À Paris et en proche banlieue, je me déplace souvent à bicyclette. Je n'ai jamais grillé un feu, un stop, roulé sur un trottoir ou pris une rue à contresens. Circuler dans Paris est déjà une expérience assez amusante en soi sans que j'aie à y ajouter de risques inconsidérés. C'est pourtant sans compter avec les fulgurences du maire de la capitale. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, il s'appelle Bertrand Delanoë, émarge au Parti Socialiste — ce qui n'est pas une tare en soi même si j'ai un peu de mal à comprendre leur ligne politique si elle existe — et compte parmi ses amis de nombreux élus verts, intégristes autant qu'à vue courte et bas de plafond. Après les couloirs de bus larges de 4,70 m — pas assez pour qu'un bus puisse en doubler un autre arrêté, la largeur du bus étant pourtant inférieure à 2,50 m, largeur maximale autorisée pour un véhicule qui n'est pas un convoi exceptionnel — séparés des voies de circulation par une forêt de bambou, les stations de Vélib à des endroits incongrus uniquement pour enlever des places de stationnement alors qu'elles auraient pu être déplacées de quelques mètres sans gêner quiconque, les contractuelles qui verbalisent les voitures en stationnement vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept sous les yeux attendris de la fourrière qui attend sa proie telle un charognard, voici la circulation des bicyclettes à contresens.
Je n'arrive pas à imaginer dans quel esprit malade une telle idée a pu germer. Penser qu'il a fallu pas loin de quatre milliards d'années d'évolution pour passer de la première forme de vie à la merveille qu'est le cerveau humain et que celui-ci est capable de produire de telles inepties n'a pour effet que de me mettre à douter du darwinisme le plus élémentaire.
En effet, depuis le baron Hausmann, la largeur des rues de Paris n'a pas vraiment changé. Les dimensions des trottoirs, des places de stationnement et des voies de circulation sont restées identiques. Seuls se rajoutent de petits symboles autorisant les bicyclettes à emprunter ces rues en contresens, et encore, sans doute pour des raisons d'économies, ces pistes ne sont indiquées qu'aux intersections. Lorsque qu'une voiture arrive dans le sens normal de circulation dans une rue un peu étroite, le cycliste, qui roulait déjà dans le caniveau au risque de donner un coup de pédale sur le granit du trottoir et de terminer dans le ruisseau, n'a le choix qu'entre disparaître sous la voiture ou sauter dans les bras du piéton qui, lui, a du mal à rester sur le trottoir en raison de la présence à cet endroit d'une station de Vélib.
Je ne sais pas si l'esprit supérieur qui a inventé ce concept se déplace en bicyclette. À dire vrai, j'en doute fortement. Il devrait pourtant être condamné à utiliser ces pistes à contresens jusqu'à ce que mort s'ensuive, ce qui ne devrait pas trop tarder au regard de la configuration des lieux. J'aimerais aussi que la mairie de Paris nous indique à la fin de l'année le nombre d'accidents corporels causés par cette idée géniale ainsi que son coût pour le contribuable. Il n'y a rien à ajouter, on a les politiques qu'on mérite.
Au fait, qui se souvient de la forêt de bambou de la rue de Rivoli ? Gageons que cette nouvelle expérience de circulation tombera dans les mêmes oubliettes.
Si ma mémoire est bonne, le réseau Internet a été conçu à l'origine pour envoyer des messages d'un ordinateur à un autre. C'était le bon temps, les machines n'avaient que très peu de mémoire, fonctionnaient lentement avec des systèmes d'exploitation tous plus bizarres les uns que les autres, mais lorsqu'on envoyait un message d'un ordinateur à un autre, il arrivait. Qui se souvient encore aujourd'hui de Multics, d'UniFLEX, de RSTS-11 ou d'OS/360 ? Presque personne, si l'on excepte pour les besoin du calcul la poignée de dinosaures avec des écailles rescapés de cet ancien temps. Il faut signaler à tous ceux qui n'ont pas connu cet âge d'or que tous ces systèmes fonctionnaient bien, qui plus est communiquaient parfaitement ensemble malgré leurs différences dès qu'on leur ajoutait une carte d'interface réseau idoine.
Aujourd'hui, le gopher a été remplacé par l'immonde http, surchargé par du flash et plein d'autres choses inutiles qui font que le signal est de plus en plus noyé dans le bruit, et les services de messagerie électronique sont de plus en plus aléatoires. Pourtant la puissance actuelle des machines devraient permettre d'écouler correctement ce flot d'information. La grande majorité des fournisseurs d'accès internet grand public se désintéressent parfaitement des services de base pour se concentrer sur l'accessoire, à savoir la télévision et le téléphone. Je ne citerai pas de nom, mais j'ai dû configurer mon sendmail pour qu'il utilise des files d'attente différentes en fonction de la qualité du serveur MX du destinataire. J'ai même fait des statistiques, et pour certains MX, il faut en moyenne une quinzaine de présentation du courrier électronique pour qu'il soit accepté tellement ces serveurs de réception sont mal configurés. Je n'ose imaginer ce que cela serait si ces fournisseurs d'accès méprisaient leurs clients.
Je ne vous parlerai pas non plus des artifices à mettre en œuvre pour éliminer les messages indésirables. Avec une louche de milter-greylist, un soupçon de spamassassin, quelques miettes de listes de type SORBS, un baril de clamav et une configuration de zone DNS stipulant des enregistrements SPFv1 stricts, on arrive encore à ne pas être noyé sous les invitations diverses à la prochaine sauterie d'untel, les propositions de casinos en lignes où l'on gagne avant de jouer ou les conditions très favorables à l'achat de poudre de cantharide ou de dragées d'Hercule de contrebande fabriqué à l'aide d'amidon, de sucre et de colorant bleu dans une cave chinoise. En d'autres termes, jusqu'à ce jour, à l'aide d'une configuration soignée, il était encore possible d'envoyer ou de recevoir en quelques heures ou quelques jours un courrier électronique. Souvent, la poste arrivait même à être plus rapide.
Hier, j'ai dû répondre à un correspondant allemand. Le message a été refusé. Motif : mon serveur de messagerie électronique est inscrit dans une liste noire de spammeurs (UCEPROTECT 2 et 3). Il s'agit d'un serveur administré par mes soins, avec un authentique daemon sendmail fonctionnant sous OpenVMS 8.3. Le SMTP est réglé pour n'accepter que des courriers en provenance d'utilisateurs dûment authentifiés. Autant dire que jusqu'à ce qu'une personne mal intentionnée réussisse à utiliser ce serveur pour envoyer du spam, il risque de couler quelques litres d'eau sous le pont Mirabeau. Pour achever le tableau, je dois aussi dire que ce serveur n'apparaît que sur cette liste.
Que ce serveur apparaisse sur une liste noire est une chose. Qu'il y apparaisse sans aucune raison en est une autre et la moindre chose que le mainteneur de ladite liste puisse faire est de s'arranger pour corriger sa bourde. Or il est écrit sur la page d'accueil du service que le seul moyen de se voir retiré de la liste pour une durée à définir est de payer une redevance au mainteneur d'icelle. J'ai juste la désagréable impression d'être pris pour un imbécile. Non seulement je n'ai jamais envoyé de spam, mais encore je dois payer une redevance à un illustre inconnu pour réussir à envoyer des courriers légitimes à un utilisateur de l'un des plus grands fournisseurs d'accès allemand. Les ressources humaines sont décidément infinies lorsqu'il s'agit de récupérer de l'argent en puisant impunément dans la poche d'autrui.
Deuxième match de la coupe du monde, France-Uruguay, et… rien… Pas un coup de klaxon, pas une manifestation d'euphorie, pas un seul supporter aviné au coin de la rue. Bizarre. D'habitude, dès qu'il s'agit de mettre une balle au fond d'un filet ou entre deux poteaux, le bar du coin de la rue les collectionne. Pourtant, les orages annoncés n'ont frappé Paris que vers deux heures du matin, ce qui laissait quelques heures aux supporters pour savourer leur victoire ou oublier leur défaite le tout dans une débauche d'alcool. J'en avais presque oublié que l'équipe de France jouait, c'est vous dire comme je m'intéresse à la chose. Ce match nul n'était donc pas si nul que ça. Un tel score — 0 à 0 pour ceux qui comme moi ne suivent cette compétition que de très loin — a au moins un avantage : personne ne songe à réclamer la victoire ni n'ose la fêter. La conséquence directe est qu'il n'y a personne pour brailler jusqu'à des heures tardives sous mes fenêtres. Mine de rien, c'est déjà ça de gagné et je ne remercierai jamais assez l'équipe de France pour cela.
Enfin, tout n'est pas perdu, il y a cet après-midi un test match France-Afrique du Sud ! Peut-être les supporters seront-ils au rendez-vous, j'ai peine à croire qu'il s'agisse d'une espèce en voie de disparition.
Le jour du dernier voyage de la dernière 141R fut un jour funeste pour la SNCF. Non seulement les trains partaient à l'heure, mais ils arrivaient encore à l'heure malgré le travail pénible abattu par les cheminots. Les pénalités de retard devaient motiver les employés de cette vénérable entreprise. L'abandon de la traction à vapeur aura été un bouleversement bien plus profond qu'il n'y paraît. Avec l'abandon de la vapeur, l'usager est devenu un client. Tout est dit.
Je vous parle d'un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. Il y avait encore des tickets de quai. Le billet n'était pas plus grand qu'un ticket de métro. Malgré l'absence totale d'informatique, il ne fallait que quelques instants pour en obtenir un, guide Chaix à l'appui et réservation comprise. Les voyageurs fleuraient bon la poussière de charbon et descendaient du train avec des escarbilles dans les cheveux. Aujourd'hui, avant d'arriver à l'heure, encore faut-il réussir à partir. Monter dans un train partant à l'heure avec un billet valide, un billet que l'on a réussi à acheter soi-même sans plonger dans une dépression nerveuse ou sans avoir des envies de meurtre à l'encontre du guichetier ou du concepteur du système informatique ubuesque de réservation, est devenu une gageure. Jusqu'à ce jour, je croyais bêtement qu'il n'existait plus que deux classes. Je mets sciemment de côté les services de la sécurité sociale qui remboursent toujours septante-cinq kilomètres d'un billet aller-retour de troisième classe pour tout curiste allant de Paris prendre les eaux à la Bourboule et les trains de nuit soumis à tarification spéciale pour avoir le bonheur de disposer d'une couchette trop petite. Grave erreur ! J'en ai compté au moins quatre, selon que l'on est en première ou en seconde classe, professionnel ou non. Et c'est sans compter sur les différents types de billets, remboursables ou non, échangeables ou non, avant ou après le départ, à moins que ce ne soit que la veille ou le mois précédent ou peut-être... Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas bien vu la différence de prestation ou de qualité allant de concert avec la différence de prix du billet, ni la ristourne qui devrait être faite sur le billet lorsqu'on est en surréservation puisque cela revient pour la SNCF à vendre plusieurs billets pour la même place. Ou alors il faudrait vendre le billet sans surréservation plus cher. Bref, tout ceci n'est pas très cohérent et je ne dois pas comprendre la subtilité de la tarification. Peut-être n'ai-je pas les capacités intellectuelles pour la comprendre, ce qui reste tout à fait possible. Après tout, ma spécialité, c'est le traitement du signal et le calcul intensif, pas la tarification de la SNCF qui semble être une science à part. Mon esprit chagrin me signale aussi que l'espace disponible est d'autant plus réduit que le billet est grand. Sans doute un phénomène de compensation. Passons.
Je remarque aussi que les quelques prises électriques, à la production aléatoire mais permettant tout de même de travailler en seconde classe, ne fournissent plus aucun courant. Le contrôleur auquel j'ai benoîtement posé la question m'a montré navré les disjoncteurs condamnés. Il n'y a pas de petits profits. Soyons magnanimes et rendons grâce à la SNCF d'oeuvrer ainsi pour la sauvegarde de la planète et la réduction de l'effet de serre par la condamnation des huit prises de courant disponibles pour l'intégralité d'une rame de TGV en seconde classe. Je vous assure avoir compté quatre prises limitées à 100 W chacune par emplacement pompeusement baptisés « bureau », deux emplacements « bureau » par rame de TGV, quatre fois deux font huit, le compte y est.
Point positif, le TGV pris ce matin était à l'heure, mais sans électricité, et celui dans lequel je suis monté à Strasbourg ce soir, s'il n'avait toujours par d'électricité en seconde, est bien arrivé à l'heure de Zürich et parti à l'heure en direction de la gare de l'est à Paris. Sans doute un coup à mettre plus au compte des Chemins de Fer Fédéraux de Suisse que des agents de la SNCF qui n'ont pris le contrôle du train qu'à Bâle.
Il n'en est pas de même pour l'antique ligne Toulouse-Paris par Rodez, Figeac, Brive-la-Gaillarde, Limoges, Châteauroux, Vierzon ligne de démarcation et Orléans-les-Aubrais, deux minutes d'arrêt, navette pour Orléans sur le quai en face. Je n'ai jamais trouvé un train partant à l'heure de Brive un vendredi soir à 19h06 pour raison de vache égarée sur la voie ou de feux de broussailles. J'aimerais bien avoir des statistiques sur le nombre de vaches par kilomètre habitant à une distance maximale — à déterminer en fonction de la vitesse moyenne de déplacement sur terrain non accidenté des quadrupèdes en question pondérée par la conformation locale de la pâture, la vitesse, pas le quadrupède, de la météorologie locale et de l'horaire de la dernière traite, je ramasse les copies dans deux heures — des voies de chemin de fer ou de l'évolution des feux de broussailles sur les terrains de la SNCF, pardon du RFF, rapportée aux kilomètres linéaires le long de cette voie le vendredi soir. Je constate simplement qu'en dehors de toute preuve scientifique et de toute logique puisque c'est l'heure de la traite pour la vache et de l'apéritif pour le pyromane, à moins qu'il ne s'agisse du contraire, le nombre de vaches limousines se promenant en liberté sur les voies ou de feux de broussailles est singulièrement en hausse ces derniers temps le vendredi en fin d'après-midi, au moins sur la ligne Toulouse-Paris par Brive-la-Gaillarde. On me dira que je ne vois que les trains qui n'arrivent pas à l'heure ou les prises électriques qui ne fonctionnent pas. Possible, mais je ne dois pas avoir de chance, il s'agit toujours des trains que je prends ou des prises électriques que je cherche à utiliser.
Il y a quatre-vingts jours, j'ai été excommunié, une version moderne de l'excommunication puisqu'il m'a été interdit de remettre ne serait-ce qu'un pied dans ma paroisse. Pour être tout à fait exact, je n'ai pas été excommunié seul mais avec trois autres comparses, par le curé en titre de Sainte-Élisabeth de Hongrie (Paris 3e), encore en habits liturgiques, à la fin de la messe dominicale du dimanche précédent les Rameaux. Je dois dire que le côté cocasse de la chose est que je m'occupais de longue date de la chorale paroissiale, que les autres personnes faisant partie de la même charrette étaient aussi des membres actifs de cette chorale et que cette chorale avait fait de gros progrès en quelques années. Pire, il nous a été interdit à tous de remettre les pieds dans cette église et nous n'avons à ce jour reçu aucune explication.
Je n'ai pas la prétention de me croire irremplaçable, mais avec quatre premiers prix de piano et un premier prix d'orgue, je pense être assez qualifié pour tenir une chorale et assurer les deux répétitions hebdomadaires. En tout cas, aux dires des paroissiens, je serais largement plus qualifié pour tenir une chorale que les personnes qui essaient actuellement de me remplacer. Il faut dire à leur décharge que la majorité de l'ancienne chorale, à laquelle je n'ai rien demandé, se retrouve pour chanter dans la nef, bravant l'ire du curé qui doit maintenant faire avec un embryon de chœur mal dirigé et qui fait ce qu'il peut.
Cette décision fait suite à un chapelet d'autres décisions de la même veine et couvertes par sa hiérarchie : le congé de la personne s'occupant des « Journées de l'amitié », de problèmes continus avec la femme de ménage et de diverses attitudes pour le moins déplorables chez un homme d'église.
La fin de l'année du prêtre approche. N'oublions pas de prier pour eux, certains en ont vraiment besoin.
Pages: << 1 ... 193 194 195 196 197 198 ...199 ...200 201 202 203 204 >>