La défense de Mélenchon

15.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les politiciens

Un esprit aussi grincheux que moi vient de m'indiquer une tribune sur le site de Marianne2. Un chroniqueur du Guardian y défend Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le Guardian a une ligne éditoriale de centre-gauche, ce qui devrait l'amener à soutenir plus ouvertement François Hollande, voire François Bayrou peut-être un peu plus réaliste.

Je vais citer l'article in extenso et critiquer point par point les arguments qui me semblent fallacieux.

Le président conservateur français Nicolas Sarkozy s’est présenté en 2007 avec pour objectif de faire ressembler l’économie française à celle des États-Unis d’Amérique. Le moment était mal choisi : les États-Unis étaient alors au bord de la pire récession de leur histoire depuis la Grande Dépression, et ils allaient plomber l’économie de l'Europe, ainsi que celles d'une grande partie du reste du monde, en même temps que la leur. Les États-Unis ayant connu quatre années de croissance quasiment nulle, Sarkozy refuserait probablement aujourd'hui de tenir ce discours. Toutefois, il a bel et bien réussi, d’une certaine manière, à rendre  l’économie française plus américaine.
 
Après avoir été l’un des rares pays à hauts revenus à n’avoir pas connu d’augmentation des inégalités entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2000, la France est devenue plus inégalitaire depuis l’élection de Sarkozy. Le rapport entre les revenus du 99ème centile (ceux des 1% les plus riches, en haut de l'échelle) et ceux du premier centile (en bas de l'échelle) est passé de 11,8 à 16,2. D’autres indicateurs d’inégalité ont aussi augmenté sensiblement. Ainsi, le coefficient de Gini est passé de 26,6 à 29,9. Ce changement s'est produit entre 2007 et 2010 ; la situation est probablement pire aujourd’hui.

C'est dommage, l'auteur commence à triturer les statistiques pour leur faire dire ce qu'il veut. Effectivement, si l'on regarde les 99e centiles, les différences de niveaux de vie se sont accrues. En revanche, si on regarde les 90e centiles, ce qui est plus intéressant d'un point de vue strictement statistique, ce n'est pas vrai comme le prouve le graphique ci-dessous issu d'un article de l'INSEE.

Fig. 1 : Évolution des inégalités selon l'INSEE

Quant à l'indice de Gini, la France est en-dessous de la médiane des pays de l'OCDE. Il est donc malhonnête de regarder le seul cas de la progression de l'indice de Gini de la France qui reflète aussi des problèmes qui dépassent ses frontières.

En relevant l’âge de départ en retraite par une réforme inutile qui déclencha une forte opposition et de nombreuses vagues de protestation, Sarkozy a ouvert la voie à une France encore plus inégalitaire pour les années à venir.

Certes, il y a eu une forte opposition. Mais il ne faut pas oublier pourquoi Mitterrand avait décidé de fixer l'âge légal de départ à la retraite à soixante ans malgré les contestations de tous les démographes. Le système de retraite français classique est par répartition et non par point ou par fonds d'investissement. Il faut donc pouvoir le financer d'années en années grâce aux cotisations perçues sur l'année en cours. Lorsque la proportion de retraités grandit, la pression sur les actifs s'accroît. Cela renchérit d'autant le coût du travail qui n'a pas vraiment besoin de cela actuellement. L'inégalité, ce sera surtout dans les années à venir si on ne réforme pas une bonne fois pour toute ce système en installant un système à points. Plus d'âge de départ à la retraite à négocier, chacun responsable de sa situation et touchant une pension en fonction de ses points accumulés. Sans cela, il ne faut pas se voiler la face, il n'y aura plus aucune retraite car il n'y aura plus assez d'actifs pour les payer. Remarquez bien, plus de retraite, c'est déjà une égalité supprimée.

Et cette réforme doit aussi passer pour les fonctionnaires, pour les multipensionnés et pour les régimes spéciaux qui sont de vrais scandales du système des retraites à la française. Sans doute n'y a-t-il aucune inégalité à chasser par là. Les fonctionnaires râlent souvent de leurs salaires bas. Mais il ne faut pas oublier que ce ne sont pas des salaires mais des traitements et que leur retraite est une pension qui est légalement un traitement reçu en absence d'activité (un traitement décalé dans le temps). Le salaire réel d'un fonctionnaire est ainsi non pas ce qu'il a sur sa fiche de paie mais cette fiche de paie plus grosso modo la moitié de sa pension mensuelle. Quant aux titulaires des régimes spéciaux, je préfère ne pas en parler. Comparer les salaires des six derniers mois pour calculer une retraites aux vingt-cinq meilleures années devrait prêter à sourire lorsqu'on se targue de donner des leçons d'égalité.

La comparaison entre la France et les États-Unis est pertinente car les deux pays ont à peu près le même niveau de productivité, de production par heure travaillée. En d’autres termes, les deux pays ont la capacité économique de bénéficier à peu de choses près du même niveau de vie. Les Français ont choisi d'utiliser leurs gains de productivité sous la forme d’une réduction du temps de travail, de vacances plus longues, d’une couverture maladie universelle, de l’accès gratuit à l’université et aux services de garde d’enfants, ainsi que d’une plus grande égalité dans la redistribution des revenus. A l’inverse, aux États-Unis, plus de 60 % de la progression des revenus de ces trente dernières années a profité aux 1% les plus riches. La pauvreté est à présent revenue au niveau  de la fin des années 1960 ; les droits d’inscription à l’université ont augmenté en flèche ; la loi ne prévoit pour nous aucun congé payé, et 52 millions d’Américains n'ont pas d' assurance de santé (ce chiffre pourrait diminuer dans les années à venir, mais cela dépendra en partie de la Cour Suprême).

J'aimerais assez que quelqu'un m'explique un jour ce qu'est la productivité du travail. Pour un ouvrier sur une chaîne de montage, j'arrive à imaginer. Pour un enseignant ou un chirurgien, voire un cadre, cette notion me semble beaucoup plus floue.

Par ailleurs, les français n'ont pas choisi d'utiliser leurs gains de productivité pour travailler moins, on leur a dit qu'il fallait moins travailler (en 1981 avec une semaine de congés en plus et une heure de moins par semaine, en 1997 avec trente-cinq heures hebdomadaires) et leur travail a été réorganisé en conséquence. J'apprends au passage que les services de garde d'enfants sont gratuits. Tiens, il faudrait que j'en parle autour de moi parce que personne ne semble réellement au courant de cette avancée sociale.

Par ailleurs, dire que le salarié américain n'a pas de congés payés, c'est y aller un peu fort. Il n'y a pas de congés payés obligatoires dans la loi, c'est un peu différent.

La plupart des citoyens français tiennent à cette sécurité économique et à cette façon de partager les fruits de la prospérité. On peut donc s’étonner qu’un homme proposant un programme tel que celui de Sarkozy ait tout simplement pu être élu, et puisse avoir des chances de l’être à nouveau. Cette situation s’explique par un malentendu de l’opinion sur les questions économiques les plus importantes, malentendu entretenu et encouragé par une couverture médiatique biaisée.

Une couverture médiatique biaisée… Comme vous y allez ! Les français, dans leur immense majorité, ne comprennent rien à l'économie, parce que si c'était le cas, le débat serait actuellement entre Nicolas Dupont-Aignan et François Bayrou. Ils réagissent comme des veaux — aux dires du Général, ce n'est pas récent —, adorent qu'on les caresse dans le sens du poil et qu'on flatte leurs plus bas instincts. Nicolas Sarkozy a été élu en 2007 sur un programme sécuritaire et sur une promesse d'amélioration du pouvoir d'achat, en d'autres termes sur des promesses qui concernent chaque électeur immédiatement et non l'ensemble du pays à un horizon plus lointain. C'est exactement ce que fait Mélenchon actuellement avec ses propositions.

Comme en 2007, l'opinion dominante est que la France vit au-dessus de ses moyens, et Sarkozy prévient à présent que, s'il n'était pas réélu, elle pourrait bien devenir la nouvelle Grèce et affronter une débâcle économique. Il s’engage donc à équilibrer les comptes publics d’ici à 2016.

Lorsqu'on a six points de PIB de déficit structurel du budget de l'état, je ne sais pas comment il est possible de déclarer sans rire que la France ne vit pas au-dessus de ses moyens. Remettre le budget de l'état à l'équilibre est une priorité absolue quel que soit le prochain gouvernement.

Malheureusement, son rival du Parti socialiste, François Hollande, promet l’équilibre budgétaire d’ici à 2017. Il y a bien entendu des différences importantes entre les deux candidats, mais si l’un ou l’autre devait appliquer un programme d’austérité budgétaire d’une telle ampleur, à un moment où les économies française et européenne sont si faibles, il est quasiment certain que le chômage et bien d’autres problèmes économiques ne pourraient que s’aggraver. La France perdrait alors certains de ses nombreux acquis sociaux et économiques.

Là, on touche à la schizophrénie à la française. Tout le monde veut conserver ses acquis sociaux lorsqu'il les reçoit, mais personne ne veut les conserver lorsqu'il faut les payer. Tous ces acquis sociaux auraient dû être remis en cause lorsqu'il en était encore temps. Pour les retraites, rien d'efficace n'a été fait et il faudra à très court terme repartir dans un cycle de négociation avec les syndicats dont certains n'ont pas une attitude réellement responsable. Idem pour l'assurance maladie, les indemnités chômage et tous les autres acquis sociaux.

Quant au sacro-saint service public, il y aurait beaucoup à dire. Il est parfaitement possible de réduire le nombre de fonctionnaires en France sans porter atteinte à la qualité du service public (voir pour cela le rapport Balladur). À titre de comparaison, les seuls traitements des fonctionnaires représentent en France 12% du PIB contre 7% en Allemagne. Pourtant, le service public en Allemagne fonctionne tout aussi bien que chez nous. Rien qu'en rendant efficace l'état, il serait donc possible de trouver la marge suffisante pour réduire à la portion congrue le déficit structurel du budget de l'état. Pourquoi personne n'en parle-t-il ?

Fort heureusement, la France dispose d’une alternative plus progressiste : elle s’incarne dans la candidature de Jean-Luc Mélenchon, portée par le Front de gauche. Dans la course à l’Elysée, il semble être le seul à comprendre les choix économiques réels qui s’offrent à la France et à la zone euro. La France n’a nullement besoin d’une cure d’austérité qui la condamnerait à finir comme la Grèce. Au lieu de cela, Mélenchon propose que la Banque centrale européenne fasse son travail, c’est-à-dire qu’elle prête au taux de 1% à la France et aux autres gouvernements européens, comme elle le fait aux banques privées. Le poids du service de la dette française, d’environ 2,4% du PIB est encore assez raisonnable. Si la France peut continuer à emprunter à faible taux, elle pourra se sortir de ses problèmes actuels, tout en créant de l’emploi et en augmentant les revenus. Cela relève du bon sens macroéconomique.

Oui, finançons l'état à l'aide d'emprunts à la BCE. Mélenchon parle sans cesse de la loi « scélérate » (sic) de 1973 qui interdit à l'état d'emprunter à sa banque nationale. Mais Jean-Luc devrait aller relire ce texte et devrait le remettre dans le contexte de l'époque. Giscard et Pompidou étaient parfaitement conscients que la crise pétrolière de 1973 signait la fin des trente glorieuses. Pour mémoire, les trente glorieuses étaient une période d'enrichissement considérable du pays et d'assez forte inflation. L'état pouvait alors emprunter à la Banque de France parce que l'accroissement de la richesse nationale compensait largement l'inflation provoquée par le fonctionnement de la planche à billets. Aujourd'hui, emprunter à la BCE serait suicidaire puisqu'il faudrait créer de la monnaie sans avoir le métal (ou la création de richesse) correspondante.

Et Mélenchon confond les causes et les conséquences. Ce n'est pas parce qu'une loi interdit à juste titre le financement de l'état grâce à des emprunts aux banques nationales que l'état doit avoir un budget en déficit chronique depuis quarante ans et emprunter à ces banques privées. Le fait que les différents pays européens se sont mis eux-mêmes dans les mains des spéculateurs n'est pas dû à cette loi de 1973, mais au fait que leurs dépenses sont sciemment mal budgétisées.

Mélenchon veut aussi réduire le temps de travail, augmenter le salaire minimum, ainsi que les impôts pour les plus riches. Il rejette l’absurdité de l’équilibre budgétaire - comme d'ailleurs la plupart des économistes aux États-Unis - et fustige l'absence d'engagement de la Banque centrale européenne en faveur du plein emploi. Cette démarche est pertinente d’un point de vue économique puisque, notamment en période de récession, la BCE peut créer de la monnaie. C'est ce qu'a  fait la Réserve fédérale américaine en créant 2 300 milliards de dollars depuis 2008 sans craindre une inflation excessive.

L'équilibre budgétaire est absurde. Peut-on avoir le nom de ces brillants économistes américains ? Ce sont les mêmes qui n'ont pas réagi aux signaux d'alerte de Benoît Mandelbrot sans aucun doute.

Quant à la création de 2300 milliards de $US depuis 2008 sans inflation, c'est une contre-vérité qui relève d'une manipulation des chiffres parce que deux phénomènes ont travaillé en sens inverse. Commençons par regarder un graphique de l'inflation aux USA.

Fig. 2 : Évolution de l'inflation aux USA

Que voyons-nous ? Une déflation sur quasiment toute l'année 2009 précédée par une forte inflation vers le milieu de 2008. Cette déflation n'a pas été trop forte parce que justement, la banque centrale américaine a créé de la monnaie pour compenser la destruction de monnaie qui a eu lieu en bourse à la même époque. S'il n'y avait pas eu cette destruction en bourse, l'inflation américaine aurait été bien plus importante, de l'ordre de ce qu'on peut voir à la mi-2008.

Mélenchon veut aussi faire sortir la France de l’OTAN. Ce serait là une très bonne chose pour la France, mais aussi pour le monde. Initialement, l’OTAN a été créée pour contenir l’Union soviétique qui, au cas où certains ne l’auraient pas remarqué, n’existe plus. Les Américains n’ont plus besoin d’  « alliés » qui aident nos gouvernements à occuper d’autres pays comme l’Irak ou l’Afghanistan, ou à entamer une autre guerre dangereuse et déraisonnable, comme nous semblons nous préparer à le faire en Iran.

Je ne vois pas trop le rapport avec l'économie. Que l'OTAN ne serve plus à rien est une chose. Que cela fasse voter Mélenchon en est une autre.

Les deux finalistes se retrouveront lors d’un deuxième tour si aucun d’eux n’obtient de majorité au premier,  le 22 avril, ce qui paraît hautement probable. Mélenchon gravite autour de 15 % dans les sondages, mais il se situerait encore plus haut sans la crainte de le voir le candidat socialiste éliminé du second tour. C’est ce qui s’est produit en 2002, quand le candidat d’extrême-droite anti-immigration, Jean-Marie Le Pen, président du Front national à l'époque, est arrivé deuxième, derrière Jacques Chirac, devançant de justesse le socialiste Lionel Jospin. Le risque que ce scénario se répète cette année est très faible. La candidate du Front national, Marine Le Pen,  obtient entre 13 et 16 % dans les sondages. Il est clair que quiconque souhaite préserver le mode et le niveau de vie français devrait choisir Mélenchon.

Pourquoi ? Mélenchon ne pourra pas contraindre les autres pays à modifier les traités en vigueur pour que la France puisse emprunter à la BCE parce que c'est une position absurde en l'état actuel des choses sauf à avoir de l'inflation. Comparer la situation des USA en 2008 à la situation de la France en 2012 relève de la manipulation.

Pour le candidat d'un troisième parti, il est beaucoup plus facile en France qu'aux Etats-Unis  d’avoir une influence significative, même sans remporter l’élection. Hollande a déjà orienté son discours plus à gauche afin de capter les voix du Front de gauche, et Mélenchon aura des atouts en main avant de soutenir la candidature Hollande au second tour. Alors que les deux grands partis s'engagent à mettre en place des politiques économiques qui diminueront le niveau de vie des Français – alors que, en 2007, seul Sarkozy s’engageait dans cette voie – on peut difficilement trouver moment plus opportun pour voter « hors des sentiers battus ».

Et il ne faut pas oublier que Mélenchon peut avoir n'importe quel avis, proposer n'importe quoi pour faire parler de lui. Il sait qu'il ne sera pas élu et qu'il n'aura pas à appliquer sn programme. Ses promesses n'engagent que ceux qui les croient.

Crédit : l'article initial a été écrit par Mark Weisbrot, co-directeur du Center for Economic and Policy Research à Washington. Il est également président de l’organisation Just Foreign Policy.

 

Glissement sémantique

11.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit, Je hais les politiciens

Depuis quelques jours, les militants du Front de Gauche ont élu domicile dans les stations de RER autour du Stade de France. Et que je te donne des tracts qui terminent dans la poubelle la plus proche. Et que je te raconte n'importe quoi pour que tu me prennes mon fichu bout de papier, je ne vais tout de même pas le mettre à la poubelle moi-même, il est tard, elle est trop loin, et le chef qui me regarde ne veut pas…

Ce matin, le slogan du jour était :

 Votez Mélenchon pour faire perdre Sarkozy !

Oui, mais il me semble qu'il y a dix candidats actuellement en lice. Je peux donc parfaitement vouloir faire perdre Sarkozy sans voter Mélenchon. Enfin, il me semble, au moins au premier tour. Je réserve mon choix pour le second.

Il faudrait peut-être que vous compreniez une bonne fois pour toute, adhérents aux valeurs du Front de Gauche si tant est qu'elles existent — je ne vois pas bien le rapport entre le programme de Mélenchon et celui du Parti Communiste Français dont il est pourtant le candidat —, qu'on peut être de droite sans soutenir la politique du président sortant, voire en votant lors des prochaines élections contre lui. Il faudrait aussi que vous compreniez qu'on puisse vouloir le voir perdre sans pour autant voter pour un candidat populiste, démagogue et dangereux qui, s'il arrive un jour aux affaires, ne fera pas mieux que notre président sortant. Remarquez, il ne fera peut-être pas pire, c'est déjà ça de gagné, mais dans le doute…

Voter pour quelqu'un dans l'unique but de faire perdre l'adversaire est la pire des raisons qu'il soit. On vote avant tout par adhésion à des idées et non par rejet de l'adversaire. C'est justement parce qu'on vote depuis trente ans dans notre beau pays par rejet de l'adversaire (Giscard en 1981 tellement rejeté que même les morts s'y étaient mis, Chirac en 1988, Jospin en 1995, Le Pen en 2002 et Royal en 2007) que nous sommes empétrés dans les réformes et les contre-réformes qui s'ensuivent à longueur de législature.

Le Front de Gauche est actuellement dans les sondages aux alentours de 15%. Mais dans ces électeurs potentiels, combien votent pour cette tendance par réelle adhésion et non par anti-sarkosysme primaire ? Il serait intéressant d'avoir quelques études à ce sujet.

De toute façon, vue la hauteur atteinte par les débats de cette campagne, il ne faut pas se bercer d'illusions, il ne sortira rien de bon de l'élection présidentielle. Quant aux législatives de juin, j'ai comme un affreux doute et on pourrait très bien se retrouver avec une cohabitation intéressante.

Camarades, devenez anti-sarkozystes secondaires ! Ne votez pas pour une tendance par simple rejet de l'adversaire, c'est la meilleure façon d'hypothéquer l'avenir de notre système social à la française.

 

Il a osé le dire !

10.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit, Je hais les politiciens

Il n'y a rien à dire, Jean-Luc Mélenchon n'a pas usurpé sa licence de philosophie. Quelle n'a pas été ma surprise lorsque je l'ai entendu ce matin dans le poste déclarer crânement que :

l'utopie est le réalisme de notre temps.

Je le cite intégralement, ça claque comme du Mélenchon, un tel aphorisme ayant de grandes chances de figurer à la prochaine dissertation de philosophie du baccalauréat section littéraire.

L'utopie est le réalisme de notre temps. Quelle puissance de raisonnement condensée en quelques mots. Ce qui fait un peu peur, c'est que cela ne signifie strictement rien. C'est ronflant et totalement creux, on croirait presque lire du Sartre dans l'Intelligibilité de l'histoire. À tout hasard, Jean-Luc, je te donne la définition de l'utopie dans le cas qui nous intéresse et que je viens de voler dans mon dictionnaire :

UTOPIE, subst. fém.
A. SOCIOPOLITIQUE
1. Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun. Dégager de tout la vertu, construire des utopies, déranger le présent, arranger l'avenir (...) c'est la liberté de l'Allemand. Le Napolitain a la liberté matérielle, l'Allemand a la liberté morale (HUGO, Rhin, 1842, p. 474). Quand un Thomas More ou un Fénelon, un Saint-Simon ou un Fourier construisent une utopie, ils contruisent un être de raison, isolé de toute existence datée, et de tout climat historique particulier (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 140).

Tu noteras bien — oui, je te tutoie parce qu'après tout, camarade, il n'y a aucune raison — que mon dictionnaire vendu certainement au grand capital ou a minima aux idées de la droite réactionnaire indique un plan imaginaire de gouvernement. C'est peut-être pour cela que tes porte-parole indiquent à qui veut bien les entendre que le programme du Front de Gauche est incompatible avec celui du Parti Socialiste, l'un étant réaliste, l'autre parfaitement imaginaire.

À ce propos, tu as fait ce matin encore une de tes sorties contre un journaliste, Patrick Cohen qui t'indiquait une étude de l'INSEE concluant à la disparition de nombreux emplois en cas de hausse du SMIC à 1700 euros bruts, ce que tu promets. Plutôt que de répondre sur le fond, cela aurait peut-être permis de faire émerger un certain nombre de choses intéressantes du débat, tu es parti dans un réquisitoire contre ce journaliste. C'est bien, tu as encore fait de l'esbrouffe, ce qui plaît tant à tes sympathisants, mais sans faire avancer le débat parce que dès que quelqu'un creuse un peu ton discours populiste et démagogique, tu t'arranges pour tourner cette personne en ridicule. Pour cela, tu es très fort. Mais il faudrait te condamner à devoir assumer le pouvoir et à te débrouiller avec l'ensemble de tes promesses et ton beau programme totalement inapplicable. C'est tout ce que tu mérites.

Et après tout si tu arrives à te faire élire, c'est aussi tout ce que la France mérite.

 

Les invités de la campagne

09.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Je hais les politiciens

Après les trente glorieuses et les trente piteuses, nous entrons de plain pied dans les trente merdeuses et, je suis prêt à prendre les paris, la période dans laquelle nous entrons en chantant la fleur au fusil sera mentionnée dans les futurs livres d'histoire — pour peu qu'on enseigne encore l'histoire dans quelques années — comme une période à côté de laquelle la grande dépression de 1929 passera comme une aimable promenade de santé. Nous ne sommes pas encore dans la crise, tout au plus dans l'antichambre, et la chute risque d'être sévère.

Cela fait quarante ans que nous vivons au-dessus de nos moyens. Pour faire simple, disons que le gouvernement Chirac puis Barre n'avaient pas d'autre choix puisqu'ils se sont pris dans la figure les deux crises pétrolières de 1973 et 1979. Mais les choix opérés depuis ces trente dernières années, par des gouvernements de gauche comme de droite, n'ont rien arrangé. Nous avons continué à creuser les déficits budgétaires sans jamais vouloir regarder les choses en face. Au début des années 1990, il ne fallait pas penser réformer les retraites alors même que tous les démographes — Hervé Le Bras en tête — tiraient toutes les sonnettes d'alarme. Contrairement à l'économie, la démographie est une science bien plus exacte puisqu'à moins d'une guerre, de l'instauration d'un système de régulation comme celui de Soleil Vert ou d'un virus particulièrement pathogène et létal, les gens qui avaient trente ans en 1980 en ont soixante en 2010.

Or, depuis trente ans, on boucle le budget de la France en faisant des hypothèses de croissance complètement délirantes et, comme on n'arrive pas aux objectifs attendus, on dévalue (cas du tournant de la rigueur en 1983), on fait tourner la planche à billet (premier septennant de François Mitterrand), on emprunte sur les marchés financiers qui n'en demandent pas tant et on se plaint que ce sont actuellement ces mêmes marchés financiers qui font la politique de la France. Mais qui leur a donc donné les clefs du pouvoir ? Tous autant que nous sommes. Enfin vous plus que moi.

Le Général De Gaulle disait que la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille et il avait raison. Le problème, c'est que collectivement depuis trente ans, tous les électeurs ayant voté à court terme sont responsables de cette dérive des prises de décisions de l'Élysée et de Matignon vers le palais Brognard parce que ces électeurs sont tous égoïstes. Ils veulent tout et tout de suite, indiquent crânement qu'ils veulent du social, votent pour la gauche, mais préfèrent toujours que ce social leur bénéficie en priorité selon le vieux principe que charité bien ordonnée commence toujours par soi-même.

Et c'était déjà vrai en 1981. Le programme commun de la gauche ne servait pas à redresser l'économie de la France, simplement à faire élire une équipe en promettant à l'électeur crédule ce qu'il voulait entendre (35 heures de travail hebdomadaire, cinquième semaine de congés payés, augmentation du SMIC…). Plein de choses qui concernaient l'électeur de manière privée et non la France.

Aujourd'hui, que voyons-nous ? La même chose. Mélenchon raconte exactement ce que l'électeur égoïste veut entendre. C'est le Mitterrand du programme commun de 1981. C'est même symptomatique. Comme est symptomatique le fait que le programme du président sortant n'est paru que la semaine passée. Officiellement, il lui fallait écouter avant d'écrire son programme. La question est donc de savoir si un candidat se présente pour défendre ses propres idées ou les idées d'autrui qui ne lui permettent que d'être élu. La suite, on la connaît, les promesses n'engagent que ceux qui les croient. Chassez le naturel et il revient au galop.

Et à une heure critique où il faut réellement faire des efforts pour sauver le système social français, des Mélenchon, Le Pen, Sarkozy et Hollande prétendent qu'on va encore raser gratis demain. Foutaises, mais l'électeur ne veut surtout pas entendre autre chose. Le RSA, c'est bien, le régime d'assurance chômage, c'est bien, les services publics, c'est très bien. Enfin, c'est bien lorsqu'on en bénéficie, mais lorsqu'il faut commencer à envisager d'en assumer le prix, c'est un peu différent. Pourtant, je vous le prédis, si vous voulez garder le système français, les impôts divers et variés risquent fort d'être multipliés par trois ou quatre, sans compter le fait que vous devrez acheter plus cher, soit en achetant français, soit en payant une taxe sur ce qui est importé parce qu'il faudra bien remettre la France au travail d'une manière ou d'une autre pour ne plus avoir à régler des prestations chômage ou des minima sociaux à une partie de la population active.

Mélenchon est même le plus amusant de nos candidats parce que si vous voulez détruire le système français, il vous suffit de voter pour lui puisque son programme économique n'est pas tenable. Ce n'est pas avec des mots qu'on crée de l'argent. Quant à le prendre là où il se trouve, qu'il y aille, il n'y a plus d'argent en France. Naturellement, le mélenchoniste de base va rétorquer qu'il en reste chez Total. Allez-y, les bénéfices de Total ne sont pas issus des activités de Total en France, mais comme l'électeur de Mélenchon ne comprend rien aux mécanismes de base de l'économie et de la fiscalité, c'est peine perdue. Total est l'arbre qui cache la forêt. Mais sachez qu'il ne reste aujourd'hui en France, grâce aux conséquences d'un impôt aussi absurde que l'ISF, que 400 entreprises de plus de 250 salariés. Ça devrait vous faire réfléchir. Et ne me dites pas non plus que les entreprises du secteur de l'énergie s'en sortent bien. Je n'ai pas de chiffres pour EDF, mais je puis vous dire que les crédits de recherche de GDF-Suez ont été rognés la semaine passée de 40% pour tous les programmes jugés non prioritaires, c'est-à-dire tous les programmes de recherche sauf un.

Et lorsque l'on parle d'économie, on parle de la Chine. C'est intéressant et dommage. La Chine n'est pas un problème à long terme. Elle est peut-être un problème aujourd'hui, mais la Chine est une puissance sur le déclin à cause de sa politique de l'enfant unique et des génocides de fillettes. La Chine va avoir un problème démographique très important dans les années à venir qu'il lui faudra gérer et à ce moment-là, elle ne sera plus en mesure de venir vous noyer sous des produits pas cher. Non, le Brésil est un problème. L'Inde, l'Argentine en sont. À plus long terme l'Afrique. Mais la Chine, certainement pas. Parler du problème chinois permet juste d'occuper le champ en évitant de parler des vrais problèmes.

Et cela évite de parler des problèmes structurels français. Pensez simplement à l'ISF. Une belle réussite française que toute l'Europe nous envie puique la France est le dernier pays européen à avoir un impôt sur le patrimoine. Un si belle réussite qu'on parle sans cesse de l'abroger et que personne ne veut le faire parce que c'est un symbole et que les électeurs ne comprendraient pas. Il faut donc vous expliquer ce qu'est l'ISF. L'ISF, c'est un impôt dont l'assiette est le patrimoine. Pas les revenus, le patrimoine. J'insiste là-dessus parce que je me suis aperçu que pour l'immense majorité des gens, l'ISF est un super-impôt sur le revenu. Et le patrimoine en question est à la fois mobilier et immobilier, ce n'est pas forcément de l'argent mobilisable. C'est assez amusant et ça permet à des gens qui ne sont pas imposables sur le revenu de devoir s'acquitter de l'ISF parce qu'ils sont propriétaires d'un bout de terrain devenu constructible dans un coin recherché ou d'un appartement de famille à Paris. C'est pour ces gens que le bouclier fiscal a été instauré lorsque le gouvernement s'est aperçu que des allocataires du RMI étaient redevables de l'ISF (dans les Charentes et en Savoie où se sont créées des associations de défense).

Lorsque ces contribuables ont un portefeuille contenant des valeurs mobilières, ils paient. Lorsque ce n'est pas le cas, ils ont deux solutions principales :

  • vendre le bien pour s'acquiter de cet impôt. Mais à qui vendre ? À Paris, les investisseurs sont soit étrangers, soit des émanations de grandes banques qui transforment les appartements de rapport en bureaux. Il y a d'ailleurs des quartiers entiers qui se sont vidés de leurs habitants. La conséquence directe est l'augmentation de la pression sur les autres biens dont les prix s'envolent et la fameuse crise du logement. Il y a en région parisienne une crise du logement non pas parce qu'il y a moins de biens disponibles ou plus de demande, mais parce que ces biens ont tout intérêt d'être transformés en bureaux et l'ISF n'y est vraiment pas étranger. Le mécanisme s'entretient alors de lui-même et des associations pleurent parce que les ménages les moins aisés ne trouvent plus à se loger à des prix acceptables sauf à aller en très lointaine banlieue ;
  • emprunter pour investir dans des PME au titre de la défiscalisation en gageant ses valeurs immobilières. Au bout de cinq ans, le contribuable vend alors ses parts de capital au plus offrant. Généralement, si l'entreprise est prometteuse, il s'agit d'un fond d'investissement étranger. Résultat des courses, toutes les entreprises françaises intéressantes sont vendues par morceaux à des fonds étrangers puis ferment ou sont délocalisées dans l'indifférence générale. C'est pour cela qu'il n'y a plus de PME moyennes dans notre beau pays. Et les gouvernements successifs se demandent encore pourquoi.

Mais pas un seul candidat ne parle de stabiliser la fiscalité française (quatre lois fiscales par ans sur les dernières années) pour éviter que le capital ne parte à l'étranger alors que la dernière étude de Bercy montre bien que si l'argent part à l'étranger (je parle des pays proches, pas des paradis fiscaux à l'autre bout du monde), ce n'est pas pour une histoire de fiscalité, mais en raison d'une absence de visibilité à long terme de la fiscalité française. Pas un seul ne parle de supprimer l'ISF qui est contre-productif pour le remplacer par une tranche supérieure d'impôt sur le revenu quitte à la mettre à 60, 70 ou 80%. Il ne faut pas toucher au symbole même si ce symbole est nocif et qu'il aboutit à une foultitude de niches fiscales en tous genres.

Et lorsqu'on a en face de nous un candidat qui prend la mesure de la volatilité du capital qui est un autre mal de l'économie, il ne propose que de taxer les transactions financières. C'est ridicule, le mal n'est pas la transaction mais la volatilité du capital. Il faut un système de taxation dégressive de la plus-value. La plus-value sur un titre gardé moins de vingt-quatre heures devrait être taxée à 95% alors que la plus-value d'un titre gardé dans un portefeuille plus de cinq ans ne devrait plus être taxée.

Certains jours, nous avons presque de la chance et un candidat propose de séparer les banques d'investissement des banques de détail, mais comme ce sont actuellement ces mêmes banques qui financent les dépenses de fonctionnement de l'état, on ne l'entend ni très fortement ni très longtemps. Pourtant, cela fait trente ans que l'économie française est sous financée. Lorsque ces banques seront séparées en deux, vous verrez qu'elles trouveront intérêt à financer l'économie réelle à 3 ou 4% l'an plutôt que de faire la culbute sur des titres hasardeux en jouant avec les marchés boursiers.

Mais de quoi parle-t-on aujourd'hui ? Du problème des jeunes pour passer le permis de conduire. C'est sûr, en subventionnant le permis de conduire nous allons régler tous les problèmes du pays. Mais là encore, il s'agit d'une mesure parfaitement égoïste qui bénéficiera à l'électeur sans que jamais il n'en paie le prix. Restons un peu sérieux !

 

Camarade Mélenchon, je te hais

05.04.12 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les politiciens

Je dois te dire que je me suis fait l'un de tes militants à la sortie du RER ce matin. J'étais peut-être un peu plus énervé que d'habitude puisque la RATP m'avait fait juste avant un coup que je ne connaissais pas encore, le coup du trafic interrompu parce qu'un sac-à-dos était tombé sur la voie.

Qu'on l'écrase et qu'on passe à autre chose !

Après une vingtaine de minutes de retard à cause d'un sac-à-dos, donc, il a fallu que je tombe sur tes militants et que je me tape ton discours haineux. Je suis convaincu que tu es intelligent. Tu ne serais pas là où tu es dans le cas contraire. Comme tu sais que tu ne seras pas élu, tu peux donc promettre n'importe quoi, ça n'aura aucune conséquence pour toi. Et comme tu es un excellent tribun, tu montes dans les sondages. Mais ton programme, tes promesses devrais-je dire, ne résistent pas à l'analyse. Ce n'est pas avec ton programme que tu pourras redresser une France qui en a bien besoin. Non, ton programme est juste suffisant à faire venir des électeurs à toi, rien de plus, parce que si tu devais un jour l'appliquer, tu serais le premier dans la panade.

Mais que des gens qui ne comprennent pas vraiment ce qui se passe dans le monde actuel y croient, c'est de ta responsabilité. Tu ne peux pas d'un côté pérorer tous les jours dès que tu vois un micro à ta portée en rejetant le fait que de pauvres bougres, qui n'ont aucun début de connaissance économique, te croient. Non, demain, on ne rasera plus gratis. Demain ne sera pas meilleur. On ne pourra pas augmenter les salaires sans relancer efficacement l'économie. On ne pourra pas maintenir le système social sans avoir une économie performante. Et si on veut éviter de finir comme un pays sous-développé, il est grand temps de s'en rendre compte.

 

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