Je viens d'apprendre avec une certaine tristesse que Claude Reboul est décédé le 15 mars dernier à l'âge de 75 ans.
Claude Reboul, c'était un artiste atypique. Je l'ai connu parce qu'il jouait du limonaire au bout de ma rue quand je suis arrivé à Paris. À l'époque, je lui avais acheté un disque, il se présentait comme l'organiste barbare. C'était un artiste atypique, écrivain, musicien, chanteur, certains diraient un artiste fou. Je savais qu'il avait dans son Auvergne profonde quelques véhicules Citroën anciens, nous en avions discuté à l'époque. Je ne savais pas, en revanche, ce qu'il en ferait.
Dans ses mains, le Citroën Type 12 devient un instrument de musique utilisant quarante-deux trompes de camion.
Une AC4 boulangère devient la voiture de Gaston Lagaffe.
Des vidéos du Méconophone sont disponibles sur Youtube. Je vous conseille d'aller les regarder. J'espère que ses inventions loufoques vont survivre, paix à son âme.
J'ai longuement hésité avant de me convaincre d'écrire cet article et je ne l'ai fait que parce que la matinale de France Inter a récidivé et qu'il est impossible de les contacter autrement que par téléphone ou au travers de Twitter. Il n'est plus possible de mettre directement des commentaires sur leur page.
J'ai longuement hésité parce que ce n'est pas la première fois que Gérald Darmanin est interviewé dans la matinale, sans aucun contradicteur et avec des journalistes qui ne sont là que pour passer les plats si ce n'est la brosse à reluire. Gérald Darmanin est, pour ceux qui l'ignoreraient encore, le sémillant ministricule de l'action et des comptes publics, celui-là même qui déclarait sans rire il y a quelques semaines que la France avait de la chance, le Covid19 lui est tombé sur la figure alors que ses finances publiques étaient saines. Je rappelle à toutes fins utiles que le déficit calculé en dépenses sur recettes était de l'ordre de 11% l'an passé, nous ne devons donc pas avoir la même définition des finances publiques saines. Mais il est vrai que je n'ai pas eu la chance d'avoir fait Sciences Po, je ne puis donc pas comprendre.
Il y a quelques semaines, donc, il claironnait déjà que le gouvernement allait reporter à moins qu'il allait annuler les charges sociales des entreprises confrontées à la crise actuelle. Cela m'avait déjà fait bondir. Ce matin, ce cuistre réitère.
Vous vous rappelez, Gérald Darmanin est ministre. Et en tant que ministre, il ignore que les charges sociales ne sont pas gérées par le gouvernement. Les charges sociales sont gérées par les partenaires sociaux au travers de grandes entreprises (eh oui !) qui n'existent pas (eh oui, encore !) que sont les URSSAF, les différentes caisses de la SSI et plein d'autres organismes juridiquement mal identifiés gravitant dans la galaxie de la sécurité sociale. Le gouvernement n'a donc pas ses mots à dire. Il peut discuter des taux, ce qu'il fait tous les ans dans le projet de loi de finance de la sécurité sociale, il peut discuter d'un tas de choses comme des différentes couvertures, mais il n'a pas la possibilité de reporter ou d'annuler ces cotisations sauf à prétendre que la sécurité sociale serait un organisme privé. Or depuis sa création en 1945, la sécurité sociale est une juxtaposition d'entités privées sous l'égide de l'état. Je passe sous silence les caisses nationales qui n'assurent personne puisqu'elles gèrent les différents régimes et qui peuvent être des organismes publics ou parapublics. L'exécuteur de ses basses œuvres de la sécurité sociale s'appelle l'URSSAF ou plutôt les URSSAF.
Autour de moi, je n'ai pas trouvé un seul chef d'entreprise qui n'a pas été prélevé des charges URSSAF le 15 mars dernier. Même chose pour avril. Je n'ai pas recensé cela sur l'ensemble de la France, je me suis contenté de sonder autour de chez moi. Pour le 15 mars, la réponse de l'URSSAF du coin était que les charges dues le 15 mars correspondaient à une période précédant la crise sanitaire. Pour le 15 avril, il n'y a pas d'explication, sans doute tous les salariés de l'URSSAF étaient chez eux et les ordres de prélèvement envoyés automatiquement. Dans ce sens, ça fonctionne toujours.
Le gouvernement peut faire des moulinets avec ses petits bras, les URSSAF sont des états dans l'état qui ne rendent de compte à personne, même pas à la justice parce qu'elles ont le privilège d'avoir des justices d'exception qui leur lèchent les bottes. En ce sens, les URSSAF ne sont même plus des parasites parce qu'un parasite, pour vivre, doit éviter de faire mourir son hôte sous peine de mourir avec lui ! Les URSSAF s'en contrefichent, il leur faut de l'argent, toujours plus d'argent. Et nous voyons à quoi cela sert puisque dans le pays le plus taxé au monde, nous manquons du matériel et des consommables de base dans tous les hôpitaux de France.
Lorsque ce sémillant ministre de 37 ans, qui n'a jamais eu à travailler de sa vie — sa biographie est édifiante — se permet de dire cela, il insulte tous les auditeurs. Pire, il les prend pour des imbéciles car, soit il ment éhontément en sachant qu'il n'a pas le pouvoir de contraindre les URSSAF, soit il ne sait pas de quoi il retourne, ce qui est tout de même problématique lorsqu'on arrive à un tel niveau de responsabilité. Et il le fait impunément parce qu'en face, Léa Salamé gère l'entretien sans qu'il y ait de contradicteur, ce qui serait un minimum. Cette contradiction doit arriver par un autre invité qui pourrait lui répondre directement — et non un auditeur puisqu'il n'y a pas de droit de suite —, soit par un journaliste ayant un peu creusé le sujet pour couper l'invité à chaque déclaration péremptoire et erronée. Or il n'y a plus de journaliste dans la matinale de France Inter, il n'y reste plus que des présentateurs.
Ce matin, il nous a donc débité que le gouvernement allait reporter les charges patronales, pas les salariales parce que les charges salariales sont payées par le salarié (sic). Ah bon ? D'une part, mon grand, c'est l'employeur qui paie les charges patronales et les charges salariales. Je n'ai jamais eu écho d'un salarié qui envoyait lui-même un chèque à un organisme quelconque pour payer ses propres charges. Dans l'ordre, l'employeur doit payer les salaires — sinon les prud'hommes s'en chargent en référé à délibéré exécutoire —, les impôts des salariés — tu te souviens de cela, mon grand, c'est toi qui en est responsable ! Et il faut les payer parce que sinon l'administration fiscale dégaine des avis à tiers détenteurs —, les charges salariales — ne pas les payer est un délit et envoie l'employeur en correctionnelle puisque c'est considéré comme un vol même si la trésorerie est exsangue — puis enfin les charges patronales. Et lorsqu'il reste quelque chose, l'employeur peut payer les autres charges de l'entreprise et accessoirement se payer un peu. En d'autres termes, l'employeur risque aujourd'hui la correctionnelle avant la liquidation par le tribunal de commerce. C'est de cela que l'on parle avec tes réformes fumeuses.
Mais ce n'est pas tout, il nous a dit, sans que cela défrise notre Léa nationale qu'un décret qu'il avait pondu avait force de loi. Plus exactement, il nous a dit que c'était une loi (re-sic). Ben tiens, un décret est une loi ! Hans Kelsen doit en faire des loopings dans sa tombe ! Un décret n'est pas une loi et ne l'a jamais été, tout au moins depuis l'abolition de la IIIe République.
Donc en résumé, nous avons un ministre qui soit ne sait pas ce qu'il raconte, soit se permet ouvertement de mentir aux auditeurs, le tout sous le regard bienveillant d'un interviewer qui, soit ne prépare pas ses entretiens — je n'irai pas jusqu'à prétendre qu'elle est incompétente, je n'en sais rien et lui laisse le bénéfice du doute —, soit n'est là que pour faire de la figuration en évitant de poser les questions qui fâchent.
Je veux bien que les postes de Radiofrance soient des stations d'état. Mais de là à transformer France Inter en Radio Paris, il y a un pas.
Si nous vivons une période résolument moderne, on ne peut pas réellement dire à l'instar de Philippe Meyer que le progrès fait rage. En effet, la crise sanitaire que nous traversons met à jour les plus bas instincts des hommes et tire un trait sur plus de cent cinquante ans de méthodologie scientifique. Accessoirement, il est intéressant de constater que, même dans des agglomérations votant bien à gauche depuis des lustres, le règne du chacun pour soi devienne une sorte de règle tacite, bien avant le bien général. Combien parmi mes connaissances parisiennes fustigent ceux qui ont pu partir avant le confinement généralisé (parce que c'est une fuite devant l'ennemi), en se considérant courageux de rester (parce qu'ils n'avaient pas le choix) tout en se sentant obligés de sortir de chez eux pour des motifs scabreux (pratique sportive…) et en étant convaincus qu'une telle petite entorse d'une heure par jour n'aura aucune conséquence ? J'espère en tout cas que ceux qui habitent dans des immeubles modernes ont bien pensé à boucher les trappes des ventilations mécaniques passant d'un appartement à l'autre, vous savez, ces trappes qui permettent à un appartement de bénéficier des odeurs de friture ou de soupe aux choux de l'appartement d'à-côté.
Outre les incohérences humaines ayant de forts relents de lutte des classes refoulée — les riches peuvent partir au vert avec leurs gens (sic) alors que nous, les pauvres, sommes contraints de rester – qui ne rendent pas optimiste, il y a un autre sujet que je trouve personnellement beaucoup plus gênant. Avec cette crise sanitaire est arrivé un sauveur. Et avec tout nouveau messie arrivent malheureusement ses zélotes.
J'arrive à comprendre que l'homme ait peur de la maladie, peur de la mort. Depuis la nuit des temps, l'homme a créé des légendes pour se faire peur et des dieux pour se rassurer. Parfois des dieux à la fois pour se faire peur et pour se rassurer. Pourtant, depuis cent cinquante ans, la méthode scientifique a fait ses preuves. Cette méthode n'a pas pour but de remplacer un dieu ou une croyance, elle n'est pas elle-même une religion, mais elle permet d'acquérir le plus efficacement possible la connaissance du monde qui nous entoure. Depuis la fin du XIXe, il nous semblait que c'était un fait établi. Pourtant, en quelques semaines, tout l'édifice a été mis à mal. Il a suffi à Gandalf, nouveau messie de Marseille de se lever, de faire de la communication pour que cet édifice patiemment construit se lézarde, aidé par des zélotes qui ne comprennent souvent rien à rien.
En aparté, je dois évoquer ici la discussion que j'ai eu avec l'un de ces zélotes qui comparait Gandalf à Einstein. Gandalf est un incompris comme Einstein parce qu'il penserait selon un nouveau paradigme. Ah bon? Peut-être, mais Einstein n'a jamais été le révolutionnaire que l'on présente aujourd'hui. Einstein était un ingénieur tout à fait moyen mais il s'agissait d'un excellent observateur. Il fonctionnait par analogies. En particulier, il a pensé, un jour après un repas copieux — ce sont ses biographes qui l'affirment —, que lorsqu'on était dans une boîte totalement fermée et opaque, on n'avait aucun moyen de savoir si on était statique soumis à un champ gravitationnel ou en accélération constante dans un référentiel galiléen. Tous les autres paramètres étant égaux par ailleurs, si on faisait entrer un faisceau lumineux par un trou sur une paroi de la boîte, la vitesse de la lumière étant finie, l'impact sur la paroi opposée ne devait pas être rigoureusement en face du trou. Une fois cette analogie posée, analogie que tout le monde avait devant le nez, il a demandé à un mathématicien de l'aider à résoudre ses équations qu'il a posées dans la mécanique newtonienne. Einstein n'a jamais pensé en dehors du système, il a pensé dans le système et a poussé la réflexion jusqu'au bout, ce qui a abouti à la relativité générale. Le génie d'Einstein est d'avoir regardé là où personne n'avait eu l'idée avant lui de regarder, pas d'avoir produit une nouvelle mécanique qui provenait d'on ne sait où, magiquement. Et c'est pour cela que sa mécanique résiste autant aux expériences, elle n'est que la généralisation de la mécanique de Newton et non une nouvelle façon de voir les choses. C'est dans ce sens là qu'il était génial, mais son génie avait aussi ses limites puisqu'il a rajouté un terme dans une équation pour satisfaire sa croyance religieuse (la constante cosmologique). Invoquer les mânes d'Einstein est donc osé. Mauvais exemple, changer d'exemple !
Reprenons donc les bases. La démarche scientifique, qui a fait ses preuves, ne consiste pas à prouver qu'une action provoque un résultat, mais qu'en l'absence d'action, il est impossible d'obtenir le résultat escompté. La nuance est de taille et devrait interdire la publication dans des revues de médecins de statistiques entrant dans la catégorie des statistiques à la con. Il y a quelques années a été publié un article, le plus sérieusement du monde, avec statistiques à l'appui, indiquant doctement que la pratique du piano chez les japonais aboutissait à un risque accru de développer un cancer du poumon. J'ai utilisé cet article comme exemple de mélange entre corrélation et causalité lorsque je donnais encore des cours de statistiques. Pour ceux qui seraient intéressés, la raison véritable est que, au Japon, la pratique du piano est relativement rare et que les pianistes se retrouvent très souvent dans des piano bars remplis de fumeurs. Le piano n'est donc responsable de rien. Dans la catégorie des statistiques à la con, on trouve aussi que se coucher avec ses chaussures augmente le risque de se réveiller avec un mal de crâne. À titre personnel, j'aurais tendance à appeler ce mal de crâne un mal aux cheveux, une véritable gueule de bois.
Mais reprenons la démarche scientifique. Si la pratique du piano chez les japonais aboutissait à un risque accru de développer un cancer du poumon, il aurait fallu démontrer que sans la pratique du piano, il est impossible de développer un cancer du poumon ou, à la limite, que le risque de développer un tel cancer est statistiquement différent. Même chose avec les chaussures et le mal de crâne. On comprend alors tout de suite l'intérêt de la démarche scientifique qui est le seul moyen, en invalidant les hypothèses les unes après les autres, d'aboutir à une certitude.
Un seul problème: si cette démarche est efficace, elle est amorale, froide, mathématique, elle permet d'accéder au plus vite à la connaissance. Elle n'évite pas les effets collatéraux, au moins à court terme. Et c'est cela que les gens refusent parce que, appliquée à la médecine, elle n'évitera pas les morts. La démarche scientifique permettra de trouver au plus vite un traitement ou un vaccin, si tant est qu'ils existent, au Covid19 actuellement en circulation. Mais il y aura forcément des morts au passage, au moins dans les premiers temps. La véritable question, celle que personne ne veut se poser, est donc de savoir s'il faut utiliser des malades pour faire avancer la connaissance sur le virus en question quitte à les sacrifier pour sauver à l'avenir les personnes contaminées, ou s'il faut essayer de pomper comme des Shadoks pour tenter de sauver tout le monde sans avoir de traitement efficace.
La tactique de Gandalf et de ses zélotes est le pompage. La stratégie devrait être de faire avancer la connaissance.
Qu'un type dans un coin décide de pomper le regarde. Mais que ce même type utilise des arguments d'autorité en court-circuitant les circuits de reviewing et en faisant de la communication au travers de réseaux sociaux est beaucoup plus discutable, le pire de ses arguments étant qu'il aurait — j'utilise un conditionnel à dessein — publié plus de 2000 articles. Un simple calcul montre qu'en une carrière de cinquante ans — il aurait commencé à publier à dix-huit ans ce qui est tôt sans prendre ni week-ends ni vacances —, il aurait publié un article tous les neuf jours. Naturellement, je passe sous silence ceux qui auraient été refusés par ses pairs. Restons sérieux, aucun scientifique ne peut publier durant sa carrière 2000 articles scientifiquement intéressants. À titre d'exemple, mon ancien directeur de thèse, une tronche dans son domaine et académicien des sciences, a dû publier quelques bouquins et une centaine d'articles durant toute sa carrière.
Pire, n'importe quel scientifique se comportant comme Gandalf, c'est-à-dire en falsifiant des études — ou en publiant des études qu'il savait biaisées, ce qui revient au même — aurait passé pour un amateur. Réitérant comme il l'a fait, sans corriger les critique de son premier torchon, il aurait été mis au ban de la communauté scientifique à laquelle il prétend vouloir appartenir. Là, que s'est-il passé ? Rien.
Les enseignements sont donc les suivants. Les hommes ont besoin en ces temps difficiles d'un espoir et cet espoir est incarné dans un homme, Gandalf. La rationalité n'a plus court puisque, même en prouvant que son produit miracle n'a pas l'effet escompté, ils veulent son traitement. Et nous voyons aussi que la médecine n'est vraiment pas une science puisqu'il suffit d'affirmer que quelque chose fonctionne pour que tout le monde le croit. En effet, contrairement à toutes les autres pratiques scientifiques, la charge de la preuve est inversée. Il ne s'agit plus pour un médecin de prouver que telle ou telle prescription fonctionne, mais à ses pairs de prouver qu'elle ne fonctionne pas comme attendu, ce qui explique a contrario les succès des médecines alternatives. La prochaine étape sera sans doute la guérison des tumeurs au cerveau avec une injection en intraveineuse d'urine de cheval, la tisane de mamie Jeanine et un demi verre de rhum agricole à faire tomber les dents et du 180 km/h avec sa Mobylette !
Non seulement c'est aux détracteurs de Gandalf de prouver qu'il se trompe, mais il faut encore qu'il puisse y avoir un débat scientifique, ce qui est refusé par ses zélotes, même si ceux-ci en sont réduits à quia. Le débat est impossible, dès qu'une tentative est faite, le sacro-saint serment d'Hippocrate est mis dans la balance pour couper court à toute discussion, oubliant que dans ce serment se trouve aussi le principe en premier lieu, ne pas nuire. Les scientifiques qui prennent position contre les arguments de Gandalf ont donc perdu dès qu'ils acceptent le débat, raison pour laquelle tous les pays du monde se jettent sur le remède miracle au détriment des études sérieuses. Allez en effet trouver des patients pour accepter de prendre autre chose que son traitement. Gandalf, sans jamais avoir prouvé que son traitement a un début d'effet, sera responsable de nombreux morts du fait du retard pris par les études rigoureuses.
La médecine n'en sort pas grandie. J'ai cru durant très longtemps qu'il s'agissait d'une science, même appliquée et imparfaite. Or il ne s'agit pas de cela, il s'agit d'un art au sens le plus brutal du terme, de foi en des remèdes miracles que certains médecins prescrivent pour justifier de leur existence. Et cela devrait faire peur à quiconque ayant besoin d'un médecin.
J'espère que Didier Raoult sera comptable du bordel généralisé et mondial qu'il a réussi à faire. Et je pèse mes mots en parlant de bordel.
Le gouvernement français vient de publier un arrêté autorisant l'utilisation de l'hydrochloroquine. Les séides du gourou sont contents. Mais pas un se s'est posé la question de savoir pourquoi ?
Je vais donc vous éclairer.
Des patients sont arrivés à l'hôpital Bichat avec des avocats pour avoir la pilule miracle. Il est certain que les hôpitaux n'ont que cela à faire actuellement, à savoir gérer des cas de gens asymptomatiques qui viennent leur casser les pieds dans les services d'urgence surchargés (source : Le Téléphone Sonne d'hier, sur Radio Paris). Dans la région Grand Est, plusieurs personnels des hôpitaux se sont faits agresser par des gens, venus de l'extérieur, pour obtenir la même molécule miracle. Parmi ces gens se trouvaient des médecins libéraux ! ll était donc nécessaire de publier quelque chose permettant aux gens de recevoir de la merde s'il le voulait en couvrant les prescripteurs qui ne sont pas tous des idiots prêts à suivre n'importe qui. Parce que figurez-vous, un médicament bien connu donné hors autorisation de mise sur le marché à des doses anormales, ça peut donner le Médiator. Je ne sais pas si ça vous parle.
Mais ce n'est pas parce que le gouvernement vient de publier un arrêté au Journal Officiel de la République Française que l'hydroxychloroquine soigne le Covid19 !
Aujourd'hui, il y a quatre pistes sérieuses pour un traitement : deux antiviraux et de traitements à base de vitamines. Ces traitement sont en phase de test. Enfin, difficilement parce que le gourou marseillais a tellement réussi son coup, que les patients refusent pour certains autre chose que l'hydroxychloroquine. Certains médecins participant aux tests (et tout aussi compétents que Raoult) osent enfin monter au créneau sur ce sujet, en pointant le temps perdu à cause du ponte de la Timone. Pourra-t-on un jour chiffrer le nombre de morts qu'il aura sur la conscience ? Ce n'est même pas sûr.
Mais il y a pire. Une étude récente montre que l'hydroxychloroquine peut améliorer les choses. Oui, mais surtout pas seule. Seule, on sait que cela ne fonctionne pas. En revanche, avec une adjonction de zinc, il y a un certain mieux. Pour être exact, le zinc a une efficacité thérapeutique, l'hydroxychloroquine ne permet que d'améliorer l'assimilation du zinc par les cellules. Raoult parle-t-il de zinc dans sa pseudo-étude ? Non, mais cela n'empêche pas ses séides de prétendre qu'il avait raison.
Peut-on faire un peu de science sur le sujet ? Ou est-on définitivement dans la foi ?
La crise sanitaire actuelle aura au moins eu un avantage. Elle nous aura au moins permis de voir le vrai visage des gens, ce qui permet de comprendre pourquoi ce pays en particulier et le monde va aussi mal. J'avoue humblement que même si je n'avais pas, jusqu'alors, une très haute estime de mes frères humains, j'ai été désagréablement surpris.
Il y a tout d'abord les sycophantes. On trouve parmi eux les adorateurs béats de Didier Raoult qui ont perdu tout esprit critique, toute démarche scientifique dès qu'on ose discuter des travaux pseudo scientifiques du gourou. Que le français moyen ne comprenne rien à ces études ne me choque pas outre mesure. Mais lorsqu'on commence à discuter avec des médecins ou des scientifiques qui, a priori, possèdent le bagage théorique nécessaire pour analyser les publications, on se prend à avoir peur. On a beau leur expliquer, leur démontrer que ses travaux ne tiennent pas la route scientifiquement parce que la démarche scientifique ne consiste pas à valider ce que l'on croit, mais à démontrer que l'on ne peut pas observer ce que l'on veut en l'absence de ce que l'on croit. On peut leur mettre sous les yeux une étude bien mieux ficelée qui réfute les résultats miraculeux du bon docteur, rien n'y fait. Le fonctionnement est sectaire, Raoult a raison contre l'ensemble de ses pairs qui sont tous des imbéciles. généralement, la discussion s'achève par une bordée d'insultes de la part des séides raoultiens.
Je ne vois pour ma part qu'une seule explication. En ces temps troublés, l'homme a pris conscience de sa fragilité et il lui faut absolument un espoir pour continuer à vivre. En d'autres temps, cet espoir étant dans la religion ou dans la science, aujourd'hui, elle se situe dans la foi dans l'hydroxychloroquine même si les gens sérieux savent qu'elle n'améliore en rien l'état des patients sur une étude effectuée en double aveugle. Mais je ne sais pas pourquoi, je pense qu'on va en arriver à administrer cette molécule en comptant sur l'effet placebo puisqu'il fonctionne tout de même dans un certain nombre de cas non négligeables. Dans ce cas, pourquoi ne pas donner de l'Oscillococcinum à tout le monde ? Les effets secondaires sont moindres puisqu'on ne note que l'apparition de diabète à très haute dose et qu'on est très exactement dans la vocation thérapeutique du produit.
Mais il y a encore plus grave. Je suis libéral dans l'âme. Je considère donc que chacun est responsable de ses choix, que chacun doit les assumer et que l'état ne devrait être là que pour assurer cette liberté à l'ensemble de la population. Or ce que je peux lire depuis une quinzaine de jours dans les publications des libéraux français me navre. Beaucoup sont contre le confinement parce que cela nuit à leur sacro-sainte liberté. Ceci n'est plus du libéralisme mais de l'anarcho-capitalisme.
Le libéralisme, c'est la liberté pour soi, mais c'est aussi la liberté pour les autres de ne pas être gênés dans leur propre exercice de leur liberté. En d'autres termes, si le confinement m'empêche de circuler librement, s'il entrave ma liberté, il permet aussi à l'autre de garder sa liberté qui est d'être volontairement ou non contaminé par le virus circulant actuellement, d'autant que je ne peux lui garantir de ne pas le lui transmettre même involontairement.
La sagesse populaire indique que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. C'est vrai. Et c'est sans doute pour cela que le libéralisme a mauvaise presse en France, parce qu'il n'y a que très peu de vrais libéraux. Il y a des individualistes forcenés, des anarcaps, des minarchistes, mais très peu de vrais libéraux.
La liberté, en quelque sorte, c'est l'esclavage, puisqu'elle consiste aussi à ne pas nuire à autrui pour qu'il puisse bénéficier de sa propre liberté. Beaucoup de libéraux de salon devraient réfléchir à ce point.
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