Je n'ai rien contre la soudure sans plomb. C'est juste une idée intéressante et parfaitement inutile qui a germé dans le cerveau d'un type qui trouvait que trop de gens léchaient les circuits imprimés et risquaient de souffrir du saturnisme.
Je n'utilise pas cette soudure sans plomb car on trouve toujours l'alliage plomb-étain pour la réparation de l'existant. La soudure sans plomb — RoHS pour nos amis anglophones — n'est en effet obligatoire que pour des nouvelles réalisations. Il n'y a donc aucune raison valable de se priver.
J'ai plusieurs raisons de ne pas utiliser cette horreur.
La température de fusion de l'alliage est plus haute. Il faut donc un fer plus puissant qui risque de détériorer les composants fragiles. Lorsque je soude des composants délicats ou difficiles d'accès, cela fait une grande différence.
Mais il y a beaucoup plus amusant. La soudure au plomb est un alliage eutectique. Il fond et se solidifie à température constante comme s'il s'agissait d'un corps pur vis à vis du processus de fusion. La soudure non plombée n'est pas eutectique et forme des microfibres d'étain qui sont sources de pannes soit par soudures sèches soit par défaut électrique lorsque ces fibres sont transportées par le souffle de ventilateurs. Parfois, on trouve ces fibres très loin de leur source. Vous me direz qu'il existe des soudures à l'or, à l'argent. Cela ne n'arrange rien puisque le zinc, l'étain, l'or et l'argent peuvent tous créer des filaments. Seul le plomb permet de s'en tirer.
Mécaniquement, il y aurait aussi beaucoup à dire. La soudure au plomb étant un peu plus molle, elle suit bien plus volontiers les déformations des circuits imprimés.
Donc, la soudure sans plomb est un progrès indéniable et tient toutes ses promesses écologiques. La fiabilité des circuits est plus faible et comme il est très difficile de faire réparer une carte électronique même un jour de semaine dans une grande ville comme Paris, tout ce qui est panne finit invariablement dans une poubelle, recyclée ou non. Je serais d'ailleurs assez curieux de connaître le pourcentage d'augmentation des déchets électroniques résultant de l'adoption de la soudure sans plomb si d'aventure une telle étude existe.
Je ne pense pas être un adversaire vicéral de l'écologie. Je me sens plus opposé aux écologistes qui confondent trop souvent l'écologie avec l'idéologie qu'ils s'en font qu'à l'écologie elle-même. L'écologie devrait, sous peine de n'avoir plus aucun sens, consister à proposer quelque chose de meilleur que l'existant. Il est illusoire de convaincre une population de revenir à l'époque moderne — dernière époque où l'empreinte écologique était favorable à la planète —, à savoir s'éclairer à la bougie et se déplacer à cheval. Quoique… Il faudrait aussi produire du fourrage pour tout un tas d'équidés et je ne suis pas sûr qu'au final ce soit bien mieux que des biocarburants.
Grâce à la France et à son grand machin appelé HADOPI, l'industrie du disque est sauvée. Éric Walter, un proche de notre bien aimé président Nicolas Sarkozy et ex-conseiller aux NTIC (nouvelles technologies de l'information et des communications [ndlr]), vient d'être nommé secrétaire-général de la HADOPI. Pirates de tout poil, tremblez, vos jours sont comptés !
Et tremblez d'autant plus que cet individu est un spécialiste des NTIC. En tant qu'ex-conseiller — on comprend aisément pourquoi —, il a pu déclarer aux journalistes de la Dépêche du Midi (sic les fautes de français, conformément à son maître, il semble ne pas connaître la structure grammaticale d'une négation) :
Il y a déjà des moyens de sécurisation qui existent : pour les enfants, les parents, pour la famille seule, la PME, la grosse entreprise, l'utilisateur incompétent, celui qui s'y connaît. Le plus connu, c'est la clé Wep. Une clé virtuelle qui permet à l'émission Wi-Fi d'être accessible que par l'utilisation d'un code.
Après les discours totalement hors de propos (perte d'emploi, diversité culturelle…) et nauséabonds des actionnaires des majors de l'industrie du disque et des soi-disant artistes, après la scandaleuse récupération des dix mille artistes qui soutiendraient cette loi, après le pare-feu OpenOffice, après le vote qui s'est déroulé de façon scandaleuse à l'assemblée nationale, je pensais qu'on avait déjà tout entendu et atteint le fond. Force est de constater que non.
La question n'est pas de savoir si le piratage est bon ou mauvais et je me garderais de lancer le débat, mais de se demander où l'on arrive à trouver des individus spécialistes d'un domaine qui leur est parfaitement étranger. J'espère au moins qu'ils sont bien payés !
Que serait la littérature sans le trio formé depuis des siècles par le mari, la femme et l'amant ? Sans lui, les plus grandes œuvres de la littérature française n'auraient pu voir le jour. Que deviendraient la Princesse de Clèves ou Madame Bovary si par un trait de plume, pour des raisons de moralité, on caviardait l'amant ?
Je me faisais cette réflexion à la suite d'une discussion avec des gens quelque peu bornés qui partaient du principe que ces œuvres, pleines de meurtres, de débauche, d'adultère et de sexe, ne faisaient que pervertir la jeunesse. Comme par ailleurs et aux dires de notre cher président, lire la Princesse de Clèves ne sert à rien, la littérature française a du souci à se faire.
La litterature n'est pas qu'un outil permettant de se forger péniblement son propre style à la fin de longues lectures aussi passionnantes pour un collégien que le Cid, 1984 ou les Faux monnayeurs. Elle permet un cheminement de pensée, une ouverture au monde. Enfin, pour les Faux monnayeurs, il me reste quelques doutes, puisque le seul extrait qui me reste est l'alexandrin :
Quiconque à quarante ans n'a pas d'hémorroïdes
qui n'est suivi d'absolument rien. On ne peut pas vraiment dire que Gide s'est foulé un neurone…
L'époque d'écriture du Cid n'a rien à voir avec notre époque contemporaire, mais lorsqu'on réduit cette pièce à sa plus simple expression — qu'il est joli garçon l'assassin de papa —, sa portée devient universelle.
Et encore, je ne parle que des œuvres originelles. Lorsqu'on attaque les parodies, souvent plus vraies que les originelles, ça se corse singulièrement. Je ne sais pas si vous vous souvenez de vos classiques. Je pose la question car je suis convaincu qu'un classique de la littérature est quelque chose que tout le monde aimerait avoir lu et que personne n'a vraiment ouvert. Personnellement, je les ai étudiés et j'en garde encore quelques souvenirs. Je ne comprends pas vraiment pourquoi s'embêter à lire Phèdre de Racine alors que le résumé qu'en a fait André Isaac, plus connu sous le nom de Pierre Dac, est parfaitement conforme à la version de Racine. Jugez vous-même :
PHÈDRE
parodie que Pierre DAC a créée en novembre 1935
avec Fernand Rauzéna et O'dett,
au Liberty 's, un cabaret-dancing de Paris
PERSONNAGES
PHÈDRE, SINUSITE (1ère servante de Phèdre), PET-DE-NONNE (2e servante), HIPPOLYTE, THÉRAMÈNE, LE CHOEUR ANTIQUE
LE CHOEUR ANTIQUE (gueulant)
Ô puissant Dieu des Grecs, je viens sous votre loi
Faire entendre en ces lieux ma douce et faible voix.
De Phèdre et d'Hippolyte au lourd passé de gloire
Je veux ressusciter la tragique mémoire.
Phèdre aimait son beau-fils, Hippolyte au cœur pur,
Qui lui ne voulait pas de cet amour impur.
Ce que vous entendrez ici n'est pas un mythe
Mais le récit vécu de Phèdre et d'Hippolyte.
(Le Choeur antique sort et Hippolyte et Théramène paraissent.)
THÉRAMÈNE
Tu me parais bien pâle et triste à regarder
Qu'as-tu donc Hippolyte ?
HIPPOLYTE
Je suis bien emmerdé !
THÉRAMÈNE
C'est un sous-entendu mais je crois le comprendre.
Va, dis-moi ton chagrin, je suis prêt à l'entendre.
HIPPOLYTE
Le dessein en est pris, je pars, cher Théramène,
Car Phèdre me poursuit de ses amours malsaines.
THÉRAMÈNE
Et Aricie alors ?
HIPPOLYTE
Ah ! Ne m'en parle pas !
Quand j'évoque la nuit ses innocents appas
J'ai des perturbations dedans la tubulure
Car cette Aricie-là je l'ai dans la fressure,
Elle est partout en moi, j'en ai le cerveau las,
J'ai l'Aricie ici et j'ai l'Aricie là !
THÉRAMÈNE
Elle a pris je le vois et tes sens et ta tête.
HIPPOLYTE
Ah ! je veux oublier le lieu de sa retraite !
THÉRAMÈNE
La retraite de qui ?
HIPPOLYTE
La retrait' d'Aricie
Qu'elle sorte de moi ! Aricie la sortie !
(On entend une trompette jouer : As-tu connu la putain de Nancy ... )
THÉRAMÈNE
Mais qui vois-je avancer en sa grâce hautaine ?
N'est-ce pas de l'amour la plus pure vision ?
C'est l'ardente sirène, la sirène des reines,
C'est Phèdre au sein gonflé des plus folles passions !
PHÈDRE (entrant avec ses servantes)
Oui, c'est moi, me voici. Tiens, c'est toi Théramène?
Que viens-tu faire ici ?
THÉRAMÈNE
Je venais, souveraine
Vous redire à nouveau mon récit tant vécu.
PHÈDRE
Ton récit je l'connais, tu peux te l'foutre au cul !
À l'écouter encor' j'en aurais du malaise
Il y a trop longtemps que Théramèn' ta fraise !
(Théramène, ulcéré, s'incline et sort. Phèdre voit Hippolyte.)
PHÈDRE
Hippolyte ! Ah ! Grands dieux je ne peux plus parler
Et je sens tout mon corps se transir et brûler !
HIPPOLYTE
Ô rage ! Ô désespoir ! Ô détestable race !
PHÈDRE
Par Jupiter je crois qu'il me trait' de pétasse !
SINUSITE
Laissez-le donc maîtresse, il ne veut point de vous !
PHÈDRE
Et moi j'en veux que j'dis, et j'l'aurai jusqu'au bout !
(À Hippolyte)
N'as-tu donc rien compris de mes tendres desseins ?
T'as-t-y tâté mes cuiss's, t'as-t-y tâté mes seins ?
Ne sens-tu pas les feux dont ma chair est troublée ?
HIPPOLYTE
C'est Vénus tout entière à sa proie attachée !
PHÈDRE
Oui, pour te posséder je me sens prête à tout !
Que veux-tu que j'te fasse ? je suis à tes genoux.
Que n'ai-je su plus tôt que tu étais sans flamme.
HIPPOLYTE
Certes il eût mieux valu que vous l'sussiez, madame…
PHÈDRE
Mais je n'demande que ça !
HIPPOLYTE
De grâc' relevez-vous.
PHÈDRE
Voyons tu n'y pens's pas, je n'peux pas fair' ça d'bout !
HIPPOLYTE
N'insistez pas, madam', rien ne peux m'ébranler.
PHÈDRE
Si t'aim's pas ça non plus, j'ai plus qu'à m'débiner !
HIPPOLYTE
C'est ça, partez, madame, allez vers qui vous aime.
PHÈDRE
Par les breloqu's d'Hercule, je resterai quand même !
Ah ! Que ne suis-je assise à l'ombre des palmiers…
HIPPOLYTE
Et pourquoi donc, madame ?
PHÈDRE
Parc'que là tu verrais
Ce dont je suis capable et ce que je sais faire.
Je connais de l'amour quatre cent vingt-huit manières !
HIPPOLYTE
C'est beaucoup trop pour moi, madame, voyez-vous.
PHÈDRE
Dis, t'es pas un peu dingu' ? Ça s'fait pas d'un seul coup !
Oui je sais distiller les plus rares ivresses.
C'est y vrai, Sinusite et Pet-d'Nonne ?
LES SERVANTES (un peu gênées)
Oui c'est vrai, cher' maîtresse.
HIPPOLYTE
Je ne serais pour vous d'aucune utilité
Je ne suis que faiblesse et que fragilité.
PHÈDRE
On n'te demande rien ! je f'rai le nécessaire,
T'as pas à t'fatiguer, t'auras qu'à t'laisser faire.
HIPPOLYTE
Le marbre auprès de moi est brûlant comme un feu…
PHÈDRE
J'suis pas feignant' sous l'homme et j'travaill'rai pour deux !
HIPPOLYTE
Vos propos licencieux qui blessent les dieux même
Point ne les veux entendre, c'est Aricie que j'aime.
PHÈDRE
Mais de quels vains espoirs t'es-tu donc abusé ?
Aricie est pucelle et n'a jamais…
HIPPOLYTE
Je sais !
Mais c'est cela surtout qui me la rend aimable.
PHÈDRE
Oui mais pour c'qu'est d'la chose elle doit être minable !
Allons, va, n'y pens's plus et sois mon p'tit amant
Tu connaîtras par moi tous les enchantements !
HIPPOLYTE
De grâce apaisez-vous, je me sens mal à l'aise.
PHÉDRE
Viens, pour te ranimer j'te frai Péloponèse !
HIPPOLYTE
Qu'est-ce encor que cela ?
PHÈDRE
C'est un truc épatant !
Ça s'fait les pieds au mur et l'nez dans du vin blanc !
HIPPOLYTE
De tant de perversion tout mon être s'affole.
PHÈDRE
Ben qu'est c'que tu dirais si j'te f'sais l'Acropole.
HIPPOLYTE
Quelle horreur !
PHÈDRE
Comm' tu dis! Mais c'est bougrement bon…
Ça s'fait en descendant les march's du Parthénon !
HIPPOLYTE
Prenez garde, madame, et craignez mon courroux !
PHÈDRE
C'est ça, vas-y Polyte, bats-moi, fous-moi des coups !
HIPPOLYTE
Vous frapper ? Moi, jamais, mon honneur est sans tache.
PHÈDRE
Mais y'a pas d'déshonneur, moi j'aim' ça l'amour vache.
Viens, tu s'ras mon p'tit homme et j'te donnerai des sous.
HIPPOLYTE
Ah ! Que ne suis-je assis à l'ombre des bambous.
Je ne veux rien de vous, mon coeur reste de roche !
PHÈDRE (câline)
Qu'est c'que tu dirais d'un p'tit cadran solaire de poche ?
J'te frai fair' sur mesure un' joli' peau d'mouton
Et pour les jours fériés des cothurn's à boutons…
HIPPOLYTE
Croyez-vous donc m'avoir en m'offrant des chaussures ?
C'est croire que mon cœur du vôtre a la pointure !
PHÈDRE
En parlant de pointure, si j'en juge à ton nez
Ell' doit être un peu là si c'est proportionné !
HIPPOLYTE
Vous devriez rougir de vos propos infâmes
Vous me faites horreur, ô méprisable femme !
PHÈDRE
À la fin c'en est trop ! Mais n'as-tu donc rien là ?
HIPPOLYTE
Madame je n'ai point de sentiments si bas.
PHÈDRE
Les feux qui me dévor'nt ne sont pas éphémères,
Hippolyt' je voudrais que tu me rendiss's mère.
HIPPOLYTE
Ciel ! Qu'est-ce que j'entends ? Madame oubliez-vous
Que Thésée est mon père et qu'il est votre époux ?
PHÈDRE
C'qui fait que j'suis ta mer', c'est pour ça qu'tu t'tortilles ?
Ben comm' ça tout s'passera honnêtement en famille.
HIPPOLYTE
Mais si de cet impur et vil accouplement
Il nous venait un fils, que serait cet enfant ?
PHÈDRE
Puisque je s'rais ta femme en mêm' temps que ta mère
L'enfant serait ton fils en mêm' temps que ton frère.
HIPPOLYTE
Et si c'était un' fill' qu'engendrait votre sein ?
PHÈDRE
Ta fill'serait ta sœur et ton frèr' mon cousin !
HIPPOLYTE
Ah ! Que ne suis-je assis à l'ombre des pelouses…
PHÈDRE
Tu parl's ! Avec c'mond'là, qu'est-c'qu'on f'rait comm' partouzes !
HIPPOLYTE
Assez, je pars, adieu !
PHÈDRE
Ah ! Funèbres alarmes
Voilà donc tout l'effet que t'inspirent mes charmes ?
J'attirerai sur toi la colère des dieux
Afin qu'ils te la coupent !
HIPPOLYTE
Quoi, la tête ?
PHÈDRE
Non, bien mieux !
HIPPOLYTE
Vous êtes bien la fille de Pasiphaé !
PHÈDRE
Et toi va par les Grecs t'faire empasiphaer !
Sinusite et Pet-de-Nonne venez sacré's bougresses
Calmez mon désespoir, soutenez ma faiblesse.
PET-DE-NONNE
Elle respire à peine, elle va s'étouffer.
PHÈDRE
Ben, c'est pas étonnant, j'ai c't'Hippolyt' dans l'nez !
Je veux dans le trépas noyer tant d'infamie
Qu'on me donn' du poison pour abréger ma vie !
SINUSITE
Duquel que vous voulez, d'l'ordinaire ou du bon ?
PHÈDRE
Du gros voyons, du roug', celui qui fait des ronds.
Qu'est c'que vous avez donc à m'bigler d'vos prunelles ?
Ecartez-vous de moi !
(À Hippolyte)
Toi, viens ici, flanelle.
Exauce un vœu suprême sans trahir ta foi,
Viens trinquer avec moi pour la dernière fois.
(Les servantes apportent deux bols.)
À la tienne érotique sablonneux et casse pas le bol !
(Elle boit)
Oh Dieu que ça me brûl', mais c'est du vitriol !
(Hippolyte boit)
Divinités du Styx, je succombe invaincu
Le désespoir au coeur…
PHÈDRE
Et moi le feu au cul !
Nous voyons donc que Phèdre, classique s'il en est, est rempli d'inceste, de suicide et de plein d'autres choses que la morale chrétienne réprouve même si ça reste en famille. Faire lire cette tragédie aux élèves de collège ne peut donc que les pervertir et leur faire toucher du doigt des pensées impures.
Mais cela ne doit pas s'arrêter au collège. Souvenez-vous du Club des Cinq, du Clan des Sept ou des Six Compagnons. Quels univers malsains pour des enfants qui savent à peine lire ! Des filles habillées en garçon, une amitié virile, que des choses innommables qui faut censurer à tout prix.
La littérature est donc l'ennemi. Sachant qu'en donnant le goût de la lecture, on donne le goût de la littérature, il n'y a plus qu'une seule chose à faire : empêcher que les enfants attrapent le goût de la lecture. Fantomette, voilà l'ennemi !
Sus à Fantomette !
Je commence à comprendre pourquoi le directeur des programmes de France Inter a mis sur sa grille d'été l'émission « Ça vous dérange » en semaine à 12h00. Il s'agit d'une émission comique qui remplace avantageusement la seconde partie du « Fou du roi ».
Le 20 juillet 2010, quelle ne fut pas ma surprise d'entendre vers 12h40 que
le présentéisme est la marque de la post-modernité.
Après vérification, je puis affirmer sans aucune erreur que je n'avais pas réglé mon poste sur France Culture. Il n'y a donc plus qu'une chose à faire, ramasser les copies dans quatre heures.
Le présentéisme est la marque de la post-modernité. C'est tellement abscons qu'on pourrait croire sans peine cette sentence sans appel issue tout droit de l'Intelligibilité de l'histoire, le second tome de la Critique de la raison dialectique de ce regretté Jean-Paul Sartre. Je dis regretté parce qu'il ma toujours semblé que Jean-Paul Sartre était l'un des plus grands humoristes de son temps. En effet, je n'arrive pas à concevoir que Sartre, premier à l'agrégation de philosophie donc a priori d'une certaine intelligence, ait pu se prendre au sérieux, voire ait réussi à ne pas prendre son lecteur pour un idiot en écrivant puis en réussissant à faire publier ses textes. C'est tout de même lui qui a couché sur le papier dans ce fameux — fumeux ? — chapitre sur l'intelligibilité de l'histoire ceci :
Il faut revenir à cette vérité première du marxisme : ce sont les hommes qui font l'histoire. Et comme c'est l'histoire qui les produit, en tant qu'ils la font, la substance de l'acte humain, si elle existait, serait le non-humain ou à la rigueur le pré-humain, en tant qu'il est la matérialité discrète de chacun.
Il faut reconnaître que c'est au moins aussi puissant — mais plus long, personne n'est parfait — que le cryptique « Et in Arcadia ego » figurant sur le tableau de Nicolas Poussin et ayant fait, et faisant toujours d'ailleurs, couler des fleuves d'encre.
Donc le présentéisme est la marque de la post-modernité.
Que rajouter à cela ? Pourtant, il faudrait déjà définir ce qu'est la modernité, comprendre le concept de modernité sous-jacent puis l'étendre à la post-modernité. Ce n'est pas simple. La post-modernité est-elle la même chose que le post-modernisme ? La post-modernité est-elle la modernité de la modernité ou tout simplement un retour à moins de modernité avec en filigrane l'épineuse question portant sur le sens du progrès ? Parce derrière cette sentence sans appel se cache le problème de savoir ce qu'est le progrès et surtout à quoi il peut bien servir puisqu'à long terme nous sommes tous morts.
Quant au présentéisme, il s'agit certainement d'un concept nébulo-fumeux voisin de l'instantanéisme canal historique et fanatique. Si j'ai bien tout compris — ce dont je doute —, le présentéisme serait quelque chose comme la jouissance de l'instant présent. Ce qui me fait légèrement tiquer, ce sont quelques souvenirs de mes cinq ans de cours de latin (à l'oral s'il vous plaît) chez les bons pères, et qu'entre autres, nous avons étudié par le menu De Rerum Natura de Titus Lucrecius Carus plus connu sous le nom de Lucrèce. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, Lucrèce était un disciple d'Épicure et défendait comme son maître l'idée que le souverain bien est le plaisir défini essentiellement comme « absence de douleur ». Les jours fastes, sa pensée vagabondait jusqu'au carpe diem.
Lucrèce était donc un présentéiste en tant qu'il prônait la jouissance de l'instant présent. Mais peut-on pour autant qualifier sérieusement Lucrèce, vivant au premier siècle avant notre ère, de post-moderne ? À bien relire la phrase initiale enchaînant par une relation d'équivalence la post-modernité et le présentéisme, ce serait pourtant le cas. En effet, si le présentéisme est la marque de la post-modernité, il est évident que la post-modernité peut être déterminée par son présentéisme. Il s'ensuit donc que Lucrèce était un post-moderne qui s'ignorait.
De deux choses l'une, ou Lucrèce était un horrible avant-gardiste, ce qui est fort possible, ou il me faut immédiatement deux aspirines.
Les écologistes ont frappé. Les écolos parisiens, les pires, ceux issus du croisement improbable et contre nature entre Contassot et Delanoë. Je ne supporte plus ces types qui, sous couvert d'un amour immodéré pour les petites fleurs, s'amusent à donner des leçons et à pourrir la vie de leurs semblables à grands coups de mesures qui s'avèrent contre-productives écologiquement parlant comme la voiture électrique qui ne fait que déplacer la pollution, les panneaux solaires ou le chauffage au gaz.
Ces gens-là ont frappé jusqu'à la vénérable institution qu'est la RATP.
La ligne 96 du réseau d'omnibus — Gare Montparnasse–Mairie des Lilas les jours où il n'y a pas de manifestation — passe au bas de mes fenêtres de six heures du matin jusqu'à la fin du service, vers minuit et demi. Il y a quelques années, le bon vieux Renault SC10R circulait, certes en émettant un nuage de particules fines, mais avait au moins deux grands avantages. Sa boîte de vitesses était manuelle — six vitesses plus une marche arrière — et son moteur était un bon vieux moteur Diesel rugueux et agricole qui devait être en surrégime à partir de 2000 tours/minute. Le fait d'avoir une boîte de vitesse mécanique rendait pratiquement impossible tout emballement du moteur et le bruit au passage du bus était tout à fait supportable.
Aujourd'hui, la même ligne de bus a été dotée de matériel neuf fonctionnant au gaz naturel car il paraît que c'est écologique. J'aimerais assez qu'on m'explique pourquoi, mais c'est un autre débat. Il s'agit certainement d'un progrès indéniable sauf pour ceux qui habitent sur le trajet de la ligne. Mon mauvais esprit me souffle que la ligne est toujours bondée et que ces bus auraient plus besoin de climatisation durant ces périodes estivales mais passons. Les écologistes qui prennent ces décisions circulent à bicyclette et ne sont absolument pas confronté au problème de la climatisation des transports en commun.
Je ne me suis pas rendu compte immédiatement du changement de matériel roulant ni du bruit résultant de cette nouveauté car mes fenêtres sont munies de double vitrage dit phonique, mais depuis quelques semaines, les températures atteintes font qu'il est impossible de dormir les fenêtres fermées. Ce nouveau matériel est une calamité pour les oreilles. Le moteur, situé à l'arrière et non plus sous le conducteur, position qui atténuait naturellement son bruit, est muni d'un compresseur qui fait un véritable bruit de turbine d'Écureuil — remplacez Écureuil par votre marque d'hélicoptère préférée — et la boîte de vitesses est une boîte automatique, peut-être robotisée, mais avec un ignoble convertisseur de couple toujours en glissement et qui fait un bruit digne d'un Boeing 747 catarrheux au décollage. Tous ces nouveaux bus, sans exception, circulent dans une débauche de décibels. Qui plus est, l'électronique embarquée n'est pas déparasité et même fenêtres fermées, il suffit de regarder la télévision pour se rendre compte qu'un bus est arrêté au feu : en analogique l'image se brouille, en numérique, la transmission se perd totalement…
Je ne sais plus où j'ai bien pu lire que le bruit était aussi une pollution. Les écolos parisiens ont dû sauter des pages dans leur petit livre vert.
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