranler.

PHÈDRE

Si t'aim's pas ça non plus, j'ai plus qu'à m'débiner !

HIPPOLYTE

C'est ça, partez, madame, allez vers qui vous aime.

PHÈDRE

Par les breloqu's d'Hercule, je resterai quand même !
Ah ! Que ne suis-je assise à l'ombre des palmiers…

HIPPOLYTE

Et pourquoi donc, madame ?

PHÈDRE

Parc'que là tu verrais
Ce dont je suis capable et ce que je sais faire.
Je connais de l'amour quatre cent vingt-huit manières !

HIPPOLYTE

C'est beaucoup trop pour moi, madame, voyez-vous.

PHÈDRE

Dis, t'es pas un peu dingu' ? Ça s'fait pas d'un seul coup !
Oui je sais distiller les plus rares ivresses.
C'est y vrai, Sinusite et Pet-d'Nonne ?

LES SERVANTES (un peu gênées)

Oui c'est vrai, cher' maîtresse.

HIPPOLYTE

Je ne serais pour vous d'aucune utilité
Je ne suis que faiblesse et que fragilité.

PHÈDRE

On n'te demande rien ! je f'rai le nécessaire,
T'as pas à t'fatiguer, t'auras qu'à t'laisser faire.

HIPPOLYTE

Le marbre auprès de moi est brûlant comme un feu…

PHÈDRE

J'suis pas feignant' sous l'homme et j'travaill'rai pour deux !

HIPPOLYTE

Vos propos licencieux qui blessent les dieux même
Point ne les veux entendre, c'est Aricie que j'aime.

PHÈDRE

Mais de quels vains espoirs t'es-tu donc abusé ?
Aricie est pucelle et n'a jamais…

HIPPOLYTE

Je sais !
Mais c'est cela surtout qui me la rend aimable.

PHÈDRE

Oui mais pour c'qu'est d'la chose elle doit être minable !
Allons, va, n'y pens's plus et sois mon p'tit amant
Tu connaîtras par moi tous les enchantements !

HIPPOLYTE

De grâce apaisez-vous, je me sens mal à l'aise.

PHÉDRE

Viens, pour te ranimer j'te frai Péloponèse !

HIPPOLYTE

Qu'est-ce encor que cela ?

PHÈDRE

C'est un truc épatant !
Ça s'fait les pieds au mur et l'nez dans du vin blanc !

HIPPOLYTE

De tant de perversion tout mon être s'affole.

PHÈDRE

Ben qu'est c'que tu dirais si j'te f'sais l'Acropole.

HIPPOLYTE

Quelle horreur !

PHÈDRE

Comm' tu dis! Mais c'est bougrement bon…
Ça s'fait en descendant les march's du Parthénon !

HIPPOLYTE

Prenez garde, madame, et craignez mon courroux !

PHÈDRE

C'est ça, vas-y Polyte, bats-moi, fous-moi des coups !

HIPPOLYTE

Vous frapper ? Moi, jamais, mon honneur est sans tache.

PHÈDRE

Mais y'a pas d'déshonneur, moi j'aim' ça l'amour vache.
Viens, tu s'ras mon p'tit homme et j'te donnerai des sous.

HIPPOLYTE

Ah ! Que ne suis-je assis à l'ombre des bambous.
Je ne veux rien de vous, mon coeur reste de roche !

PHÈDRE (câline)

Qu'est c'que tu dirais d'un p'tit cadran solaire de poche ?
J'te frai fair' sur mesure un' joli' peau d'mouton
Et pour les jours fériés des cothurn's à boutons…

HIPPOLYTE

Croyez-vous donc m'avoir en m'offrant des chaussures ?
C'est croire que mon cœur du vôtre a la pointure !

PHÈDRE

En parlant de pointure, si j'en juge à ton nez
Ell' doit être un peu là si c'est proportionné !

HIPPOLYTE

Vous devriez rougir de vos propos infâmes
Vous me faites horreur, ô méprisable femme !

PHÈDRE

À la fin c'en est trop ! Mais n'as-tu donc rien là ?

HIPPOLYTE

Madame je n'ai point de sentiments si bas.

PHÈDRE

Les feux qui me dévor'nt ne sont pas éphémères,
Hippolyt' je voudrais que tu me rendiss's mère.

HIPPOLYTE

Ciel ! Qu'est-ce que j'entends ? Madame oubliez-vous
Que Thésée est mon père et qu'il est votre époux ?

PHÈDRE

C'qui fait que j'suis ta mer', c'est pour ça qu'tu t'tortilles ?
Ben comm' ça tout s'passera honnêtement en famille.

HIPPOLYTE

Mais si de cet impur et vil accouplement
Il nous venait un fils, que serait cet enfant ?

PHÈDRE

Puisque je s'rais ta femme en mêm' temps que ta mère
L'enfant serait ton fils en mêm' temps que ton frère.

HIPPOLYTE

Et si c'était un' fill' qu'engendrait votre sein ?

PHÈDRE

Ta fill'serait ta sœur et ton frèr' mon cousin !

HIPPOLYTE

Ah ! Que ne suis-je assis à l'ombre des pelouses…

PHÈDRE

Tu parl's ! Avec c'mond'là, qu'est-c'qu'on f'rait comm' partouzes !

HIPPOLYTE

Assez, je pars, adieu !

PHÈDRE

Ah ! Funèbres alarmes
Voilà donc tout l'effet que t'inspirent mes charmes ?
J'attirerai sur toi la colère des dieux
Afin qu'ils te la coupent !

HIPPOLYTE

Quoi, la tête ?

PHÈDRE

Non, bien mieux !

HIPPOLYTE

Vous êtes bien la fille de Pasiphaé !

PHÈDRE

Et toi va par les Grecs t'faire empasiphaer !
Sinusite et Pet-de-Nonne venez sacré's bougresses
Calmez mon désespoir, soutenez ma faiblesse.

PET-DE-NONNE

Elle respire à peine, elle va s'étouffer.

PHÈDRE

Ben, c'est pas étonnant, j'ai c't'Hippolyt' dans l'nez !
Je veux dans le trépas noyer tant d'infamie
Qu'on me donn' du poison pour abréger ma vie !

SINUSITE

Duquel que vous voulez, d'l'ordinaire ou du bon ?

PHÈDRE

Du gros voyons, du roug', celui qui fait des ronds.
Qu'est c'que vous avez donc à m'bigler d'vos prunelles ?
Ecartez-vous de moi !

(À Hippolyte)

Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un vœu suprême sans trahir ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.

(Les servantes apportent deux bols.)

À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !

(Elle boit)

Oh Dieu que ça me brûl', mais c'est du vitriol !

(Hippolyte boit)

Divinités du Styx, je succombe invaincu
Le désespoir au coeur…

PHÈDRE

Et moi le feu au cul !

 

Nous voyons donc que Phèdre, classique s'il en est, est rempli d'inceste, de suicide et de plein d'autres choses que la morale chrétienne réprouve même si ça reste en famille. Faire lire cette tragédie aux élèves de collège ne peut donc que les pervertir et leur faire toucher du doigt des pensées impures.

Mais cela ne doit pas s'arrêter au collège. Souvenez-vous du Club des Cinq, du Clan des Sept ou des Six Compagnons. Quels univers malsains pour des enfants qui savent à peine lire ! Des filles habillées en garçon, une amitié virile, que des choses innommables qui faut censurer à tout prix.

La littérature est donc l'ennemi. Sachant qu'en donnant le goût de la lecture, on donne le goût de la littérature, il n'y a plus qu'une seule chose à faire : empêcher que les enfants attrapent le goût de la lecture. Fantomette, voilà l'ennemi !

Sus à Fantomette !

 

Post-modernisme

01.08.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit

Je commence à comprendre pourquoi le directeur des programmes de France Inter a mis sur sa grille d'été l'émission « Ça vous dérange » en semaine à 12h00. Il s'agit d'une émission comique qui remplace avantageusement la seconde partie du « Fou du roi ».

Le 20 juillet 2010, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre vers 12h40 que

le présentéisme est la marque de la post-modernité.

Après vérification, je puis affirmer sans aucune erreur que je n'avais pas réglé mon poste sur France Culture. Il n'y a donc plus qu'une chose à faire, ramasser les copies dans quatre heures.

Le présentéisme est la marque de la post-modernité. C'est tellement abscons qu'on pourrait croire sans peine cette sentence sans appel issue tout droit de l'Intelligibilité de l'histoire, le second tome de la Critique de la raison dialectique de ce regretté Jean-Paul Sartre. Je dis regretté parce qu'il ma toujours semblé que Jean-Paul Sartre était l'un des plus grands humoristes de son temps. En effet, je n'arrive pas à concevoir que Sartre, premier à l'agrégation de philosophie donc a priori d'une certaine intelligence, ait pu se prendre au sérieux, voire ait réussi à ne pas prendre son lecteur pour un idiot en écrivant puis en réussissant à faire publier ses textes. C'est tout de même lui qui a couché sur le papier dans ce fameux — fumeux ? — chapitre sur l'intelligibilité de l'histoire ceci :

Il faut revenir à cette vérité première du marxisme : ce sont les hommes qui font l'histoire. Et comme c'est l'histoire qui les produit, en tant qu'ils la font, la substance de l'acte humain, si elle existait, serait le non-humain ou à la rigueur le pré-humain, en tant qu'il est la matérialité discrète de chacun.

Il faut reconnaître que c'est au moins aussi puissant — mais plus long, personne n'est parfait — que le cryptique « Et in Arcadia ego » figurant sur le tableau de Nicolas Poussin et ayant fait, et faisant toujours d'ailleurs, couler des fleuves d'encre.

Donc le présentéisme est la marque de la post-modernité.

Que rajouter à cela ? Pourtant, il faudrait déjà définir ce qu'est la modernité, comprendre le concept de modernité sous-jacent puis l'étendre à la post-modernité. Ce n'est pas simple. La post-modernité est-elle la même chose que le post-modernisme ? La post-modernité est-elle la modernité de la modernité ou tout simplement un retour à moins de modernité avec en filigrane l'épineuse question portant sur le sens du progrès ? Parce derrière cette sentence sans appel se cache le problème de savoir ce qu'est le progrès et surtout à quoi il peut bien servir puisqu'à long terme nous sommes tous morts.

Quant au présentéisme, il s'agit certainement d'un concept nébulo-fumeux voisin de l'instantanéisme canal historique et fanatique. Si j'ai bien tout compris — ce dont je doute —, le présentéisme serait quelque chose comme la jouissance de l'instant présent. Ce qui me fait légèrement tiquer, ce sont quelques souvenirs de mes cinq ans de cours de latin (à l'oral s'il vous plaît) chez les bons pères, et qu'entre autres, nous avons étudié par le menu De Rerum Natura de Titus Lucrecius Carus plus connu sous le nom de Lucrèce. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, Lucrèce était un disciple d'Épicure et défendait comme son maître l'idée que le souverain bien est le plaisir défini essentiellement comme « absence de douleur ». Les jours fastes, sa pensée vagabondait jusqu'au carpe diem.

Lucrèce était donc un présentéiste en tant qu'il prônait la jouissance de l'instant présent. Mais peut-on pour autant qualifier sérieusement Lucrèce, vivant au premier siècle avant notre ère, de post-moderne ? À bien relire la phrase initiale enchaînant par une relation d'équivalence la post-modernité et le présentéisme, ce serait pourtant le cas. En effet, si le présentéisme est la marque de la post-modernité, il est évident que la post-modernité peut être déterminée par son présentéisme. Il s'ensuit donc que Lucrèce était un post-moderne qui s'ignorait.

De deux choses l'une, ou Lucrèce était un horrible avant-gardiste, ce qui est fort possible, ou il me faut immédiatement deux aspirines.

 

Roulez au gaz !

31.07.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Haines ordinaires, Je hais les écolos

Les écologistes ont frappé. Les écolos parisiens, les pires, ceux issus du croisement improbable et contre nature entre Contassot et Delanoë. Je ne supporte plus ces types qui, sous couvert d'un amour immodéré pour les petites fleurs, s'amusent à donner des leçons et à pourrir la vie de leurs semblables à grands coups de mesures qui s'avèrent contre-productives écologiquement parlant comme la voiture électrique qui ne fait que déplacer la pollution, les panneaux solaires ou le chauffage au gaz.

Ces gens-là ont frappé jusqu'à la vénérable institution qu'est la RATP.

La ligne 96 du réseau d'omnibus — Gare Montparnasse–Mairie des Lilas les jours où il n'y a pas de manifestation — passe au bas de mes fenêtres de six heures du matin jusqu'à la fin du service, vers minuit et demi. Il y a quelques années, le bon vieux Renault SC10R circulait, certes en émettant un nuage de particules fines, mais avait au moins deux grands avantages. Sa boîte de vitesses était manuelle — six vitesses plus une marche arrière — et son moteur était un bon vieux moteur Diesel rugueux et agricole qui devait être en surrégime à partir de 2000 tours/minute. Le fait d'avoir une boîte de vitesse mécanique rendait pratiquement impossible tout emballement du moteur et le bruit au passage du bus était tout à fait supportable.

Aujourd'hui, la même ligne de bus a été dotée de matériel neuf fonctionnant au gaz naturel car il paraît que c'est écologique. J'aimerais assez qu'on m'explique pourquoi, mais c'est un autre débat. Il s'agit certainement d'un progrès indéniable sauf pour ceux qui habitent sur le trajet de la ligne. Mon mauvais esprit me souffle que la ligne est toujours bondée et que ces bus auraient plus besoin de climatisation durant ces périodes estivales mais passons. Les écologistes qui prennent ces décisions circulent à bicyclette et ne sont absolument pas confronté au problème de la climatisation des transports en commun.

Je ne me suis pas rendu compte immédiatement du changement de matériel roulant ni du bruit résultant de cette nouveauté car mes fenêtres sont munies de double vitrage dit phonique, mais depuis quelques semaines, les températures atteintes font qu'il est impossible de dormir les fenêtres fermées. Ce nouveau matériel est une calamité pour les oreilles. Le moteur, situé à l'arrière et non plus sous le conducteur, position qui atténuait naturellement son bruit, est muni d'un compresseur qui fait un véritable bruit de turbine d'Écureuil — remplacez Écureuil par votre marque d'hélicoptère préférée — et la boîte de vitesses est une boîte automatique, peut-être robotisée, mais avec un ignoble convertisseur de couple toujours en glissement et qui fait un bruit digne d'un Boeing 747 catarrheux au décollage. Tous ces nouveaux bus, sans exception, circulent dans une débauche de décibels. Qui plus est, l'électronique embarquée n'est pas déparasité et même fenêtres fermées, il suffit de regarder la télévision pour se rendre compte qu'un bus est arrêté au feu : en analogique l'image se brouille, en numérique, la transmission se perd totalement…

Je ne sais plus où j'ai bien pu lire que le bruit était aussi une pollution. Les écolos parisiens ont dû sauter des pages dans leur petit livre vert.

 

Les frères Galoche

30.07.10 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Matheux pervers, Haines ordinaires

Ce n'est plus possible. Ces derniers jours, dès que j'allume la radio, je tombe sur les Laurel et Hardy de la science, les frères Igor et Grichka Bogdanov. Je n'ai jamais entendu de discours plus creux sous couvert de vulgarisation. Ces inséparables siamois représentent une énigme scientifique à plus d'un titre. Avant de l'avoir percée, il est ridicule d'essayer de connaître ce qui a bien pu se passer de l'autre côté du mur de Planck ou de déterminer avec précision la valeur de la constante cosmologique.

Ce matin encore, ils étaient dans l'émission de Guillaume Erner, l'Été en pente douce durant laquelle l'animateur s'est subtilement mais ouvertement moqué d'eux sans qu'ils ne le relèvent. Je ne peux plus les entendre. Je ne peux plus supporter leur logorrhée destinée à impressionner l'auditoire en le noyant sous des monceaux de concepts approximatifs — qu'ils ne maîtrisent même pas — et quelques explications fumeuses. J'ai énormément d'estime pour les physiciens qui prennent la peine de faire de la vulgarisation parce que c'est une activité ingrate et très ardue. Parler de physique nucléaire ou d'astrophysique à des foules qui n'y comprennent rien — non qu'elles soient bêtes mais parce qu'elles ne peuvent pas tout connaître — est un sacerdoce difficile. Le but de ces deux scientifiques de pacotille est au contraire d'impressionner le chaland et, en tant que comédiens médiocres, ils sont parfaits. En revanche, en tant que scientifiques, ce sont deux imposteurs qui n'hésitent pas, pour faire de l'audience, à mélanger allègrement la physique et la métaphysique.

Je les ai quand même entendus dire durant cette émission qu'ils étaient d'accord avec Albert Einstein — rien que ça et heureusement encore — lorsqu'il disait que « Dieu ne joue pas aux dés » et que quelqu'un ou quelque chose a réglé les constantes fondamentales de l'univers pour que nous existions. C'est déjà un superbe contresens sur l'aphorisme d'Einstein car il ne faut pas perdre de vue qu'Einstein avait baigné dans une culture juive. Cette culture, je ne parle pas de croyance, lui imposait un univers statique et, pour cette raison et pour aucune autre, Einstein a ajouté dans ses équations une constante, appelée depuis constante cosmologique pour qu'elles soient cohérentes avec sa conception de l'univers. Lui-même déclarait avoir des doutes sur cette constante réglant la géométrie de l'univers et, s'il l'avait fixée arbitrairement à 1, ce n'était que parce qu'il ne pouvait concevoir qu'un univers plat, une géométrie parabolique.

Les jumeaux tirent aussi sans vergogne un trait sur le principe anthropique de l'univers. Comment peut-on dire que l'univers ne peut exister que parce que ses constances fondamentales ont été réglées finement par un principe supérieur ? Si ces constantes avaient été autres, nous ne serions pas là pour en discuter !

Oublions aussi le discours sur les anisotropies du rayonnement fossile de l'univers, il y aurait trop à dire.

J'ai une solide culture scientifique oscillant entre les mathématiques amusantes et la physique expérimentale. Je ne m'estime pas être compétent en astrophysique mais j'ai quelques connaissances et je suis capable de lire un article scientifique de niveau correct. J'ai aussi appris qu'une équation modélisant un système physique n'est qu'une équation et qu'elle n'est valable que localement. En d'autres termes, tout modèle possède un domaine de validité et l'utilisation de ce modèle en dehors de son domaine donne des résultats au mieux approximatifs au pire totalement aberrants. Aussi, prétendre comme ces deux individus approcher l'instant zéro en extrapolant des modèles valables après l'instant de Planck est une pure hérésie.

Prenons un exemple pour fixer les idées. En électromagnétisme, la force exercée par une particule sur une autre est en 1/r2r est la distance entre ces deux particules. Il est évident, même pour un béotien absolu, que cette force ne devient pas infinie lorsque la distance entre les deux particules tend vers zéro. Elle ne devient pas infinie parce que cette force est issue d'une modélisation dont l'une des hypothèses est que les particules sont des points — comprendre des sphères de rayon nul — car calculer la force exercée par une particule sur l'autre avec comme hypothèse que les particules sont des sphères est une gageure : il faudrait connaître la distribution de la charge à l'intérieur de chacune des particules et je ne suis pas volontaire pour me lancer dans le calcul intégral qui s'ensuivra. Cette loi n'est ainsi valable qu'à partir du moment où la distance entre les deux particules est suffisante pour que la force exercée sur l'une par la seconde soit issue d'un champ lointain, en d'autres termes que le rayon des particules soit négligeables devant la distance entre les particules.

Revenons donc à nos deux pseudo-scientifiques rois de l'à-peu-près. Ils ont tout de même la prétention de savoir ce qui s'est passé à l'instant zéro en utilisant les formules valables après l'instant de Planck, c'est-à-dire après 10-43s après le big-bang. Vous me direz à juste titre que 10-43s, ce n'est pas beaucoup et c'est exact. Néanmoins, avant le mur de Planck, nous savons avec certitude que les formules de la relativité générale ne s'appliquent plus. Nous ne savons même pas si le big-bang a vraiment eu lieu puisque nous n'avons aucun moyen de modéliser ce qui s'est passé de l'autre côté du mur de Planck.

Ça ne fait rien. Il faut bien vivre et pour cela vendre des bouquins qui doivent figurer en bonne place dans toute bonne librairie, bouquins qui iront très vite dans la fosse commune des sciences. Si encore ces ouvrages ne faisaient que rire, ce ne serait pas dangereux, mais je suis prêt à parier qu'il y aura ici ou là quelque illuminé qui prendra ces thèses pour argent comptant.

 

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