J'entends de plus en plus autour de moi des personnes normalement constituées, c'est-à-dire avec deux bras, deux jambes et un cerveau pour signifier qu'elles existent, se demander ce qu'il faudrait faire pour sauver l'économie française. On va commencer par celle-ci parce que, franchement, je me contrefiche actuellement de l'état de l'économie des autres pays vu la situation alarmante du mien.
Vous devez le savoir, je suis chef d'entreprise. Le jour où je suis passé du statut de salarié au statut de profession libérale, j'aurais plutôt dû me casser une jambe. Mais qui pouvait le savoir, c'était bien avant la « crise » et jusqu'à son début, cela fonctionnait bien. Mon entreprise n'est pas exactement ce qu'il est convenu d'appeler une start'up et a fonctionné depuis sa création sur ses fonds propres. Nous avons aujourd'hui plusieurs produits sur catalogue à des tarifs tout à fait abordables, qui plus est des produits sans réelle concurrence et comblant un besoin identifié. Malgré des semaines de soixante-dix heures de travail, sept jours sur sept, et des produits primés à plusieurs reprises, je suis à deux doigts d'arrêter mon activité. Pourquoi ?
Si j'ai des produits sur étagère, il me manque un commercial. Aucune banque n'a voulu financer ne serait-ce que trois mois du salaire d'un commercial alors même que mon entreprise n'avait aucune dette. J'ai pris mon bâton de pellerin, visité toutes les agences bancaires dans un rayon de vingt kilomètres autour de mon siège social, je n'ai trouvé aucune banque capable de me prêter 40000 €. Des promesses, j'en ai eu. Des écrits, jamais. Quant aux dossiers, aucun n'a été monté correctement. Oséo m'a bien proposé 160000 € (cent soixante mille) dont je n'avais pas besoin, mais à la seule condition d'obtenir 200000 € (deux cent mille) de prêt bancaire. En mettant dix banques autour d'une table, je n'ai pu réussir à obtenir ce concours bancaire. Ma banque historique m'a tout de même fait une offre où elle me demandait sans rire pour me prêter 200000 € en vue du rachat du cabinet comptable que je détenais en nom propre (sic) une caution solidaire du double de la somme prêtée. Si ce n'était pas aussi tragique, j'en sourirais presque.
Courant 2009, la Coface a modifié les conditions des contrats d'assurance pour impayés. Grâce à cette modification des contrats dont personne n'a parlé, je me retrouve aujourd'hui avec plus de 100000 € (cent mille) de factures impayées et non contestées. Les deux tiers de cette somme sont actuellement en recouvrement au tribunal. Depuis dix-huit mois, la partie adverse ne se déplace même pas, ne conclut jamais, en est à sa quatrième injonction amiable de conclure et bénéficie toutes les six semaines d'un autre renvoi. Au bout de combien de non présentation de conclusions aurai-je une injonction qui ne soit pas amiable ou mieux une décision de justice ? Dire qu'après cela, il se trouve encore des juges pour dire que la justice est engorgée. Une telle affaire n'avait pas besoin d'aller au fond puisqu'aucune facture n'était contestée. Un référé aurait suffi. Pire encore, ce juge en question est déjà responsable de deux licenciements. À la fin de ce mois de janvier, il aura son salaire. Un autre de mes salariés sera peut-être au chômage parce qu'une fois de plus la justice française n'a pas fait son travail en temps et en heure. En effet, si la justice n'est pas pressée et remet toujours au lendemain ses décisions, l'URSSAF et les autres charges sociales n'en ont cure. Heureusement que la justice est aveugle; si elle ne l'était pas, je ne suis pas bien sûr qu'elle pourrait se regarder en face !
Pire, les sociétés d'affacturage me proposent aujourd'hui d'affacturer quelque dix pourcents du montant de mes factures en cours. Comme le recouvrement est fait dans le cas de l'affacturage par la société rachetant la créance, autant dire que ces sociétés d'affacturage ne servent plus à rien. Mais leurs tarifs n'ont pas été revus à la baisse. Je suis donc contraint à chaque impayé d'aller devant un tribunal pour obtenir paiement, et ce genre de procédure traîne deux ans pour une issue incertaine parce qu'il faut encore que le jugement soit exécutoire et en dernier ressort pour qu'il puisse être exécuté immédiatement. Entre temps, j'ai fourni de la trésorerie à d'anciens clients, argument irrecevable par une banque.
Vous allez me dire que je parle d'un cas particulier. Certes, mais la majorité des entreprises autour de moi subit le même genre de choses. Si on veut les sauver, il n'y a qu'une seule chose à faire mais aucun homme politique actuel n'aura le courage de le faire parce que cela signifiera qu'il perdra les prochaines élections tant le lobby de la finance est fort et qu'une campagne électorale coûte cher. Il faut nationaliser le secteur financier sans plus tarder. Pas seulement les banques, mais le secteur financier complet. De toute façon, si l'on parle d'économie française et que l'on se targue de pouvoir infléchir par des mesures politiques l'évolution de cette économie, il faut maîtriser la totalité du secteur financier qui est là au service de l'économie et non le contraire. Si le gouvernement ne nationalise pas le secteur financier, il faut limoger le ministre de l'économie puisque celui-ci ne sert à rien car il ne maîtrise pas le secteur financier qui fait la pluie et le beau temps pour des raisons souvent irrationnelles sur l'économie. Il faut aussi faire en sorte que tous les impayés soient recouvrables facilement et immédiatement, ce qui est du ressort du ministère de la justice et nettement plus facile à faire. Nos hommes politiques trouvent que c'est tellement utile que la prescription des dettes commerciales est passée le premier janvier 2011 de cinq à deux ans rendant encore plus difficile le recouvrement des créances.
Le sujet progresse. Pas dans le bon sens, mais il progresse ! Dormez tranquilles, vous qui avez encore un emploi. Mais pour combien de temps ?
Vous le savez sans doute, il y a un grand machin en France qui s'appelle la HALDE ou la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité et que l'on va saisir lorsqu'on prend une porte dans la figure et que l'on prétend que c'est une forme de discrimination envers les auvergnants ou les alsaciens. Je me demande depuis hier si je ne dois pas la saisir rapidement tant qu'elle existe encore.
Je m'explique. Si je n'ai aucun grand parent né en France ni même français pour cause de frontière approximative entre la France et l'Allemagne, j'arrive à me déplacer en banlieue parisienne sans qu'on me demande mes papiers à chaque coin de rue. Et quand bien même on me les demanderait, il faudrait encore que le demandeur ait une sacrée culture pour savoir que le nom écrit sur ma carte d'indentité n'est pas français.
Depuis trois bons mois, j'essaie de trouver des missions en freelance. En effet, chef d'entreprise, je suis confronté tous les jours que Dieu fait, et il en fait le bougre, à la crise financière qui ne va pas en s'améliorant, bien au contraire. L'activité principale de mon entreprise étant le logiciel de gestion de la clientèle, j'ai la fâcheuse impression d'être au bout de la chaîne alimentaire, le dernier servi, et comme mes clients n'ont plus d'argent, ils font des coupes sombres dans leurs budgets de fonctionnement. Je vois de plus en plus de grands comptes gérer leurs activités à grands coups de tableurs quitte à perdre un temps phénoménal avec un outil mal ou pas du tout adapté selon le vieux principe qu'un marteau, c'est tout de même très pratique pour enfoncer un clou pour qui n'a jamais vu un tournevis.
Donc, après avoir licencié un certain nombre de salariés car aucune banque ne veut aujourd'hui financer les PME françaises, je cherche à trouver une activité alternative purement alimentaire, le chef d'entreprise en particulier et le mandataire social en général n'ayant pas droit aux couvertures sociales comme l'assurance chômage. Non seulement il joue avec son argent, est redevable des dettes de son entreprise, mais il est encore pénalisé lorsque l'activité financière se retourne. Passons.
J'ai donc contacté depuis trois mois des cabinets de recrutement, des chasseurs de têtes, tout ce qui devrait me permettre de trouver quelque chose et je suis encore en train de chercher. Pourtant, je ratisse large et d'après toutes les personnes que j'ai eu en ligne, mon CV est impressionnant, allant de l'électronique analogique et digitale à l'informatique, programmation de systèmes d'exploitation, calcul scientifique et administration système de choses comme Unix et OpenVMS. Certaines offres tournent depuis plus de deux ans parce que les donneurs d'ordre cherchent des moutons à cinq pattes pour reprendre les termes d'un chasseur de tête. Comment trouver dans la même personne un spécialiste de Java et de la programmation système ? Ce sont deux métiers totalement différents. D'autres offres sont posées sachant qu'il n'y a aucun budget pour engager le candidat. C'est se moquer du monde, mais c'est presque le jeu et cela fait dire que les entreprises recrutent.
Souvent, je décroche des annonces qui me correspondent tout à fait et lorsque je téléphone, je m'entends répondre des choses surprenantes : le client n'accepte que des jeunes diplômés (comprendre des débutants incompétents, pas chers et parfaitement maléables pour leur faire faire des aberrations techniques qu'un ingénieur confirmé renâclerait à faire). D'autres demandent des astreintes 24h/24 avec une responsabilité énorme et pénale et offrent royalement 300 € TTC par jour. Ceux-là se demandent encore pourquoi au bout de six mois de recherche ils ne trouvent personne. Toutes les annonces qui touchent l'informatique bancaire ne concernent que les gens qui connaissent déjà le système bancaire, celui-ci tournant en vase clos. Les banques préfèrent des incompétents connaissant le milieu de la banque et des salles de marché plutôt que des ingénieurs compétents qui devraient tout d'abord comprendre comme tout cela fonctionne. Je me suis même entendu dire plus d'une fois que j'étais largement trop diplômé pour les postes en question. Une excuse comme une autre !
On sort de la crise, l'emploi repart. J'aimerais bien savoir comment ces statistiques sont faites. Que des offres existent, nul doute. Que le secteur bancaire recrute à nouveau à tour de bras, certainement. Mais qu'il y ait actuellement une embellie sur l'emploi des cadres est parfaitement faux sinon quelqu'un comme moi ne resterait pas trois mois à chercher des missions.
Si jamais vous aviez besoin d'un vrai technicien, d'un ingénieur de la vieille école, de ceux qui sont encore capables de mettre deux transistors tête-bêche sans les griller, de synthétiser des systèmes de traitement du signal ou de coder des applications informatiques ou des bouts de systèmes d'exploitation dans des langages aussi has been que le C ou le Fortran voire l'assembleur pour les cas les plus désespérés, je suis à votre disposition. Prière de m'envoyer un message privé pour toute demande de CV.
Hier soir se tenait une émission de télévision suivie d'un débat sur la finance qui nous a envoyé dans le mur, sur la crise jugulée de 2007 et l'étincelle de 2008, la faillite de Lehman qui a été orchestrée pour des raisons politiques. En dehors d'une conclusion un peu bâclée, les propos tenus dans l'emission étaient intéressants.
En revanche, le débat était pour le moins biaisé. Étaient invités par David Pujadas un syndicaliste de Continental, Érik Orsenna, l'économiste Daniel Cohen, la trésorière d'un syndicat lycéen dont on se demande ce qu'elle venait faire ici et Alain Madelin, ancien homme politique et nouveau financier. Ce dernier n'a pas résisté à nous asséner quelques petites phrases entre deux gribouillages sur son bloc-note montrant à quel point il s'ennuyait. Il a même réussi à nous dire que la nouvelle économie, c'était le plein emploi, mais pas pour tous (sic).
J'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre le raisonnement. D'une part, cela fait des années que les financiers brassent du vent à tel point que Monsieur Madelin devrait réfléchir à une séquence du reportage où un patron de PME signalait que son entreprise avait été valorisée par des banques financières à un milliard de francs alors que son chiffre d'affaire mensuel était de trente mille francs, soit moins que celui d'une pizzeria. La finance étant totalement décorrélée de l'économie, cela ne pouvait qu'exploser tôt ou tard, car la finance ne créant que la finance et non non l'emploi, l'édifice ne pouvait que tomber dès que quelqu'un serait contraint à payer. Les subprimes ont créé cette condition, mais si cela n'avait pas été les subprimes, une autre combinaison aurait créé l'étincelle. D'autre part, je n'arrive pas à comprendre la notion du plein emploi mais pas pour tous. Remarquez, j'ai déjà du mal avec la définition du plein emploi qui signifie que le taux de chômage est inférieur à 5%.
Je me suis pourtant accroché. Si j'ai bien saisi le raisonnement de Madelin, il est normal que la finance crée des bulles spéculatives qui explosent régulièrement et qu'il faut corriger cela par la croissance. Là, je bloque parce que justement, c'est cette croissance qui pose problème. Lorsqu'on regarde les choses en face, cette croissance, même en Europe, est différente d'un pays à l'autre, ce qui provoque des inégalités et provoque un certain nombre de délocalisations. Un tel système ne peut tenir que si la sacro-sainte croissance est la même dans tous les coins du monde et que le niveau de vie initial est identique, ce qui est parfaitement utopique. Quant à comparer comme il l'a fait la situation des années 50 et 60 à l'état actuel de l'économie, ce n'est qu'une aberration. Effectivement, la croissance était à 10%, mais l'inflation était aussi importante. Et je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu de crise financière lors de cette période. Il n'y a pas eu de crise financière parce qu'on avait appris de la crise de 1929 et appliqué un certain nombre de règles qui ont toutes été abolies depuis. La finance s'est donc suffi à elle-même, n'ayant plus à s'appuyer sur l'économie.
Le problème actuel est que la finance n'a rien appris de la faillite de Lehman. Pire, les gouvernements ayant été contraints à son sauvetage, elle se permet aujourd'hui des opérations qu'elle n'aurait même pas espéré dans ses rêves les plus fous d'avant la crise. Et que fait-on ? Rien. Les gouvernements attendent, espérant que le système se régulera tout seul. Le secteur de la finance recrute à nouveau et à tour de bras depuis deux ou trois mois des ingénieurs spécialisés en logiciels et mathématiques financières. Les profits financiers sont à nouveaux exorbitants et les entreprises, surtout les PME, sont prises à la gorge, incapables de se financer. Elles n'ont plus qu'une solution, se mettre en veille ou aller chercher des investisseurs qui n'attendent qu'un retour sur investissement conséquent à horizon de moins de cinq ans, créant une cavalerie qui risque fort de voir disparaître un bon nombre d'emplois dans les prochaines années et de créer une nouvelle crise financière. Le cycle que l'on appellera le cycle Madelin se reproduira quasiment à l'identique.
Nous n'avons pas besoin de cela et il est grand temps d'agir et de réguler ce secteur financier devenu fou. Si nous ne faisons rien aujourd'hui, la crise est encore devant nous.
Après une rude journée à câbler un cabinet dentaire — il faut bien gagner sa vie d'une manière ou d'une autre —, j'ai décidé de faire un bout du chemin me permettant de rentrer chez moi à pied. Devant les Galeries Lafayette, j'ai pu voir un kiosque à journaux sur lequel figurait un agrandissement de la une du magazine Challenge. On y voyait une photographie de Yves de Chaisemartin, actuel président-directeur-général de la société Altran et une accroche indiquant que la France ne formait pas assez d'ingénieurs.
Yves de Chaisemartin signale dès le début de son intervention que nous sortons de la crise. Oui ? J'aimerais bien savoir comment il peut être aussi affirmatif puisqu'au prix où il loue les services de ses ingénieurs interimaires, ses clients sont des grandes entreprises qui sont moins touchées que les autres par cette crise du financement et qu'une bonne partie de ses clients sont issus du secteur des banques, des assurances et des caisses de retraites. Effectivement, depuis un peu plus d'un mois, on voit des flots d'offres d'emploi provenir de ces trois secteurs. Vous n'imaginez même pas combien la réforme des retraites a généré d'argent pour ces grandes enseignes du placement. De là à dire qu'il s'agit d'une tendance de fond, il y a un pas que je ne franchirais pas d'autant plus que les recrutements par ses trois secteurs se font plus en fonction de la connaissance des marchés que des compétences du candidat. En d'autres termes, pour développer un logiciel pour une banque, il vaut mieux connaître le système bancaire plus que l'informatique, ce qui est parfaitment scandaleux et nous apporte un lot de bogues amusants allant des opérations comptées deux fois aux automates de banque capricieux.
Vous conviendrez donc avec moi que l'approche du PDG d'Altran est biaisée et que l'accroche du magazine est pour le moins démagogique. Je ne résiste pas à citer un passage de l'article qui adopte un tout autre ton :
La guerre des talents est bel et bien repartie. Elle est d'autant plus virulente que la France manque d'ingénieurs. Il y a une véritable désaffection pour les carrières mathématiques, les écoles de commerce ont pris le pas sur les formations scientifiques. Nous formons 23 000 ingénieurs par an, c'est trop peu.
Nous formons vingt-trois mille ingénieurs par an. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est trop peu. Au vu des carrières proposées actuellement, c'est même beaucoup. Lors des dix dernières années, tous les centres de recherche en France ont fermé leurs portes (LEP, Motorola…) ou sont devenus de simples bureaux dans lesquels plus aucune recherche n'est faite (CNET devenu FT RD puis Orange Labs, SFR DT, Alcatel…), vaguement quelques développements lorsque le retour sur investissement est immédiat. Il n'y a plus aucun avenir pour les métiers techniques en France, ne parlons même pas de la recherche. Les seuls ingénieurs qui trouvent tout de suite un emploi sont les ingénieurs en informatique spécialisés en banques et finance ou les ingénieurs d'affaire, ceux qui sont moyens en tout donc bons à rien. Si nous étions capables de former vingt-trois mille vrais ingénieurs en France, nous ne saurions aujourd'hui comment leur donner du travail. Prétendre le contraire prouve juste une méconnaissance crasse du métier d'ingénieur et du contexte actuel.
Nous avons aujourd'hui effectivement besoin de techniciens parce qu'il reste des choses à faire, mais d'ingénieurs, je n'en suis pas sûr. Un ingénieur est quelqu'un qui fait fonctionner sa tête pour résoudre des problèmes. Ce n'est pas un technicien qui utilise des recettes de cuisine pour faire ce qu'on lui demande de faire. Cela fait assez longtemps que je n'ai plus rencontré dans des entreprises françaises un vrai ingénieur occupant un poste d'ingénieur. Et ce n'est pas parce que les techniciens formés actuellement sont mauvais qu'il faut absolument dévaloriser le diplôme d'ingénieur.
De toute façon comment peut-on en former plus ? Le gouvernement actuel a tout fait pour tuer les grandes écoles avec sa réforme fumeuse du LMD qui ne peut s'appliquer aux grandes écoles qui recrutent à bac+2 et non bac+3 et a parfaitement réussi son coup. C'est sans compter avec le fait qu'une petite moitié des écoles d'ingénieurs n'avait pas encore sorti une promotion en l'an 2000, ce qui revient à dire que la moitié des écoles d'ingénieurs existant en l'an 2000 n'avait pas trois ans d'existence ! Le niveau d'une école se fait sur la durée avec à la clef une reconnaissance par le gouvernement et par la commission des titres d'ingénieur. Tous les diplômés de ces nouvelles écoles ont été sacrifiés sur l'autel d'une hypothétique reconnaissance future de leur diplôme. Certains ont gagnés, d'autres ont perdus, et sur les deux cent douze écoles d'ingénieurs actuelles, un bon nombre ne forme que de mauvais ingénieurs. Soyons magnanime et appelons-les des super-techniciens.
La question n'est donc pas de former plus d'ingénieurs, mais de former des bons ingénieurs et de les utiliser à des postes d'ingénieurs. Cela signifie aussi relever le niveau des techniciens parce que les formations actuellement dispensées sont plus que légères. Mais cela signifie aussi ouvrir de nouveaux postes d'ingénieur dans des centres de recherche et développement, ce qui n'est pas franchement gagné sachant que nous n'avons pas cessé d'en faire disparaître depuis une bonne dizaine d'année.
Je ne peux résister au plaisir malsain de vous faire profiter de la petite phrase du jour, la phrase à double sens que l'on ne comprend qu'à moitié.
Là où il y a de la démocratie, il n'y a pas de difficulté pour manger.
Cet aphorisme est signé Arnaud Montebourg. Considérons que la seconde proposition est une conséquence de la première, en d'autres termes qu'il s'agit d'une implication au sens mathématique du terme. Je sens que vous êtes perdus et qu'il vous faut une image. Fixons les idées à l'aide d'un exemple simple aisément compréhensible. Si une mère dit à son fils : « si tu n'es pas sage, je vais de donner une gifle », en français, cela signifie que s'il est sage, il ne recevra pas de gifle. C'est une équivalence. En langage de mathématicien, pourtant, même s'il est sage, elle pourra lui en coller une. On parle d'implication.
Reformulons donc le trait de lucidité — ou de luciditude ? — de ce cher Arnaud. Oui, ils s'appellent tous par leur prénom, il n'y a aucune raison que je ne fasse pas pareil.
Là où il y a de la démocratie, il n'y a pas de difficulté pour manger. Cela revient à dire que s'il y a de la démocratie, il n'y a pas de difficulté pour manger, mais que même s'il n'y a pas de difficulté pour manger, cela ne signifie pas qu'il y a de la démocratie. Jusque là, je comprends à peu près.
Sauf qu'il existe des tas de contre-exemples. Les États-Unis d'Amérique se disent être une grande démocratie et je n'ai pas l'impression qu'il soit facile pour tout le monde de manger à sa faim. Remarquez, c'est aussi un peu le cas de la France, de l'Inde et de tout un ensemble de pays démocratiques ou prétendus tels. Je n'ai pas sous la main d'exemple de vraie dictature sous laquelle il fait bon vivre. En revanche, je n'ai pas souvenir qu'on mangeait bien en Union Soviétique, preuve au moins que s'il n'y a pas de démocratie, il peut être difficile de manger.
Bref, ce bel aphorisme du plus bel effet ne résiste pas vraiment à l'analyse. Il est creux, mais fait parler. C'est la moindre des choses pour un prétendant aux primaires socialistes.
Si nous ne méritons que ce genre d'hommes politiques, la démocratie est vraiment tombée bien bas.
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