Heureux mortels que vous êtes ! Vous qui renâclez à quitter ce bas monde quel que soit le prix du kilo de poireau ou l'imminence de la troisième guerre mondiale — ce qui entre nous ne devrait plus trop tarder, car si le temps le permet, la Corée du Nord devrait faire le nécessaire rapidement, et si ce n'est la Corée, il nous reste l'Iran —, ne désespérez pas. Aujourd'hui, après votre vie virtuelle sur facebook et autres réseaux désocialisants, vous pourrez avoir une vie doublement virtuelle, une vie virtuelle depuis l'au-delà.
Vous en me croyez pas ? Mécréants que vous êtes ! Un inventeur de génie qui devrait recevoir la palme de l'invention la plus idiote du siècle — que dis-je ? — de l'histoire vient de commettre ceci :
Vous ne revez pas. Il s'agit de rester connecté pour permettre à tout le monde de recueillir les bribes de votre vie terrestre en passant près de votre petit édicule muni d'un terminal bluetooth. Personne ne dit si cette belle invention est capable d'envoyer des messages électroniques elle-même, ce qui évitera de passer par un medium africain hors de prix pour parler à Mamie Pierrette et lui demander sa recette de tournedos flambés au cognac. Personne ne dit non plus quelle sera la garantie de la chose ni comment son heureux propriétaire pourra appeler le service après-vente.
Voyons de plus près comment fonctionne ce bel objet né du délire néogothique d'un informaticien dément. Tout d'abord, il y a un panneau solaire. Il faudra donc rajouter des pics anti-pigeons pour éviter que ce panneau soit mis définitivement hors service par la fiante de ces volatiles en moins de quelques jours. Personnellement, je trouve que cette E-tomb est discriminante. Comment voulez-vous faire fonctionner cette chose dans un colombarium ? Faudra-t-il renoncer à l'incinération, consentir de servir de repas aux asticots à seule fin de posséder — le terme me semble mal choisi — une de ces pierres tombales des temps modernes ? Faudra-t-il convaincre vos descendants de payer la note d'un compteur électrique si vous avez la chance d'avoir un caveau de famille ? Cela promet d'âpres discussions de famille au coin du feu.
Mais plus que le concept pour le moins bizarre ayant conduit à la naissance de cet objet, sa publicité est un pur joyau de marketeux. Je cite :
L'E-Tomb a vraiment de quoi surprendre. Car cette pierre tombale design est en fait un véritable îlot à informations. Usant de la technologie Bluetooth, elle permet à vos proches et descendants de connaître votre vie sociale et virtuelle bien après votre mort. Ainsi, vos comptes Facebook, Twitter, Myspace, ou encore vos blogs personnels pourront être connus de tous, et renseigneront vos proches sur qui vous étiez.
En vous rendant une petite visite au cimetière, ils pourront en effet se connecter à l'aide de leurs téléphones portables à votre pierre tombale, via une clé Bluetooth, et connaître tout votre passé virtuel. Écologique, cette pierre tombale est alimentée par un panneau solaire qui n'émet aucune pollution, et qui lui permet de rester en service 24h/24. Avec l'E-Tomb, vous restez donc vivant même après la mort.
J'ai peine à croire qu'il a fallu plus de trois milliards d'années d'évolution pour que le cerveau d'un être évolué, que dis-je, de plusieurs êtres dits évolués puissent concevoir un tel objet et sa campagne publicitaire. Petit, je me demandais ce que signifiait la mention « con. à perpétuité » visible sur certaines pierres tombales du cimetière où était enterré mon grand-père. Aujourd'hui, je sais !
Cela n'a pas dû vous échapper tant on en a entendu parler. Benoît XVI publiera mardi prochain un ouvrage dans lequel il admet l'utilisation du préservatif « dans certains cas », « pour réduire les risques de contamination » du virus du sida. Dans l'ensemble, ces déclarations ont été bien accueillies.
J'aimerais assez savoir comment les rédacteurs du site du Christ Roi ont pris la chose, eux qui mesurent au microscope électronique la taille des pores des préservatifs (?) pour les comparer avec la taille des spermatozoïdes et du virus du sida et en conclure que le préservatif est inefficace dans tous les cas. Ça doit leur faire drôle.
Juste une réflexion en passant et parce qu'il ne faut jamais laisser un raisonnement en plan : les chambres à air de vélocipède ne laissent passer ni les molécules de dioxygène ni celles de diazote formant 99% de l'atmosphère. Ces deux molécules sont bien plus petites que le virus du sida. Pourquoi ces gens-là n'utiliseraient-ils pas des chambres à air pour se protéger ? Vous me direz que c'est talqué et que ça doit être assez désagréable, mais quand on aime, on ne compte pas ! Et puis restons français et remplaçons tous ces bouts de latex fabriqués on ne sait où par on ne sait qui par des vrais bouts d'Airstop Butyl clermontois. Vu la consommation française de ce genre de chose, Bibendum appréciera.
Donc l'église admet l'utilisation du préservatif. Il était temps. Benoît XVI enfonce même le clou en déclarant que « dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement », ce qui est un propos révolutionnaire puisqu'il dissocie la sexualité de la reproduction. Oui, mécréants que vous êtes, pour l'église, la sexualité doit avoir pour but la naissance d'un nouveau fidèle. Elle n'est que ça et finit mal puisqu'il est écrit qu'elle finira dans la douleur sans péridurale. Et pour ceux qui ne seraient pas trop mécréants et qui ne me croient pas, qu'ils aillent relire le « fêtes et saisons » traitant du mariage. Personne ne fait attention à cela, mais relisez attentivement les textes, c'est édifiant !
Mais Benoît XVI semble bien seul. Ses propos sont jugés tellement révolutionnaires pour la curie que le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, n'a de cesse depuis le 20 novembre dernier de minimiser la portée des propos du pape. Benoît XVI retire peut-être doucement la capote de l'index, faut-il encore que l'église suive.
Triste jour pour la gastronomie française que ce troisième jeudi de novembre. Aussi sûrement que la vérole s'abat sur le bas clergé, le beaujolais nouveau est arrivé. Je ne peux pas à concevoir que ce breuvage puisse mériter le nom de vin, même nouveau. Il faut tout de même constater que le Beaujolais nouveau est quand même la boisson la plus infâme juste peut-être après l'eau minérale et le whisky. Enfin, certaines années, on a de la chance et, on ne sait pas pourquoi, il est presque buvable. D'autres années, il oscille entre le vinaigre et le débouche-évier.
Je vous rappelle à toutes fins utiles que l'UNESCO a classé cette semaine le repas gastronomique français au patrimoine immatériel de l'humanité. L'histoire ne dit pas si c'est avec ou sans le Beaujolais nouveau, ni si la coïncidence est fortuite.
Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse payer pour avaler un truc pareil. C'est tout de même une grande réussite des vignerons du Beaujolais : faire passer pour indispensable la pire des piquettes du Beaujolais. Pire, le faire passer pour une tradition française à l'étranger de telle sorte que les japonais nous en achètent des tonneaux entiers. Il est triste qu'il soit devenu si cher que ces mêmes japonais soient devenus sobres… Vous allez me dire que c'est un moment de socialisation avinée. Pourquoi pas, mais je pose la question : pourquoi payer cher une boisson ignoble qui fait tomber les dents et prépare un ulcère alors que pour le même prix, on arrive à trouver un petit Bourgueil pas mauvais du tout, voire un Chablis pour ceux d'entre-vous qui préfèrent le blanc. Je ne vois pas pourquoi le fait de remplacer le débouche-évier par une boisson potable ferait perdre le côté festif de la chose. À moins, peut-être, que le côté festif doive contenir l'étape de régurgitation sur un trottoir qui n'en demandait pas tant d'un repas à peine digéré assaisonné de Beaujolais. Et franchement, à la seule odeur de ce qui reste sur le trottoir, je me dis que non seulement le Beaujolais n'est pas vraiment bon à avaler, mais ça doit encore être plus mauvais à vomir.
Cela ne vous a pas sans doute pas échappé, nous venons d'étrenner un nouveau gouvernement qui devra durer dix-huit mois. Les premières conférences de presse ont eu lieu et Christine Lagarde nous a aimablement signalé que le nouveau gouvernement est totalement révolutionnaire, avec virage à 360 degrés. Signalons tout aussi aimablement à Christine Lagarde qu'un virage à 360° et, à moins que la géométrie que l'on considèrera en première approximation euclidienne n'ait changé depuis ma sortie de l'école, c'est une ligne droite.
Soit. La continuité est révolutionnaire. Remarquez, je n'imagine pas Christine Lagarde avec un couteau entre les dents.
Ce matin, la même Christine Lagarde était l'invitée des matinales d'Inter. Décidément, depuis lundi dernier, tous les politiques y passent. Le discours est le même que celui de tous les autres membres du gouvernement : nous allons faire des efforts pour réduire le déficit qui ne sera plus que de 91 milliards d'euros pour 2011. Rien que cela devrait faire bondir puisque la dette augmentera d'à peu près 10 000 de nos défunts francs par habitant de notre beau pays de France, soit pour parler plus prosaïquement, de près d'un dizième du revenu annuel du salarié médian. Dit comme ça, ça devrait commencer à faire réfléchir. Notez qu'au passage, je serais assez curieux de savoir ce qui est affecté à l'amortissement de la dette passée et à ses intérêts.
Un auditeur sachant auditer, photographe de son état, s'est permis de demander à Christine Lagarde pourquoi, malgré l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle, la sienne avait augmenté de 30% cette année, sautant à pieds joints dans le plat de la soi-disante suppression de cette taxe. Effectivement, cette taxe n'a pas été supprimée et je suis bien placé pour le savoir vu que la mienne aussi a augmenté. Seule la partie de cette taxe correspondant aux investissements matériels l'a été, mais pour que Bercy s'y retrouve, elle a été reportée sur l'équivalent pour les entrerprises de la taxe d'habitation qui est, elle, du ressort du second volet de la taxe professionnelle. Je ne sais pas si vous voyez bien de quoi je parle. Grossièrement, il s'agit d'un système de vases communiquant, d'un jeu à somme nulle, reportant la taxe sur les investissements touchant principalement l'industrie sur les entreprises de services.
Donc non seulement, et contrairement aux annonces gouvernementales qui laissaient croire que la suppression de cette taxe était un cadeau au patronat, cette taxe n'est pas supprimée voire augmente, mais elle augmente d'autant plus pour les entreprises de service largement concurrencées aujourd'hui par le statut d'auto-entrepreneur qui n'est pas soumis à la même fiscalité.
La question de l'auditeur a permis à Christine Lagarde de se lancer dans un numéro d'équilibriste de haut vol. Certes, cette modification de la taxe professionnelle a coûté quelques milliards à l'état, mais il ne faut pas oublier que cette taxe est perçue par l'état et par tout un ensemble de collectivités locales allant de la commune à la région qui, de peur de ne plus toucher de subsides, ont joyeusement augmenté leurs taux respectifs. L'un dans l'autre, je ne suis pas vraiment sûr que cette opération ait coûté un centime. En revanche, il y a un une campagne de communication sur le dos des entreprises une fois de plus.
J'en arrive même à me demander si le gouvernement actuel est encore un gouvernement, un ensemble d'hommes et de femmes capables de prendre des décisions pour le bien d'une nation, ou une simple équipe de « communicants » au service de leur champion. De technicien, l'homme politique devient de plus en plus un simple communicant au service d'une politique de partis et de textes de lois écrits par les lobbies qui campent dans les antichambres de l'assemblée nationale. À ce propos, je ne sais pas si vous avez déjà mis les pieds à l'assmblée nationale, mais pour avoir vu plusieurs parlementaires pour essayer de leur faire comprendre ce que vivent aujourd'hui les PME, j'ai eu l'occasion d'observer les actions des lobbies. C'est assez effarant.
La vraie question est donc de savoir si le gouvernement possède encore une marge de manœuvre pour diriger le pays.
Nous sommes des gros gâtés. Je n'ai pas l'impression que nous sommes en campagne électorale, pourtant, nous assistons à un défilé continuel d'hommes politiques de la majorité et des oppositions invités dans les matinales de France Inter.
Ce matin, chanceux que nous sommes, nous avons eu la joie — ou la tristesse — d'écouter François Bayrou, fossoyeur de l'UDF, inventeur du Modem et du shadow cabinet, deux choses qui manquaient cruellement au paysage politique français. Notez bien que j'ai écrit écouter et non entendre, tous les mots ont leur importance.
François Bayrou est ce qu'il est convenu d'appeler un ancien jeune loup de l'UDF qui a décidé, un jour, par opportunisme et mauvais calcul politique, de mordre la main qui le nourrissait. L'UDF a implosé pour donner naissance après un virage à gauche au Modem — un joli nom, peut-être choisi en raison de leur communication cryptique — et à la nouvelle UDF rebaptisée Nouveau Centre.
Je ne supporte pas François Bayrou. Cela doit provenir de son côté donneur de leçon ou de sa façon de répondre aux journalistes. Pourtant, je l'ai écouté malgré mes a priori pour connaître ses propositions. Après une grosse demi-heure d'entretien, je ne suis pas plus avancé. Tout juste ai-je compris qu'il ne s'alliera ni avec Ségolène Royal, ni avec la droite et encore moins avec le Nouveau Centre, ces renégats ! Enfin, c'est ce qu'il prétend aujourd'hui. Quant à sa ligne politique, en dehors du ni droite ni gauche, pas un mot compréhensible. Pourtant, les journalistes l'ont poussé dans ses retranchements, posant des questions qui appelaient des réponses intéressantes. Rien. Autant souffler dans une contrebasse pour en faire sortir de la musique. François Bayrou répondait ce qu'il voulait à des question qu'on ne lui avait pas posées. À la voix près, j'avais l'impression de me retrouver dans les années 1980 à écouter une interview par Jean-Pierre Elkabach du plus grand humoriste de l'époque, j'ai nommé Georges Marchais, qui lui répondait sans se démonter :
Ce sont [peut-être] vos questions, mais ce sont mes réponses.
Et les journalistes ramaient autant que les Shadoks pompaient. Pourtant, le président du Modem aurait eu des choses à dire. Il y a actuellement un boulevard entre le gouvernement actuel et les proposition irréalistes du parti socialiste, boulevard dans lequel est en train de s'engouffrer Jean-Louis Borloo suivi par une grande partie des centristes depuis qu'il s'est désolidarisé avec fracas de la politique gouvernementale. Ne pas avoir précisé plus sa ligne politique revient à dire qu'elle n'existe pas, voire qu'elle est floue ou qu'elle suit le sens du vent ou le cours du veau.
Je n'arrive pas à imaginer qu'un homme politique ne puisse aujourd'hui prendre position sur l'état de la France et sur les réformes gouvernementales. Les sujets de discussion sont pourtant nombreux : entre la dernière réforme des retraites qui ne sert qu'à rassurer les marchés financiers, la fiscalité aberrante, la grogne sociale justifiée ou non, l'état des finances françaises, il y avait vraiment matière. Cette absence de position claire ne peut s'interpréter que comme une absence de conviction. François Bayrou semble être à l'écoute plus du peuple pour fixer sa ligne politique que de ses convictions intimes. C'est la seule justification de son côté ni droite ni gauche alors qu'il sait qu'il ne pourra rien faire seul.
Je ne vois donc pas comment faire confiance à quelqu'un comme lui, à quelqu'un qui avance masqué sans réelles convictions. Vous me direz qu'Edgar Faure, centriste de son état, disait déjà que ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent. Peut-être le vent tournera-t-il. Peut-être aussi certains hommes politiques, pour paraphraser Voltaire, sont comme des girouettes et se fixent quand ils rouillent.
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