Triste jour pour la gastronomie française que ce troisième jeudi de novembre. Aussi sûrement que la vérole s'abat sur le bas clergé, le beaujolais nouveau est arrivé. Je ne peux pas à concevoir que ce breuvage puisse mériter le nom de vin, même nouveau. Il faut tout de même constater que le Beaujolais nouveau est quand même la boisson la plus infâme juste peut-être après l'eau minérale et le whisky. Enfin, certaines années, on a de la chance et, on ne sait pas pourquoi, il est presque buvable. D'autres années, il oscille entre le vinaigre et le débouche-évier.
Je vous rappelle à toutes fins utiles que l'UNESCO a classé cette semaine le repas gastronomique français au patrimoine immatériel de l'humanité. L'histoire ne dit pas si c'est avec ou sans le Beaujolais nouveau, ni si la coïncidence est fortuite.
Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse payer pour avaler un truc pareil. C'est tout de même une grande réussite des vignerons du Beaujolais : faire passer pour indispensable la pire des piquettes du Beaujolais. Pire, le faire passer pour une tradition française à l'étranger de telle sorte que les japonais nous en achètent des tonneaux entiers. Il est triste qu'il soit devenu si cher que ces mêmes japonais soient devenus sobres… Vous allez me dire que c'est un moment de socialisation avinée. Pourquoi pas, mais je pose la question : pourquoi payer cher une boisson ignoble qui fait tomber les dents et prépare un ulcère alors que pour le même prix, on arrive à trouver un petit Bourgueil pas mauvais du tout, voire un Chablis pour ceux d'entre-vous qui préfèrent le blanc. Je ne vois pas pourquoi le fait de remplacer le débouche-évier par une boisson potable ferait perdre le côté festif de la chose. À moins, peut-être, que le côté festif doive contenir l'étape de régurgitation sur un trottoir qui n'en demandait pas tant d'un repas à peine digéré assaisonné de Beaujolais. Et franchement, à la seule odeur de ce qui reste sur le trottoir, je me dis que non seulement le Beaujolais n'est pas vraiment bon à avaler, mais ça doit encore être plus mauvais à vomir.
Cela ne vous a pas sans doute pas échappé, nous venons d'étrenner un nouveau gouvernement qui devra durer dix-huit mois. Les premières conférences de presse ont eu lieu et Christine Lagarde nous a aimablement signalé que le nouveau gouvernement est totalement révolutionnaire, avec virage à 360 degrés. Signalons tout aussi aimablement à Christine Lagarde qu'un virage à 360° et, à moins que la géométrie que l'on considèrera en première approximation euclidienne n'ait changé depuis ma sortie de l'école, c'est une ligne droite.
Soit. La continuité est révolutionnaire. Remarquez, je n'imagine pas Christine Lagarde avec un couteau entre les dents.
Ce matin, la même Christine Lagarde était l'invitée des matinales d'Inter. Décidément, depuis lundi dernier, tous les politiques y passent. Le discours est le même que celui de tous les autres membres du gouvernement : nous allons faire des efforts pour réduire le déficit qui ne sera plus que de 91 milliards d'euros pour 2011. Rien que cela devrait faire bondir puisque la dette augmentera d'à peu près 10 000 de nos défunts francs par habitant de notre beau pays de France, soit pour parler plus prosaïquement, de près d'un dizième du revenu annuel du salarié médian. Dit comme ça, ça devrait commencer à faire réfléchir. Notez qu'au passage, je serais assez curieux de savoir ce qui est affecté à l'amortissement de la dette passée et à ses intérêts.
Un auditeur sachant auditer, photographe de son état, s'est permis de demander à Christine Lagarde pourquoi, malgré l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle, la sienne avait augmenté de 30% cette année, sautant à pieds joints dans le plat de la soi-disante suppression de cette taxe. Effectivement, cette taxe n'a pas été supprimée et je suis bien placé pour le savoir vu que la mienne aussi a augmenté. Seule la partie de cette taxe correspondant aux investissements matériels l'a été, mais pour que Bercy s'y retrouve, elle a été reportée sur l'équivalent pour les entrerprises de la taxe d'habitation qui est, elle, du ressort du second volet de la taxe professionnelle. Je ne sais pas si vous voyez bien de quoi je parle. Grossièrement, il s'agit d'un système de vases communiquant, d'un jeu à somme nulle, reportant la taxe sur les investissements touchant principalement l'industrie sur les entreprises de services.
Donc non seulement, et contrairement aux annonces gouvernementales qui laissaient croire que la suppression de cette taxe était un cadeau au patronat, cette taxe n'est pas supprimée voire augmente, mais elle augmente d'autant plus pour les entreprises de service largement concurrencées aujourd'hui par le statut d'auto-entrepreneur qui n'est pas soumis à la même fiscalité.
La question de l'auditeur a permis à Christine Lagarde de se lancer dans un numéro d'équilibriste de haut vol. Certes, cette modification de la taxe professionnelle a coûté quelques milliards à l'état, mais il ne faut pas oublier que cette taxe est perçue par l'état et par tout un ensemble de collectivités locales allant de la commune à la région qui, de peur de ne plus toucher de subsides, ont joyeusement augmenté leurs taux respectifs. L'un dans l'autre, je ne suis pas vraiment sûr que cette opération ait coûté un centime. En revanche, il y a un une campagne de communication sur le dos des entreprises une fois de plus.
J'en arrive même à me demander si le gouvernement actuel est encore un gouvernement, un ensemble d'hommes et de femmes capables de prendre des décisions pour le bien d'une nation, ou une simple équipe de « communicants » au service de leur champion. De technicien, l'homme politique devient de plus en plus un simple communicant au service d'une politique de partis et de textes de lois écrits par les lobbies qui campent dans les antichambres de l'assemblée nationale. À ce propos, je ne sais pas si vous avez déjà mis les pieds à l'assmblée nationale, mais pour avoir vu plusieurs parlementaires pour essayer de leur faire comprendre ce que vivent aujourd'hui les PME, j'ai eu l'occasion d'observer les actions des lobbies. C'est assez effarant.
La vraie question est donc de savoir si le gouvernement possède encore une marge de manœuvre pour diriger le pays.
Nous sommes des gros gâtés. Je n'ai pas l'impression que nous sommes en campagne électorale, pourtant, nous assistons à un défilé continuel d'hommes politiques de la majorité et des oppositions invités dans les matinales de France Inter.
Ce matin, chanceux que nous sommes, nous avons eu la joie — ou la tristesse — d'écouter François Bayrou, fossoyeur de l'UDF, inventeur du Modem et du shadow cabinet, deux choses qui manquaient cruellement au paysage politique français. Notez bien que j'ai écrit écouter et non entendre, tous les mots ont leur importance.
François Bayrou est ce qu'il est convenu d'appeler un ancien jeune loup de l'UDF qui a décidé, un jour, par opportunisme et mauvais calcul politique, de mordre la main qui le nourrissait. L'UDF a implosé pour donner naissance après un virage à gauche au Modem — un joli nom, peut-être choisi en raison de leur communication cryptique — et à la nouvelle UDF rebaptisée Nouveau Centre.
Je ne supporte pas François Bayrou. Cela doit provenir de son côté donneur de leçon ou de sa façon de répondre aux journalistes. Pourtant, je l'ai écouté malgré mes a priori pour connaître ses propositions. Après une grosse demi-heure d'entretien, je ne suis pas plus avancé. Tout juste ai-je compris qu'il ne s'alliera ni avec Ségolène Royal, ni avec la droite et encore moins avec le Nouveau Centre, ces renégats ! Enfin, c'est ce qu'il prétend aujourd'hui. Quant à sa ligne politique, en dehors du ni droite ni gauche, pas un mot compréhensible. Pourtant, les journalistes l'ont poussé dans ses retranchements, posant des questions qui appelaient des réponses intéressantes. Rien. Autant souffler dans une contrebasse pour en faire sortir de la musique. François Bayrou répondait ce qu'il voulait à des question qu'on ne lui avait pas posées. À la voix près, j'avais l'impression de me retrouver dans les années 1980 à écouter une interview par Jean-Pierre Elkabach du plus grand humoriste de l'époque, j'ai nommé Georges Marchais, qui lui répondait sans se démonter :
Ce sont [peut-être] vos questions, mais ce sont mes réponses.
Et les journalistes ramaient autant que les Shadoks pompaient. Pourtant, le président du Modem aurait eu des choses à dire. Il y a actuellement un boulevard entre le gouvernement actuel et les proposition irréalistes du parti socialiste, boulevard dans lequel est en train de s'engouffrer Jean-Louis Borloo suivi par une grande partie des centristes depuis qu'il s'est désolidarisé avec fracas de la politique gouvernementale. Ne pas avoir précisé plus sa ligne politique revient à dire qu'elle n'existe pas, voire qu'elle est floue ou qu'elle suit le sens du vent ou le cours du veau.
Je n'arrive pas à imaginer qu'un homme politique ne puisse aujourd'hui prendre position sur l'état de la France et sur les réformes gouvernementales. Les sujets de discussion sont pourtant nombreux : entre la dernière réforme des retraites qui ne sert qu'à rassurer les marchés financiers, la fiscalité aberrante, la grogne sociale justifiée ou non, l'état des finances françaises, il y avait vraiment matière. Cette absence de position claire ne peut s'interpréter que comme une absence de conviction. François Bayrou semble être à l'écoute plus du peuple pour fixer sa ligne politique que de ses convictions intimes. C'est la seule justification de son côté ni droite ni gauche alors qu'il sait qu'il ne pourra rien faire seul.
Je ne vois donc pas comment faire confiance à quelqu'un comme lui, à quelqu'un qui avance masqué sans réelles convictions. Vous me direz qu'Edgar Faure, centriste de son état, disait déjà que ce n'est pas la girouette qui tourne, c'est le vent. Peut-être le vent tournera-t-il. Peut-être aussi certains hommes politiques, pour paraphraser Voltaire, sont comme des girouettes et se fixent quand ils rouillent.
Hier matin, France Inter nous a permis d'écouter le discours de Dominique Strauss-Kahn. Cet homme devrait danser le tango. Trois pas en avant, deux pas en arrière. Et pour couronner le tout, il avance masqué, incapable de dire aujourd'hui s'il sera ou non candidat à la candidature pour l'élection présidentielle au nom du parti socialiste. Qu'on ne me fasse surtout pas croire qu'il n'a pas déjà pris sa décision.
J'attendais un discours portant sur l'économie mondiale en général et le cas de la France en particulier. Vu par le patron du FMI, cela aurait pu être intéressant. Bien mal m'en a pris puisque ce sujet, bien qu'abordé, est toujours resté dans le vague, sauf au moment où il a cru bon signaler qu'il fallait peut-être taxer un peu plus le capital qu'il ne l'était. Juste après, un petit pas en arrière, puisque, dit-il, ce sont les spécialistes du FMI qui le disent, pas moi, comprennez-vous, je ne peux pas écrire moi-même tous les rapports du FMI.
Tu parles ! Je défie quiconque de me prouver que le capital n'est pas taxé. Lorsqu'on me signale qu'il l'est moins que le travail, je pouffe parce qu'il l'est à peine moins et que c'est plutôt le travail qui est trop taxé que le capital qui ne l'est pas assez. Passons.
Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre les taxes ou les impôts divers et variés, mais il faut tout de même constater qu'en France, nous sommes champions hors catégorie.
Bref, il faut d'après lui taxer le capital. Mieux ou plus. Juste une boulette de la théorie socialiste qu'il faut très rapidement faire oublier. Pourtant, le seul moyen de faire est de permettre aux gens de s'enrichir. Pas de façon monstrueuse, mais de s'enrichir pour vivre convenablement. En France, j'ai de plus en plus l'impression qu'on a un problème avec le mot richesse. Il n'est pas bien vu de s'enrichir.
Pourtant, la question de la richesse individuelle se pose parce qu'il a été prouvé que la richesse collective ne menait à rien. Souvenez-vous de l'URSS qui était un pays riche parce qu'il produisait tous les ans une bombe thermonucléaire et une chaussure de taille 42 par habitant… Je suis assez âgé pour avoir connu l'Europe de l'est avant la chute du mur et j'en garde des souvenirs que ne peuvent imaginer ceux qui n'y ont jamais mis les pieds. J'ai des souvenirs de ces pays développés et riches dans lesquels il n'y avait même plus de queues devant les magasins parce qu'il n'y avait plus rien à acheter dans ces magasins. J'ai des souvenirs d'économies tellement florissantes qu'il fallait compter les zéros sur les billets de Zloty et faire attention car l'inflation était tellement énorme que la notion de prix n'avait plus aucun sens. Revenons au sujet. Sans richesse individuelle et locale, il n'y a aucun moyen de développement ni de redistribution, sauf à faire fonctionner la planche à billet. Vous me direz qu'il est possible d'emprunter, mais au final, l'emprunt se termine toujours par une dévaluation lorsqu'il revient comme actuellement à faire de la cavalerie. C'est juste une question de temps.
La question n'est donc pas d'empêcher les gens de s'enrichir, ce qui est tout de même ce qui est fait chez nous, mais de savoir ce qui doit relever de la répartition de ce qui ne doit pas en relever. Un état ne peut pas vivre indéfiniment au-dessus de ses moyens en redistribuant toujours plus d'argent qu'il n'a pas.
Pourquoi toujours aider plus la population à grands coups d'aides publiques alors même que cette population devrait pouvoir se débrouiller par elle-même ? Vous allez me dire que le chômage est un drame, mais pourquoi lutter contre le chômage alors qu'il serait bien plus profitable de se battre pour l'emploi ? Je suis intimement persuadé qu'on gagnerait à aider les entreprises à ne pas licencier plutôt qu'indemniser les chômeurs résultant de la fermeture de ces mêmes entreprises. Mais se battre pour garder les emplois passe pas un peu de protectionnisme, qu'il s'agisse de droits de douane, de T.V.A. sociale ou de taxe variable en fonction des kilomètres parcourus par un produit fini. Ce n'est donc pas un problème franco-français alors qu'indemniser les chômeurs n'est.
Et pendant ce temps-là, on aide. On glisse vers l'assistanat généralisé en critiquant ceux qui réussissent à sortir du lot. Pire, on considère que ce n'est ni bien ni moral. On discute sur le bouclier fiscal — oubliant qu'il profite aussi à des heureux contribuables qui ne payent même pas d'impôt sur le revenu — alors que le véritable scandale est l'ISF qu'on ne garde que pour des raisons purement idéologiques.
Pendant ce temps-là, on gesticule. On demande aux USA de ne pas dévaluer leur monnaie alors qu'ils ont toutes les bonnes raisons pour le faire, leur économie étant elle-aussi exsangue et leur dette étant détenue par la Chine en dollars US. On peut toujours demander, ça n'engage à rien et l'espoir fait vivre. C'est tellement plus facile de prétendre que les autres pays mettent l'euro dans une situation alarmante.
Il faut donc responsabiliser un peu plus l'habitant de nos contrées pour qu'il attende un peu plus de son travail et un peu moins de l'état. Tant que cela ne sera pas fait, et ce sera douloureux, nous n'en sortirons pas car il faudra toujours plus d'impôts et de taxes pour alimenter le panier percé de la redistribution. Et nous n'avons pas entendu Dominique Strauss-Kahn prendre position sur le système de répartition français, ni sur le niveau des taxes et des impôts, parce que lorsqu'on parle de dépenses, il faut tout de même ne pas oublier le volet recettes, que ces recettes soient issues de ponctions sur les contribuables ou d'emprunts sur les marchés financiers. Non, il n'en a rien dit. Tout était en filigrane, du comprend qui peut, du qui avance masqué, oscillant entre la gauche radicale et le centre mou.
La prochaine campagne électorale devrait être intéressante. Ou peut-être pas finalement, aucune alternative n'ayant assez de poids pour changer le sempiternel combat entre le parti socialiste qui n'a pas encore fait sa conversion en démocratie chrétienne et l'actuelle UMP qui frise l'hystérie néo-libérale…
Cela fait six mois qu'on en parle. Hier, François Fillon démissionne et aujourd'hui, il est remplacé par… François Fillon. La montagne accouche d'une souris, Jean-Louis Borloo claque la porte. Un communiqué de l'intéressé a été adressé aux agences de presse :
« J'ai informé le président de la République des raisons pour lesquelles j'ai choisi de ne pas appartenir à la prochaine équipe gouvernementale.
Je préfère, en effet, retrouver ma liberté de proposition et de parole au service de mes valeurs, qui ne sont pas de circonstances, au premier rang desquelles je place la cohésion sociale.
J'ai vivement remercié le président de la confiance qu'il m'a accordée au cours des trois dernières années. Grâce à lui la France a pris un virage décisif vers une croissance durable.
Par ailleurs, j'ai personnellement félicité François Fillon et lui ai adressé tous mes voeux de succès au service des Français »,
ce qui, vous l'admettrez, est un savant mélange de menace et de langue de bois. Il faut dire à la décharge de l'intéressé que son ministère d'état, pour lequel il avait déjà dû avaler un certain nombre de coulœuvres, devenait un simple ministère. Rester dans un gouvernement pour servir de caution centriste n'a pas dû être du goût de Jean-Louis Borloo.
La conséquence immédiate de la reconduction de François Fillon ne s'est pas faite attendre. Si l'UMP, certainement consciente que le centre doit être représenté au sein du gouvernement pour qu'il soit équilibré, indique être déçue, d'autres voix s'élèvent pour fustiger un coup des gaullistes et des anciens du RPR. J'ai pourtant beaucoup de mal à percevoir ce qui rapproche un membre quelconque du gouvernement actuel d'un gaulliste. Que je sache, un gaulliste n'est pas un libéral fanatique. Il n'est ni de gauche, ni de droite, il est dans l'axe.
Par ailleurs, un gouvernement me semble devoir être au service d'un pays et non d'une frange de ses électeurs ou d'un simple homme. Aujourd'hui, ce gouvernement est plus au service du président de la république, en vue de sa prochaine campagne électorale, que de la nation. Plusieurs ministres ont été reconduits alors mêmes qu'ils ont fait montre de leurs incompétences. Je pense en particulier aux locataires de Bercy qui n'ont strictement rien fait pour donner de l'air aux entreprises françaises en se demandant depuis deux ans pourquoi l'économie française allait si mal. Pourtant, il y aurait un petit nombre de mesures qui ne coûteraient pas bien cher pour aider ces PME, en tout cas largement moins cher que le coût des chômeurs supplémentaires directement issus de la mort de ces PME. Plutôt que de se demander pourquoi l'Allemagne tire mieux son épingle du jeu que la France, il suffit d'organiser une ligne politique claire et à long terme plutôt que de naviguer à vue. Un patron de PME ne peut aujourd'hui en France faire aucun investissement parce que d'une part il n'a aucune visibilité financière — contrairement à ce qui est dit les banques sont encore plus frileuse cette année que l'année dernière, j'en ai même une qui m'a demandé sans rire d'être caution solidaire d'une dette d'état sur mes biens personnels ! — et d'autre part parce qu'il n'a aucune visibilité fiscale et ne sait pas à quelle sauce il va être mangé. Deux mesures simples aideraient déjà grandement les PME : décorréler les prêts OSÉO des prêts bancaires et avoir une ligne de fiscalité des entreprises claire et sans revirements continuels.
Pour ma part, je connais bien le fonctionnement d'OSÉO. Je ne sais pas si vous savez comment cela fonctionne. C'est très simple. OSÉO propose un prêt d'investissement à une entreprise sur un projet innovant, mais ce prêt n'est accordé qu'à partir du moment où l'entreprise arrive à trouver un prêt bancaire au moins à la hauteur du montant du prêt accordé par OSÉO. Parlons chiffres. Dans mon cas, OSÉO me prêtait 160 000 € et il me fallait trouver 200 000 € dans une banque sachant que je n'avais besoin pour un contrat que j'ai perdu faute de liquidités que de 100 000 €. Le mot banque est important, il ne s'agit pas de comptes d'associés ou d'autres investissements. Et c'est là que ce beau montage coince parce qu'il faut pouvoir justifier de l'obtention d'un prêt bancaire au début d'un projet durant trois ans et permettant d'avoir toutes la trésorerie nécessaire à la conduite de ce projet. C'est peut-être voulu car d'un côté le gouvernement annonce aider les PME tout en sachant que rares seront celles qui pourront in fine bénéficier de cette aide qui n'est, je le rappelle, qu'un prêt différé. C'est aberrant et totalement impossible, une banque prêtant au fur et à mesure en fonction de l'avancée d'un projet sur investissement, et non en simple trésorerie sur du vent. La chose amusante est que je me fais démarcher régulièrement par OSÉO pour me demander où en est mon prêt bancaire de 200 000 € parce qu'ils avaient bloqué 160 000 € dans leur compte pour mon projet et qu'ils seraient vraiment désolés de ne pas pouvoir m'aider. On croit rêver !
Tout cela pour dire que les mesures annoncées avec force conviction comme quoi le gouvernement aide l'économie française en général et les PME en particulier ne sont que de la poudre aux yeux, quelque chose à mis chemin entre la méthode Coué et celle de Goebbels. Pire, c'est entre autres grâce à ces annonces que la grogne sociale monte parce que le salarié de base n'a aucune raison de mettre la parole du gouvernement en doute et n'imagine pas un seul instant que l'argent public injecté soi-disant dans l'économie ne lui profite pas. Pour lui, le patron se le met dans la poche. Si seulement il savait ce que le patronat vit actuellement !
Quant aux grands travaux d'utilité publique relancés par le fumeux ministère de la relance, ce sont juste des inepties commandées par des gens qui ont mal lu ou relu Keynes et qui appliquent brutalement, en 2010, des recettes de 1930 en faisant fi du contexte. Dans les années 30, construire des infrastructures était intelligent car le monde manquait d'infrastructures. Aujourd'hui, prétendre qu'on va relancer l'économie en restaurant des routes de montagne est aberrant. Ces routes existent, sont peut-être en état moyen, mais restaurer ces routes ne profite directement qu'aux entreprises de travaux publics, non à toute la société et encore moins à l'économie. Dans les années 30, lorsqu'on construisait une route, elle profitait à tout le monde puisqu'il n'y avait pas de route auparavant !
À l'heure où il était nécessaire de redonner à la fois une impulsion et une ligne politique à long terme, on se retrouve avec un gouvernement qui va continuer sur sa lancée parce que rien ne va changer. Il était pourtant urgent de montrer que la droite n'est pas synonyme de libéralisme débridé et qu'il existe une sérieuse opposition de droite même si elle n'a pas droit au chapitre. Il était urgent d'employer tous les moyens à enrayer la spirale infernale de la crise de laquelle nous ne sommes pas encore en train de sortir puisque nous n'en sommes pas encore au fond. Au lieu de cela, on fait du cosmétique.
Le tableau sera complet en ajoutant que les ministres non reconduits n'ont appris leur éviction qu'au travers des communiqués de presse, preuve du mépris par lequel le pouvoir les traite et de leur simple côté utilitariste.
Enfin, comme me le disait une connaissance américaine fin 2008, en France, nous ne serons jamais touchés par la crise, nous avons Christine Lagarde. Comprend qui peut !
Pages: << 1 ... 170 171 172 ...173 ...174 175 176 ...177 ...178 179 180 ... 204 >>