J'ai entendu dire ce matin que le français moyen, pour peu qu'il existe, consomme deux cent cinquante grammes de chocolat le jour de Pâques. Cela fait tout de même beaucoup. Alors pour rester dans le ton, joyeuses fêtes de Pâques à tous et faites bien attention au cholestérol sous des formes affriolantes !
Fig 1 : lapin de Pâques qui ne risque pas de mourir d'une crise de foi(e)
Vous le savez — ou vous ne le savez peut-être pas —, j'ai commis un petit logiciel de calcul intensif qui se trouve ici. Il s'agit d'un langage de programmation compact et efficace, peu gourmant en mémoire et qui cache tous les mécanismes de gestion de la mémoire aux utilisateurs sans passer par les ramasse-miettes souvent inefficaces comme ceux qui sont utilisés en Java ou qui peuvent être utilisés en C++. À moins que ce ne soit Java qui soit intrinsèquement mauvais. Mais je ne puis l'imaginer, autant de développeurs ne peuvent aujourd'hui se tromper.
Il y a une dizaine d'années, j'ai été contacté par le CERT pour corriger un problème de sécurité dans cet outil. Le CERT avait été mandaté par le JPL, émanation de la NASA, pour auditer mon code. Depuis, tous les ans, je reçois un rapport d'audit du CERT. J'ai reçu le dernier par courrier électronique pas plus tard que la semaine dernière.
Le CERT s'occupe de sécurité informatique. C'est très bien. À ce titre, le premier contact que j'ai eu avec eux était pour corriger un appel system() dans une routine en C, appel qui pouvait potentiellement être dangereux du point de vue de la stricte sécurité. J'ai remplacé cet appel par un popen(), ils étaient contents.
Or, dans leur dernier rapport, ils ne faisaient état d'aucun problème critique. Aucun problème critique, tu m'en diras tant. Le langage de programmation en question est conçu entre autre pour que le résultat soit le plus exact possible sur une machine à précision finie. En particulier, cela signifie que le type des données peut changer à la volée pour garantir le résultat. Il teste donc, entre autres, les dépassements sur les calculs effectués en entiers et convertit automatiquement le calcul en flottants s'il s'avère que le resultat ne peut être représenté en entier.
Et je suis tombé, j'en ai presque honte, sur le problème du débutant : faire l'hypothèque que l'étendue des nombres entiers représentables par une machine finie est symétrique par rapport à zéro. La conséquence de cette hypothèse un peu hasardeuse est que j'ai codé la valeur absolue et la négation unaire brutalement avec un signe moins, ainsi que la soustraction comme une addition avec l'opposé du second argument.
Sauf que cette étendue n'est pas symétrique. Pour fixer les idées, si je travaille sur un processeur de huit bits, je peux représenter tous les entiers entre -128 et… +127. L'opposé de 127 peut être représenté sur ces huit bits. Mais qu'en est-il de l'opposé de -128 ? En complément à deux, très majoritaire sur les processeurs actuels, l'opposé de -128 fait -128. Dans toutes les opérations arithmétiques sur des entiers utilisant de près ou de loin une opposition, il y avait donc un entier qui provoquait un dépassement de capacité non traité et donc un résultat erroné. Il fallait que l'un des arguments de la commande ou qu'un calcul intermédiaire utilise la valeur -(263), ce qui était tout de même très rare, mais c'était tout à fait possible.
Le CERT a donc validé un code gravement erroné parce qu'il n'avait pas de faille de sécurité. J'espère au moins que cet audit de sécurité est sérieux. Le code étant utilisé par le JPL, pourvu que je ne sois pas responsable d'un problème de trajectoire d'une sonde spatiale…
Daniel Schneidermann a cru bon de se fendre d'une chronique dans le journal Libération au sujet d'une intervention de Patrick Cohen dans l'émission télévisée C'est à vous. Ce n'est pas une chronique, c'est une charge. Et c'est une charge totalement déplacée qui oublie un peu vite ce qu'est le métier de journaliste.
Journaliste, et surtout journaliste d'un media comme la radio qui est sensiblement plus difficile que la télévision car on a réussi à supprimer l'image, c'est avant tout avoir la responsabilité de trier, de classer et de juger des informations que l'on va donner. Il faut le faire avec le plus d'objectivité, mais aussi avec le maximum de déontologie, ce qui peut s'avérer un exercice d'équilibriste.
Je cite ici in extenso la prose de Daniel Schneidermann. Je passe sous silence le titre lamentable dans le plus pur style de Libé qui était la liste de Cohen.
Eh bien, c’est dit. Il existe une liste noire d’invités sur France Inter. C’est l’animateur de la Matinale, Patrick Cohen, qui a benoîtement mangé le morceau. Cela se passe au micro de l’émission C’est à vous (France 5). Chroniqueur de cette émission, Patrick Cohen reçoit son collègue Frédéric Taddéï, animateur de Ce soir ou jamais, qui vient d’être transférée de France 3 à France 2. Et Cohen ne va pas le rater, Taddéï. A présent qu’il est passé sur France 2, chaîne amiral, Taddéï continuera-t-il d’inviter les maudits, comme il le faisait à l’abri de la (relative) confidentialité de France 3 ? « Vous invitez des gens que l’on n’entend pas ailleurs, mais aussi des gens que les autres médias n’ont pas forcément envie d’entendre, que vous êtes le seul à inviter. » Et Cohen cite quatre noms : Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral et Marc-Edouard Nabe. Un théologien, un humoriste, un publiciste inclassable, un écrivain : voici la liste des proscrits, des interdits, des bannis, dressée pour la première fois, tranquillement, sur un plateau de télé convivial et sympathique. Instant de vérité. Deux quinquas se font face, deux animateurs professionnels, au sommet de leur carrière, que tout pourrait réunir, et dont on réalise en une seconde tout ce qui les sépare. Cohen : « Moi, j’ai pas envie d’inviter Tariq Ramadan. » Taddéï : « Libre à vous. Pour moi, y a pas de liste noire, des gens que je refuse a priori d’inviter parce que je ne les aime pas. Le service public, c’est pas à moi.
Exposition rapide, efficace. Rien à dire.
« On a une responsabilité. Par exemple de ne pas propager les thèses complotistes, de ne pas donner la parole à des cerveaux malades. S’il y a des gens qui pensent que les chambres à gaz n’ont pas existé. » « Qui ? » « Kassovitz sur le 11 septembre. » « Si je dis "j’ai des doutes sur le fait que Lee Harvey Oswald ait été le seul tireur de l’assassinat de Kennedy à Dallas", vous m’arrêtez ? » « Evidemment pas. » « Quelle différence ? Tout ce qui n’est pas défendu est autorisé. Je m’interdis de censurer qui que ce soit, à partir du moment où il respecte la loi. »
Mon cher Daniel, ta prose est vraiment confuse. On ne sait plus qui dit quoi. C'est certainement voulu pour asseoir ton propos.
Même si la liste Cohen mélange tout (quoi de commun entre les quatre ? Et pourquoi Kassovitz ne figurait-il pas dans la liste initiale ?) chacun en entend bien le point commun : les quatre proscrits, sous une forme ou une autre, ont dit des choses désagréables sur les juifs, Israël, ou le sionisme.
Là, c'est un peu fort. À ta place, j'irais jusqu'au bout du raisonnement si tu en as le courage. Pourquoi ne pas écrire tout de go que France Inter est une station sioniste à la solde du grand Israël ? Entre les Getta, Cohen et autres Abitboul (qui pourtant travaille les samedi et dimanche), il y a l'équivalent d'une cinquième colonne particulièrement dangereuse. Je ne vais pas prendre la défense de Patrick Cohen qui est assez grand pour se défendre tout seul, mais depuis que j'écoute ce journaliste qui — entre nous — est largement supérieur à ton rédacteur en chef actuel qu'il a remplacé, je ne l'ai jamais entendu manquer d'objectivité sur les problèmes du proche Orient. Là encore, tout le monde ne peut pas en dire autant.
Mais soudain, Taddéï renvoie la balle. « Vous voulez que je vous fasse la liste des ministres condamnés, y compris pour racisme, que vous avez reçus dans votre émission de radio ? » « Y en a pas beaucoup. » Taddéï ne prononce pas le nom de Hortefeux, mais là aussi tout le monde a entendu pointer son nez l’éternelle concurrence victimaire : il est légitime d’être désagréable aux arabes, mais pas aux juifs.
Il y a juste une différence de taille qui t'a échappé. Pour quelqu'un qui réalisait Arrêt sur image, il est assez cocasse de le constater. Hortefeux, que tu le veuilles ou non, était un ministre de la république. Cela change un peu la donne. Aucun des autres que tu cites dans ton papier n'a eu de responsabilités de ce niveau.
Qu’on s’entende bien : c’est parfaitement le droit de Cohen, de ne pas inviter Ramadan, Soral, Nabe ou Dieudonné. Aucun cahier des charges du service public ne l’oblige à le faire. On a le droit d’estimer que Dieudonné n’est pas drôle, ou que Nabe n’est pas un grand écrivain. Cohen serait parfaitement fondé à dire « j’estime qu’il existe des théologiens plus pertinents, des humoristes plus drôles ».
Heureusement. Journaliste, c'est avant-tout un travail de classification des informations. Et lorsqu'on tient une matinale à la radio, media exigeant que l'on traite en direct, on ne peut pas tout se permettre.
Manchettes, sujets, invités : être journaliste, c’est choisir, trier, hiérarchiser. Mais aucune raison d’en faire une question de principe, et de proclamer que même la baïonnette dans les reins, on n’invitera pas Bidule. En reprochant à Taddéï d’inviter les proscrits, Cohen dit en fait « ce n’est pas parce que je ne les juge pas intéressants, que je leur barre l’accès au micro de France Inter. C’est parce qu’ils ont contrevenu à un dogme ».
J'admets que mot dogme est déplacé. En revanche, sauf à ce que Bidule ait quelque chose de réellement intéressant à dire, je ne vois pas pourquoi il faudrait offrir une tribune à ce Bidule à une heure de grande écoute.
Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle.
Reste à savoir si Bidule est intéressant, ce qui est tout de même du ressort du journaliste.
Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif. Aujourd’hui, les dissidents n’ont plus besoin de Cohen et de ses homologues, pour trouver un écho sur Internet. Avant, il était possible de décider qui étaient les « cerveaux malades », et de les condamner pour crime de pensée, comme dans 1984. Mais aujourd’hui, pour un animateur en vue, déclarer qu’il n’invitera pas Bidule, c’est hisser Bidule sur le piédestal de victime de la censure. Le pré carré audiovisuel, s’il veut rester un lieu crédible de débat d’idées, n’a donc plus d’autre choix que de s’ouvrir aux paroles jadis bannies, quitte à leur opposer une contradiction vigoureuse et argumentée, ou à les prendre à leur propre piège de la dialectique. Et de s’en donner les moyens.
Il y a juste une petite différence. Les tribunes que peuvent s'offrir ces « penseurs » sur internet n'ont pas la même audience que celles qu'ils pourraient avoir en participant à une matinale à la radio. Par ailleurs, ces fameuses tribunes ne sont pas passées au crible du filtre journalistique. Laisser à ces « penseurs » ne serait-ce que quelques minutes d'interview sur une station comme Inter revient à leur donner une importance qu'ils n'ont pas.
Taddéi a réussi a se faire Cohen. Très bien. Il a fait le buzz. L'opinion publique était avec lui, mais dès qu'on prend la peine de réfléchir et de regarder un peu plus loin que le bout de son nez, à l'aulne de sa responsabilité éditoriale, sa position est tout aussi injustifiable que ne l'est la tienne. Elle permet juste de se faire un journaliste à peu de frais en s'érigeant donneur de leçon.
De toute façon, si tu juges que certains points de vue sont censurés, pourquoi ne demendrais-tu pas à ton rédacteur en chef de faire des numéros spéciaux ou thématiques entièrement dédiés à ces grands penseurs honteusement censurés, voire de les laisser officier en tant que rédacteurs en chef pour un numéro ?
Le nouveau pape a choisi comme nom de scène François. Pourquoi pas, même si j'aurais peut-être aimé un Raoul ou un Robert, prénoms pas plus bizarres que Sixte ou Pie si on y réfléchit bien.
Et que n'a-t-on pas entendu sur ce choix. Les journaleux de tous poils ont voulu y aller de leurs justifications hasardeuses. La palme revient peut-être à un journaliste de France Info qui a cru bon de signaler que ce nom a été choisi en hommage au fondateur des jésuites dont est issu le saint père. Sans commentaire.
La seule chose que nous avons pu constater depuis cette élection est que l'inculture crasse touche même maintenant les journalistes. Je croyais pourtant avoir tout entendu un matin lorsque d'une oreille distraite j'ai surpris une journaliste parler du 111e Reich… Alors mettons les choses au point. François-Xavier, puisque c'est tout de même — enfin je pense sinon c'est encore plus grave — de lui que l'on parle, n'a pas fondé les jésuites. Les jésuites ont été fondés par un certain Ignace. François-Xavier n'était que le successeur d'Ignace.
Et que n'a-t-on pas dit ou écrit depuis. Des photographies ouvertement truquées ont circulé, d'autres avec des légendes inexactes, des dates approximatives, toutes reprises sans aucune réserve par les media qui y ont vu le moyen de faire de l'audience à peu de frais.
La question est donc de savoir ce que l'on apprend encore dans les écoles de journalisme. Je croyais naïvement qu'il fallait une solide culture générale et que ce métier était un métier rigoureux encore soumis à une certaine éthique. Mes dernières illusions partent en fumée.
Heureusement que la fumée blanche est sortie au crépuscule, cela nous aura au moins permis de la voir sans trop nous poser de question quant à sa couleur réelle. C'était devenu le jeu de tous les journalistes plantés sur la place Saint-Pierre depuis mercredi soir. Il faut dire qu'il n'y avait pas grand'chose d'autre à faire, qu'ils s'ennuyaient ferme, mais que d'un autre côté, c'était un scoop à ne pas rater. Il est d'ailleurs assez amusant de voir le monde entier critiquer les positions du Vatican tout en étant avide de savoir qui sera le prochain pape. Donc depuis hier soir, 19h06, nous avons donc un nouveau pape, François, de son vrai nom Jorge Mario Bergoglio, un jésuite argentin.
Les oracles se sont tous trompés puisqu'ils nous avaient prédit une élection jeudi au plus tôt et nous avaient assuré que ce nouveau pape serait européen, l'église n'étant pas prête à élire un africain ou un sud-américain. L'art de la divination n'est pas une science exacte. Fallait-il seulement encore le démontrer ?
Personnellement, je jugerai sur pièces. Entre la curie qu'il faudra un peu déranger, les différentes affaires plus ou moins sordides qu'il serait bon de traiter et l'avenir de l'église, la tâche est immense. Le message de l'église n'a pas à se conformer à l'air du temps. Je n'attends donc rien sur l'avortement, l'euthanasie ou le mariage homosexuel. En revanche, il serait temps de moderniser un peu les structures de cette église, en d'autres termes, de réformer tout ce qui ne procède pas du dogme. Je pense à l'ordination des hommes mariés ou des femmes voire, soyons fous, au mariage des prêtres. Je me souviens à ce propos d'un vieux père jésuite certainement décédé aujourd'hui qui me disais que lui ne connaîtrait pas le mariage des prêtres, mais ses enfants, certainement. Alors autant franchir le pas sans attendre. Plus le Vatican reculera, plus il lui faudra sauter loin.
Ce nouveau pape me semble âgé pour pouvoir lancer une politique de long terme, mais méfions-nous tout de même de l'eau qui dort et rappelons-nous Jean XXIII. Physiquement, il me fait un peu penser à un croisement entre Paul VI et Jean-Paul Ier. Puisse-t-il ne pas subir le sort de ce dernier.
Étant le premier pape à s'appeler François, nous ne l'appellerons pas François Ier. Heureusement. Cela évitera des nervous breakdowns à tous les professeurs d'histoire de collèges…
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