Le ver est dans l'agrume

20.02.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Mauvais esprit, Je hais l'informatique, Monde de merde

Je pense qu'il y en a parmi vous qui accèdent au réseau Internet grâce à l'opérateur Orange. Heureux que vous êtes, vous n'imaginez pas la chance que vous avez puisque contrairement aux abonnés des autres fournisseurs d'accès internet, vous recevez ou allez maintenant recevoir du spam en fonction de vos habitudes sur la toile. C'est un immense progrès.

L'article 17 de ses conditions générales de vente datant de 2010 est pourtant déjà éloquent puisqu'il permet à l'opérateur de quitter son rôle de fournisseur d'accès en utilisant des données relatives au trafic des abonnés à des fins publicitaires. L'opérateur se réserve aussi le droit d'utiliser ces données durant les douze mois suivant leur émission. Il ne vous prend pas en traitre, il vous prévient.

La CNIL, qui ne rate pas une occasion de faire parler d'elle, n'avait pourtant pas tari d'éloges lorsque Orange a lancé ce qui était présenté comme un service révolutionnaire. Pourtant, Orange ne se cachait pas utiliser le DPI (Deep Packet Inspection) qui est une violation de la correspondance privée. En d'autres termes, si votre facteur se permet d'ouvrir votre courrier sans une raison valable — adresse illisible par exemple —, vous êtes en droit de porter plainte. Si Orange fait la même chose avec votre courrier électronique ou avec les données de votre navigation sur Internet, non seulement vous ne pouvez rien dire, mais en plus il faudrait lui dire merci parce qu'il s'agit d'un service révolutionnaire et gratuit.

Le problème dans cette affaire n'est pas l'utilisation de la technologie DPI. Après tout, des sites comme Google l'utilisent, mais ils ont au moins la décence de ne pas avancer cachés. Chez Orange, c'est plus mesquin, puisque l'utilisateur moyen, qui non seulement ne lit pas les conditions générales de vente — ou alors en diagonale, ce qui revient au même —, n'est pas toujours en mesure de comprendre ce qui se cache derrière un article aussi alambiqué.

Vous me demanderez pourquoi j'écris aujourd'hui un tel billet. C'est assez simple. Je gère plusieurs clients qui sont contraints de rester chez Orange et ceux-ci ont reçu récemment un courrier électronique contenant le paragraphe suivant :


Par l’acceptation de cette offre, vous autorisez France Télécom à utiliser les données relatives à votre trafic afin de pouvoir vous proposer les produits ou services de France Télécom pouvant répondre à vos besoins, et ce pour une durée de douze (12) mois à compter de leur émission. Vous pouvez vous opposer à cette utilisation à tout moment en contactant l’Orange Service Clients – Gestion des données personnelles – 33734 Bordeaux cedex 9.


Je ne sais pas si vous voyez bien le côté absurde de la chose. Pour interdire l'utilisation de ses données personnelles à fins de prospectives publicitaires ciblées, l'agrume demande à ses clients d'envoyer un courrier papier a son service clients. Pour un fournisseur d'accès internet qui règle tous ses différends avec ses clients par courrier électronique, c'est un peu fort. Mais le client ayant d'autres choses à penser, c'est autant de clients qui vont oublier de résilier cette partie du contrat. Et quand bien même un courrier sera-t-il envoyé à Bordeaux, quelle garantie avons-nous qu'Orange arrêtera ce service sur la ligne du client en question ?

La technologie DPI pose déjà de nombreux problèmes lorsqu'elle est utilisée par des marketteux et des publicitaires. Imaginez maintenant qu'elle soit utilisée par une dictature. Dormez sur vos deux oreilles, brave gens, l'agrume veille.

 

État grippal

17.02.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit

Je ne sais pas si vous avez bien fait attention, mais l'annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy à un deuxième mandat présidentiel a été faite le même jour que celle de l'arrivée de l'épidémie de grippe en France. Je ne sais pas s'il y a là un lien de cause à effet, mais la coïncidence est assez troublante pour être remarquée, la France étant depuis quelque temps dans un état grippal assez prononcé.

Le même jour, nous avons découvert sous nos yeux ébahis — enfin les vôtres parce que personnellement, je suis grincheux et blasé — son affiche de campagne. Je ne résiste pas à vous présenter l'affiche originelle, celle-ci ayant été détournée avec des slogan comme la « la France morte » ou « la Francfort » et force incrustations d'images en arrière plan.

Fig. 1 : affiche officielle de la campagne

On me souffle dans l'oreille que l'affiche ci-dessus n'est pas la bonne et que celle-ci daterait de 1942. Pourtant, la ressemblance est frappante et je m'étonne que personne n'ait encore fait le rapprochement. Encore une erreur des communicants. Voici donc l'affiche officielle.

Fig. 2 : image du petit Nicolas qui veut paraître plus que sa taille alors qu'il n'y a aucune honte à être petit.

Son bilan est catastrophique — et je le dis d'autant plus que, si je porte à droite, j'ai surtout dû le supporter ! — mais jusque là, pourquoi pas. Il a parfaitement le droit de faire prendre à ses électeurs leurs vessies pour des lanternes. C'est le jeu, et si on a donné le droit de vote à tout le monde, c'est-à-dire aussi à tous les imbéciles, pourquoi s'en priver ? À sa place, je ne risquerais pas de prendre une claque aux prochaines élections, je partirais dignement sans demander mon reste et sans le déshonneur d'une défaite annoncée. Tout au plus, passerais-je pour un incompris. De Gaulle l'avait fait avant lui, Giscard n'a pas eu la défaite humiliante qui lui est actuellement promise dans les sondages et qui risque fort de ne pas changer en deux mois parce qu'il y a à la fois un rejet de la politique et de l'homme, même pour des gens votant traditionnellement à droite, je pense en particulier aux gaullistes sociaux et au centre-droit.

Sur cette affiche, le plus gênant est l'image en arrière plan. Vous allez me dire que c'est une photographie d'une mer ou d'un océan quelconque. Mais Numerama nous fait découvrir qu'il s'agit en fait d'une vue de la mer Égée depuis une côte de Grèce. La découverte a été permise par la diffusion du fichier numérique de l'affiche qui révèle, quel dommage, les données EXIF du fichier. On voit que la description de l'image de fond n'a pas été changée et qu'il s'agit d'une photo de la banque d'images Tetra Images intitulée « Greece, Clouds over Aegean See ».

La France n'a certainement pas assez de côtes maritimes pour en tirer une image de mer calme. Et surtout, que faut-il comprendre ? Je ne peux pas croire que les communicants ou prétendus tels du nouveau candidat soient tellement mauvais qu'ils n'aient pas vu le rapprochement que pourraient faire les mauvais esprits entre l'état de la France et celui de la Grèce qui se situe actuellement au bord de l'insurrection et du chaos financier.

Une gaffe de plus. Mais où s'arrêtera-t-il ?

 

Ça m'angoisse...

16.02.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit


Anton Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l'ouvrit, il lut; mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.
Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu'il passa sur son front, sur son cou.
Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu'un glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.
Sur l'abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l'aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s'avançait, traînant un brin d'alfa. Il s'approcha, voulant l'aplatir d'un coup vif, mais l'animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu'il ait pu l'assaillir.


Ceux qui ont quelques lettres auront reconnu un passage de « La Disparition » de Georges Perec, membre de l'oulipo. Si vous faites attention, vous remarquerez que ce livre conséquent ne comporte pas la lettre « e », une prouesse en français, un peu comme si Schiller n'avait jamais utilisé le « s ».

Comment Georges Perec a-t-il pu signer « La Disparition » ? Je n'irais pas jusqu'à dire que cette question m'obsède et m'empêche de dormir, mais cette question mérite qu'on la pose.

 

Sans la liberté de blâmer

15.02.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Vieux con

Je ne lis plus le Figaro depuis que Serge Dassault a transformé le « premier quotidien national français » en organe officiel de l'UMP. Il ne faut pas se leurrer, le Figaro est aujourd'hui ce que la Pravda était au parti communiste de l'Union Soviétique. En pire, peut-être, parce que la Pravda comptait une pagination un peu plus étoffée.

Ce matin, j'ai trouvé un exemplaire du Figaro sur mon bureau. J'ai été désagréablement surpris. Le Figaro est aujourd'hui pathétique, réduit à sa portion congrue, un peu comme France Soir ou le Quotidien de Paris juste avant leurs naufrages respectifs. Je me souviens, il y a une quinzaine d'années, que ce journal comptait entre cinquante et cent pages de grand format. Les articles étaient des articles de fond et de bonne facture. Il y avait un carnet international et national, un carnet sport, un économique et en fonction du jour de la semaine, un carnet différent touchant à la culture. La pagination actuelle se réduit à une vingtaine de pages auxquelles s'adjoint le traditionnel carnet saumon traitant d'économie. Une autre chose m'a frappé. Il y a quinze ans, il y avait des tribunes de deux pages d'hommes politiques de tous bords. Aujourd'hui, les articles politiques se bornent à une chambre d'enregistrement de l'UMP sans aucune analyse. Je ne suis pas vraiment de gauche, mais je ne supporte plus les outrances de la droite française dite décomplexée.

Pourtant, la devise du quotidien est passée dans le même temps de l'ours à la manchette. Je vous rappelle que cette devise, empruntée à Beaumarchais, est la suivante : « sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ». On aurait pu se dire qu'une telle mise en exergue aurait eu une conséquence sur la ligne éditoriale du journal. Même pas.

Il reste tout de même un espoir pour sauver le plus vieux quotidien national français. Les journalistes du Figaro s'élèvent de plus en plus contre la ligne éditoriale imposée par sa direction et réclament de pouvoir faire leur travail et uniquement leur travail de journalistes.

À une heure où les journalistes qui font autre chose que de retranscrire bêtement ce qu'on leur dit se comptent sur les doigts de la main de Django Reihnardt, le fait que ces journalistes s'opposent à leur direction apporte un réel bol d'air. Reste maintenant que cette révolte soit suivie d'effets.

 

De la nécessité du strabisme

14.02.12 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Haines ordinaires

En note liminaire, je dois vous dire que malgré un certain nombre de centaines de milliers de kilomètres au compteur, je n'ai encore jamais été verbalisé et garde aujourd'hui malgré tous les efforts du gouvernement les douze points de mon permis de conduire. Je n'ai eu qu'un seul accident pour lequel ma responsabilité a été fixée par mon assurance à 0 %, une brave dame ayant decidé de sortir d'une place de stationnement et d'entamer un demi tour juste au moment où j'arrivais à sa hauteur. Je grinche aujourd'hui non parce que le gouvernement et la prévention routière luttent contre la « violence routière » qu'on devrait plutôt appeler la mortalité ou la morbidité routière, mais parce que ce même gouvernement devrait arrêter de prendre l'automobiliste pour un imbécile voire une simple vache à lait. Remarquez bien que je parle de l'automobiliste et non du motard, parce que l'immense majorité des radars mobiles que je vois sur les routes visent par l'avant, juste par un angle où il est impossible de voir la plaque d'immatriculation de la monture dudit motard.

Attention, je ne prétends pas qu'il faille laisser les gens rouler à n'importe quelle vitesse. Je prétends qu'une partie non négligeable de ces radars fixes ou mobiles ne sont là que pour arrondir les fins de mois difficiles du budget de l'état. Je prétends aussi qu'une bonne part de ces accidents ne sont pas dus à la simple vitesse mais à tout un tas accumulés au même endroit et au même moment d'erreurs ou de réactions incontrôlées. Je suis aussi frappé par la conduite de certains usagés de la route qui ne sont manifestement pas en état de conduire — ou qui n'ont jamais su conduire et ce n'est pas une question d'âge — ou qui font prendre délibérément des risques aux autres usagés. Que ceux-ci terminent dans le fossé ne me dérange pas plus que ça, mais qu'ils provoquent un accident avec des tiers qui n'ont rien demandé m'ennuie aux entournures.

Vous le savez, ou vous ne le savez pas, mais je circule dans des véhicules qui entrent dans la classe des grandes routières. Ces véhicules sont, disons le mot tabou, assez puissants sans toutefois être des voitures de sport et je ne les ai pas achetés dans le seul but insigne d'enfreindre les limitations de vitesse. Je les ai achetés parce que lorsque je prends la route, mon quantum d'unité est au bas mot la centaine de kilomètres.

J'étais donc dimanche dernier en train de circuler entre Saint-Dié-des-Vosges et Nancy, sur une route nationale en deux fois deux voies de type autoroutier. C'est-à-dire que cette route n'avait aucune intersection (croisements à dénivellation), une bande d'arrêt d'urgence et était à cet endroit considérée comme « route pour automobile » au sens du code de la route et limitée à 110 km/h. Il n'y avait donc aucune chance de tomber sur un vélocipède, une voiture sans permis ou un véhicule agricole, le véhicule le plus lent autorisé à emprunter en la rendant cette voie étant un véhicule capable d'atteindre en palier la vitesse de 60 km/h selon le code de la route. Or pour ceux qui connaissent cette route, il y a un certain nombre de côtes qui se succèdent assez rapidement. J'étais dans l'une d'elle en train de dépasser une suite de véhicules qui roulaient lentement avec l'aiguille du tachymètre bloquée à 110 km/h. Or, en arrivant au sommet de cette côte, qu'ai-je vu juste derrière elle ? Une voiture banalisée planquée derrière un bosquet avec un radar embarqué ! Si dans la côte j'étais bien à 110 km/h, ma voiture rend 140 ch au frein, ce qui fait qu'en étant concentré sur les véhicules que je dépassais pour éviter de les emboutir, ça aurait fait mauvais genre, je n'avais pas les yeux rivés sur mon tachymètre et que l'inversion de pente aidant, je me suis retrouvé en excès de vitesse. Je ne sais pas encore si je vais recevoir un avis de procès-verbal, mais si tel était le cas, je le prendrai assez mal. Non pas parce que je suis passé devant un radar un peu vite, mais parce que je défis quiconque dans un véhicule sans limiteur de vitesse couplé à un frein de passer cette côte à 110 km/h et de ne pas se retrouver en léger excès de vitesse à son sommet.

Il faudra bientôt avoir un strabisme sévère pour passer son permis de conduire, avec un œil sur le compteur et un autre pour la route, et tout ça sous couvert de prévention routière. Dites, les gens du ministère, ne nous prendriez-vous pas que pour des imbéciles ? Un radar à un tel endroit n'est pas là pour sauver des vies — vous auriez beaucoup de mal à le justifier ou simplement le faire accroire —, il n'est là que pour faire du chiffre à l'instar de beaucoup d'autres radars. Je puis vous indiquer un certain nombre de radars automatiques sur des routes que rien ne justifie, réglés à 50 ou 70 km/h sur des quatre voies, voire à 70 km/h en plein milieu de la campagne sur une ligne parfaitement droite sans même qu'il y ait un carrefour, alors qu'un autre, à quelques kilomètres de là, attrape les gens qui dépassent le 90 km/h en agglomération où le bon sens voudrait qu'on ne dépasse pas le 70 voire le 50 km/h. Encore une fois, mon discours n'est pas de retirer les radars automatiques, certains sont parfaitement justifiés, mais de les concentrer là où il y en a réellement besoin. Cela ne semble pas être le cas actuellement, et surtout, cela semble incompatible avec le but qui est ouvertement de collecter des fonds pour telle ou telle cause dont la prévention routière.

Mais il est beaucoup plus simple de transformer l'automobiliste lambda en délinquant. C'est facile et cela rapporte de l'argent à l'état. En revanche, lutter contre la vraie violence routière, ça demande des moyens. Ça demande des contrôles d'alcoolémie ou de conduite sous l'état de stupéfiants réguliers. En plus de vingt ans et malgré tous les kilomètres que j'ai pu faire, je n'ai été contrôlé que deux fois et j'ai vu des gendarmes aider des types complètement saouls à ouvrir leur voiture pour prendre la route, c'était en Alsace, un samedi soir de juillet 1996, lors d'une des nombreuses fêtes autour du pinard local. D'après les statistiques officielles, pourtant, 30% des accidents de la route sont dus à l'alcool. Ça impose aussi que l'on contrôle le comportement des usagés de la route, donc les changements de files, les respects des distances de sécurité et des priorités, les dépassements par la droite qui sont devenus courants voire traditionnels, les respects de la signalisation horizontale parce que pour certains, une ligne continue est un appel à dépasser… Et je ne parle pas du clignotant qui devrait, vu son usage limité, bientôt être proposé en option sur les nouveaux véhicules.

C'est uniquement en faisant respecter le code de la route et tout le code de la route — pas seulement les vitesses — que non seulement vous ferez accepter les sanctions mais que vous ferez aussi baisser la violence routière. Poser des radars dans le seul but de gagner de l'argent ne va aboutir qu'à un jeu du chat et de la souris avec les forces de l'ordre, ce qui sera au final préjudiciable pour tous. D'ailleurs, c'est déjà le cas, il suffit de se souvenir de la polémique engendrée par la suppression des avertisseurs de radars.

 

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