« La politique n'a pas de prix, mais elle a un coût. » Certes, elle est dure, cette phrase de Luc Chatel, ce mercredi 1er septembre 2010. Elle est d'autant plus dure qu'elle a été dite à 8h28 sur France Inter.
Elle est même tellement dure qu'il m'a fallu presqu'un mois pour en tirer la substantifique moëlle. On voit percer sous cette phrase de marketteux l'ancien chef de produit de Loréal. Dans mon dictionnaire qui fait référénce, je ne trouve que deux acceptions à l'entrée coût :
On ne peut pas prétendre que cela aide la compréhension de cet aphorisme. Tout au plus peut-on comprendre que la politique est la conséquence désagréable d'une faute. Ce n'est pas vraiment clair et je cherche donc à l'entrée prix où je peux lire :
Là, ça s'éclaire un peu. La politique n'a pas de prix parce qu'il s'agit d'un truc incapable de récompenser un mérite. En d'autres termes et si je suis bien la pensée du ministre, les hommes et les femmes politiques participent aux seuls concours — les élections — qui ne récompensent pas les plus méritants.
En mettant bout à bout les deux propositions, on voit donc que la politique est à la fois incapable de récompenser un mérite, mais aussi qu'elle résulte d'une faute. Il faut donc avoir une belle motivation pour y faire carrière. Que dis-je, avoir une philanthropie particulièrement développée, vouloir tout le bien du monde et même plus à autrui.
Aujourd'hui, ce n'est hélas plus que théorique. La cinquième république vient de fêter ses cinquante ans et force est de constater qu'elle a assez mal vieilli. Partir du Général pour accoucher du porteur de talonnettes est une prouesse qu'il faut souligner. Mais à sa décharge, remplacer le septennat par un quinquennat ne pouvait pas arranger les choses. Il était pourtant assez évident que la concomitance des élections présidentielles et législatives aboutirait à une présidentialisation accrue et que le vrai chef de la majorité parlementaire serait à présent le président de la république et non plus le premier ministre qui devient une espèce de potiche. La séparation des pouvoir a pris sérieusement du plomb dans l'aile et les abus sont de plus en plus courants car de plus en plus faciles.
Dans les années 70 et 80, il y avait bien des délits d'initiés, des emplois fictifs, des fausses factures ou des marchés truqués. Mais ça ne se faisait pas au vu et au su de tout le monde, cela se faisait dans les salons feutrés, entre gens du même monde. Aujourd'hui, tous ces abus se font publiquement. Cela doit être ça, le prix de la politique…
Abonné à Télérama de longue date — et peut-être plus pour très longtemps vu la place grandissante que prend la publicité depuis son rachat par le Monde —, j'ai été assez surpris de trouver une publicité pour une tablette numérique. Il paraît que c'est à la mode. Je ne vous dirais pas ici ce que je pense de ce genre de gadget, mais venant d'un type qui roule encore en DS, je pense que vous voyez à peu près ma pensée.
Cette publicité est la suivante. J'en ai numérisé une partie et on reconnaît sans peine l'enseigne qui se cache derrière cette annonce. Pour ceux qui ne l'auraient pas reconnue, il s'agit de Carrefour.
Vue de loin, c'est assez réussi. Mais de près, c'est une autre histoire. En effet, les concepteurs de la publicité en question soit ne sont pas francophones, soit ne se sont pas relus, soit pire encore ne savent pas écrire. Le texte affiché par cet appareil qu'il faut absolument acheter pour être un homme du vingt-et-unième siècle est un extrait des Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur. Les deux premières lignes du deuxième paragraphe ressemblent, lorsqu'on les regarde de plus près à ceci :
C'est assez fort : une coquille et une faute de grammaire. Je pose donc la question. Pour vendre de tels accessoires à des illettrés, est-il nécessaire de truffer les textes de fautes ?
Non, je n'ai pas été trucidé par un séide lefebvriste. Je n'ai pas non plus été poussé dans une faille de l'espace-temps par les frères Bogdanov. J'ai simplement dû écrire plusieurs articles touchant au véhicule électrique.
Le véhicule électrique, quelle belle invention. La solution à tous nos problèmes, nous disent même les écologistes, parce qu'il s'agit d'un véhicule « zéro émission ». Certes, aucune émission n'a lieu sur lors du fonctionnement de la voiture. Mais en amont, ce n'est pas pareil. En France, on a de la chance, l'électricité est au quatre cinquièmes produite par des centrales nucléaires et le réseau de distribution ne dissipe par effet Joule que 5% de l'énergie produite. En Allemagne ou aux États-Unis, ce n'est pas la même chose. Considérons simplement les États-Unis qui produisent principalement leur électricité à l'aide d'énergies fossiles et dont le réseau de distribution est en basse tension. Un quart de la production y est perdue par effet Joule ! Non seulement la voiture électrique serait aux États-Unis un véhicule à charbon, mais son rendement serait déplorable. Dire après cela que le véhicule électrique est un véhicule propre est un mensonge éhonté. Le véhicule électrique peut être plus polluant qu'un véhicule classique. Passons.
Par ailleurs, il faut pour équiper ne serait-ce qu'une ville de véhicules électriques modifier sensiblement le réseau de distribution d'électricité, construire des centrales et des usines de fabrication de batteries. Et c'est là que le bât blesse puisque non seulement il faudrait construire de nouvelles centrales électriques — des vraies, des nucléaires, parce que tous les cours d'eau sont déjà équipés de centrales hydroélectriques, les éoliennes sont des choses ridicules et les centrales thermiques sont extrêmement polluantes —, mais il faudrait aussi des quantités affolantes de terres rares pour fabriquer ces batteries, batteries d'ailleurs très difficilement recyclables. Et ces terres rares sont disponibles en quantités limitées et principalement en Chine, Chine qui a instauré des quotas de production depuis quelques années. C'est de bonne guerre, les chinois ont visiblement été les seuls à s'apercevoir que ces ressources étaient indispensables à la fabrication de batteries performantes. Nous aurions fait pareil.
Ne parlons même pas de la campagne parce que pour cette dernière, on verra plus tard, il est urgent d'attendre, l'autonomie de ces véhicules étant très limitée. En moyenne, un peu plus de 100 km pour les véhicules qui vont être produits dans les prochains mois.
Ce véhicule électrique est donc d'un usage très limité, urbain ou péri-urbain. Les temps de charge sont longs et sont incompatibles avec un usage plus général. Néanmoins, tous les pays dépensent actuellement des sommes indécentes à développer un tel véhicule alors que les sommes destinées à produire un carburant synthétique et renouvelable pouvant remplacer le pétrole sont ridicules. L'avenir semble pourtant être dans ces nouveaux carburants liquides qui sont les seuls à pouvoir garantir la survie de tous les types de transports.
Sous prétexte d'écologie, on finance donc des années de recherches inutiles et coûteuses sans avoir aucune vision d'avenir ni aucun projet de société. On privilégie l'habitat urbain au détriment de toutes les zones rurales. Mais pire encore, on ne se préoccupe pas du transfert de pollution généré par un tel véhicule.
C'est vraiment beau, l'écologie.
Il y a rue du Temple à Paris, un piège à provinciaux. Lorsqu'on vient de la rue de Réaumur et que l'on tourne à gauche dans la rue du Temple, le couloir de bus, qui était à gauche, passe subtilement à droite après le croisement en doublant presque de largeur. Il est très facile de se faire piéger dans ce couloir. La préfecture de police étant consciente de la chose, la police de la circulation veille. Cela permet de dresser des procès-verbaux à peu de frais et fait des économies sur les semelles des chaussures des pervenches. Tout le monde est content.
Hier soir, une voiture en état correct, immatriculée en Loire inférieure, pardon atlantique, a été arrêtée par les forces de l'ordre pour le simple motif d'avoir empiété sur ce fameux couloir de bus. Il faut dire à sa décharge que c'était rouler à cheval sur ce couloir de bus ou avoir un accident, les automobilistes connaissant le coin étant passés à la gauche de cette voiture et empêchant qu'elle se rabatte dans sa voie normale de circulation.
Cela n'a pas raté, les pandores qui pourtant avaient vu comme moi la scène n'ont pas arrêté ceux qui ont contraint ce véhicule à se retrouver dans le couloir de bus mais seulement cette voiture qui, pour être exact, n'était pas vraiment responsable de la situation.
L'automobiliste en question s'est arrêté, a reconnu les faits. Pas un mot plus haut que l'autre de la part du conducteur qui pourtant aurait eu de quoi râler. Peut-être parce qu'il avait le défaut d'être un peu bronzé tout en étant propre sur lui. Il faisait d'ailleurs plutôt cadre supérieur que loubard de banlieue même nantaise. Et là, de la part des forces de l'ordre, ça a dérapé, mais jamais le ton de l'automobiliste n'est monté. J'ai admiré le sang froid de cette personne en prise à trois fonctionnaires de la préfecture de police. Tout ce qui pouvait lui être reproché a été reproché :
Lorsque je suis parti, ils en étaient à vérifier l'état du moteur et celui de la roue de secours, capot ouvert. Ils n'avaient sans doute rien pu dire sur l'état des pneumatiques qui semblaient assez neufs.
Je n'ai rien a priori contre les forces de l'ordre, encore que depuis quelques années, je traverse scrupuleusement entre les clous pour surtout éviter de leur parler. Je trouve parfaitement normal qu'ils arrêtent des contrevenants. En revanche, je trouve inadmissible leur façon de ne pas regarder plus loin que le bout de leur nez. Dans ce cas, le responsable n'était pas ce nantais puisque la seule chose objective qu'on pouvait lui reprocher était de ne pas savoir que ce couloir de bus delanoësque passait d'un côté de la rue à l'autre après un virage à angle droit. Le véritable responsable était le flot de véhicules qui l'a coincé dans ce couloir. Je trouve aussi parfaitement anormal que les forces de l'ordre commencent à ergoter sur l'état d'un véhicule extérieurement entretenu, la boîte d'ampoules, la pression dans la roue de secours et le fameux gilet jaune lorsqu'on reproche à son conducteur d'avoir mis une roue dans un couloir de bus.
Je n'ai pas assisté à la fin de la scène qui n'a duré que quelques minutes et je regrette de n'avoir pas eu sous la main une caméra pour la filmer. En moins de cinq minutes, ce pauvre automobiliste a reçu plusieurs papillons verts dont tous étaient discutables. Il n'en a contesté aucun parce que ce n'était pas le moment et que vu son faciès, il valait mieux ne pas en rajouter une couche.
Et les forces de l'ordre se demandent encore pourquoi leur métier est de plus en plus difficile, pourquoi de moins en moins de personnes apprécient la police nationale.
La police nationale, c'est avant tout un service aux concitoyens. La répression est naturelle, il en faut, mais il faut qu'elle soit intelligente et non destinée essentiellement à satisfaire les statistiques.
Bernard-Henri a encore frappé. À l'instar des reportages photographiques de guerres qu'il faisait, caché derrière un bloc de béton pour éviter des balles qui ne sifflaient plus depuis longtemps, le voilà qui s'attaque à un problème sans vraiment avoir pris ses renseignements. Je ne résiste pas à l'envie de vous faire profiter de sa prose d'un style incomparable.
« Pourquoi la lapidation ? N’y a-t-il pas, en Iran, d’autres manières de donner la mort ? Parce que c’est la plus abominable de toutes. Parce que cet attentat contre le visage, ce pilonnage de pierres sur un visage innocent et nu, ce raffinement de cruauté qui va jusqu’à codifier la taille des cailloux pour s’assurer que la victime souffre longtemps, sont un concentré rare d’inhumanité et de barbarie. Et parce qu’il y a, dans cette façon de détruire un visage, de faire exploser sa chair et de la réduire en un magma sanglant, parce qu’il y a dans ce geste de bombarder une face jusqu’à ce que bouillie s’ensuive, quelque chose de plus qu’une mise à mort. La lapidation n’est pas une peine de mort. La lapidation est plus qu’une peine de mort. La lapidation, c’est la liquidation d’une chair à qui l’on fait procès, en quelque sorte rétroactif, d’avoir été cette chair, juste cette chair : la chair d’une jeune et belle femme, peut-être aimante, peut-être aimée, et ayant peut-être joui de ce bonheur d’être aimée et d’aimer. »
Déjà ne figure dans cet extrait aucune condamnation de la peine de mort, ce qui est bizarre pour une grand humaniste comme lui. Enfin, c'est lui qui le prétend… Je veux bien que la méthode joue, mais le résultat est le même.
Il y a plusieurs choses à dire à cet apprenti Albert Londres qui ne s'est pas contenté de cet écrit. En effet, invité à la conférence annuelle des ambassadeurs de France et, pour paraphraser Nicolas Sarkozy qui appellait toutes les femmes battues du monde entier à rejoindre la France, il a trouvé le moyen de dire au cours de son allocution qu'il plaçait la condamnée « sous la responsabilité de la France ». Rien que ça. Heureusement que sa parole n'engage que lui.
Présentés de cette manière, les faits ne peuvent que scandaliser l'opinion qui juge, qu'elle en soit consciente ou non, ces faits à l'aune de sa culture judéo-chrétienne.
Avant d'écrire ce genre de choses, il faut pour rester sérieux se renseigner un minimum sur ce qui est reproché à la femme en question, sur sa condamnation et surtout sur les procédures juridiques de la république islamique d'Iran. En effet, le droit applicable en république ismalique d'Iran peut être qualifié de tout sauf d'arbitraire, au moins lorsqu'on parle d'autre chose que de crime contre l'état. Il ne s'agit pas ici de prendre position pour ou contre le régime politique de ce pays, mais de relater des faits. Tous les spécialistes du droit constitutionnel et des procédures pénales vous diront la même chose, pour peu qu'ils ne soient pas aveuglés par la propagande.
La révolution islamique s'est avant tout préoccupée de mettre fin à l'arbitraire — c'est entre autre chose pour cela qu'elle a réussi — et l'un des moyens pour arriver à cette fin était d'instaurer un état de droit le plus rigoureux possible. Les procédures judiciaires sont complexes et les recours nombreux. Ainsi, ce système prévoit de longue date pour les crimes passibles des assises une possibilité d'appel. En tout état de cause et même s'il n'y a pas d'appel, la cour de cassation est automatiquement saisie pour vérifier la légalité de la procédure. En d'autres termes, ce système offre des garanties bien supérieures à celles que peut donner les juridictions françaises et nous n'avons aucune légitimité pour intervenir dans le débat. Il n'y a pas si longtemps que cela, il était impossible dans notre beau pays de faire appel d'un jugement d'assises.
Vous me direz que le juge français est laïc et que le juge iranien est guidé par sa foi toujours renouvelée en Dieu et dans le retour attendu du 12e imam, et qu'il vaut mieux être jugé par un magistrat laïc que par un fou de Dieu. Pas si sûr. Si en Iran, il n'existe pas le principe de grâce présidentielle mais, en vertu de la miséricorde islamique, le pardon des victimes ou de la famille suffit à annuler l'exécution des peines capitales.
Dans la pratique, les exécutions capitables concernent surtout les terroristes, les assassins d'enfants et les trafiquants de drogue. Il se glisse parfois dans cette liste des déviants à la morale islamique que sont des invertis notoires, des voleurs multirécidivistes, des opposants ou des espions et quelques femmes infidèles ou battues ayant trucidé leurs maris. La technique de mise à mort est la pendaison en public, généralement filmée par la télévision d'état, spectacle hautement pédagogique, et très rarement la lapidation qui éprouve trop les nerfs des exécutants. Officiellement, l'Iran a interdit toute condamnation à la peine de mort par lapidation depuis 2002, car la lapidation est un précepte sunnite — basé sur les récits des hadiths —, alors que l'Iran est chiite. Depuis cette date, toutes les lapidations — deux en 2006, six condamnés en attente depuis — ont été ordonnées par des juges locaux. Ces juges ont été tous poursuivis pour non respect des décisions du code pénal iranien.
Rapellons maintenant ce qui est reproché à Sakineh. Contrairement à ce qui a été dit, cette femme n'a pas été jugée pour adultère mais pour meurtre avec préméditation. C'est un peu différent. Ce n'est donc pas tant une victime qu'un bourreau. De toute façon, en Iran, il n'y a que très peu de condamnation pour adultère car la loi demande pour que soit établi le constat d'adultère des conditions qui sont très difficiles à rassembler. En particulier, il faut quatre témoins simultanés et, dans un pays aux mœurs aussi peu corrompues, gageons que ces témoins doivent être soit participants à une partie fine, soit simples témoins d'icelle, ce qui fait mauvais genre.
Cette femme, Sakineh Mohammadi-Ashtiani a été condamné pour assassinat parce qu'elle a drogué son mari et l'a fait tuer durant son sommeil par Issa Tahéri, son amant. Les deux complices ont été condamnés en première et seconde instance à mort.
Bernard-Henri a donc beau jeu de fustiger le régime politique et la justice iranienne en la traitant d'obscurantiste, d'arbitraire ou de scandaleuse. Non seulement il ment éhontément sur les procédures de justice et sur l'application des peines, mais il soutient une complice d'assassinat. Cela commence à faire beaucoup. Quelles sont ses motivations profondes ? Faut-il absolument qu'il utilise un fait divers tragique pour condamner publiquement le régime iranien parce que celui-ci est en train de construire une bombe qui pourra être à terme dangereuse pour Israël ? Si c'est vraiment cela, c'est d'autant plus pathétique que ce n'est pas BHL ni l'oppinion publique manipulée qui arrêtera Mahmoud Ahmadinejad.
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