Administration, je te hais !

01.03.13 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvaise humeur, Haines ordinaires

Je dois refaire une carte d'identité. Problème simple me direz-vous. C'est pourtant sans compter avec les tracasseries que seule une administration bien portante peut imaginer pour divertir ses administrés.

Je m'explique.

Par chez moi, il faut passer par la case préfecture de police. Et nous avons de la chance, nous avons une antenne de la préfecture de police dans chaque arrondissement. Or en 2009, lorsque je suis passé à l'antenne de mon arrondissement, la préposée m'a fait comprendre qu'avec les derniers règlements, il me serait assez difficile mais pas impossible d'obtenir une carte d'identité nationale puisqu'aucun de mes grands parents n'étant nés ni en France ni français en raison des frontières mouvantes de l'est de notre beau pays, il me faudrait effectuer des démarches compliquées auprès des tribunaux d'instance des villes de naissance de mes grands parents en espérant que les archives n'aient pas été détruites.

Ayant d'autres choses à faire et étant fort heureusement en possession d'un passeport en bonne et due forme, j'ai laissé tombé.

Depuis, le règlement s'est un peu assoupli et j'ai décidé de braver notre belle administration. Je suis donc allé une fois de plus à l'antenne de la préfecture de police de mon arrondissement. On me fournit le dossier en me signalement qu'il me faudrait apporter ledit dossier à l'antenne de la préfecture de police de l'arrondissement d'à-côté. Problème : les horaires d'ouverture sont des horaires aberrants : 9h00-12h00 et 14h00-18h00 du lundi au vendredi. Comment voulez-vous lorsque vous travaillez en banlieue vous y rendre sans poser un jour de congé pour déposer votre dossier ?

Visiblement, des administrés avisés ont dû quelque peu râler puisque depuis quelque temps, nous avons de la chance, le bureau en question est ouvert le jeudi jusqu'à 19h00. Comme lorsque j'ai demandé mon dossier on m'a précisé que n'importe qui pouvait déposer mon dossier pour moi, mon épouse est allée avec son dossier et le mien après avoir pris rendez-vous. Oui, rendez-vous. Il faut maintenant prendre rendez-vous pour aller à la préfecture de police.

Sauf qu'elle n'a jamais pu déposer mon dossier puisque d'une part ma signature a un peu débordé du cadre — ils n'ont qu'à faire des cadres plus grands ! — et que d'autre part il faut maintenant redéposer ses empreintes digitales. Empreintes qui soit dit en passant étaient déjà en leur possession depuis ma dernière demande de passeport. Elles ont dû changer entre temps. Elle me téléphone donc pour que je puisse passer avant 19h00 quitte à partir plus tôt de chez mon employeur. Je prends donc une heure. Attendant sur le trottoir mon épouse avec mon dossier, j'ai eu tout loisir d'observer durant une demi-heure la surcharge de travail de cetet antenne de la préfecture de police. J'y ai identifié cinq personnes. Une personne à l'accueil avec un tricot pour s'occuper ainsi que quatre préposés derrière des guichets. Durant cette demi-heure, jamais plus d'un guichet n'a été utilisé. Sur les quatre préposés, trois pouvaient au choix jouer au bridge ou trier des cacahuètes. Je me suis donc dit qu'il me serait possible de déposer sans reprendre rendez-vous ce dossier qui avait déjà été vérifié le matin même. Quelle erreur, le règlement, c'est le règlement ! Il me faut prendre un nouveau rendez-vous. Mais il est impossible d'obtenir un rendez-vous directement à l'antenne, il faut le prendre sur internet.

Résumons-nous donc. Au moment où je me suis énervé avec l'espèce d'énergumène de l'accueil, il y avait une personne qui venait retirer un passeport, moi qui essayais vainement de déposer un dossier, une personne à un guichet et trois fonctionnaires qui bullaient en lisant des revues. Mais aux dires de la personne de l'accueil, ils étaient surchargés de boulot [sic]. Surchargé, c'est cela ! Qu'est-ce que j'aimerais être surchargé comme eux !

Le pire est qu'il faut repasser en personne chez eux pour récupérer les cartes d'indentité avec une nouvelle vérification d'empreintes digitales. Ce qui risque encore de poser problème puisque mon épouse travaille à l'autre bout de la France et que ce charmant bureau est fermé le samedi. La préposée de l'accueil a trouvé subtil de me proposer de lui couper une main pour que je puisse récupérer sa carte d'identité à sa place. Je suis joueur, j'essayerais bien, mais je pense que si j'arrive avec une main coupée, il se trouvera quelque part une ligne dans le règlement stipulant qu'il faut que le corps soit entier. En tout état de cause, il me fut impossible d'obtenir un simple envoi à la mairie de la commune où travaille mon épouse.

Il n'y a pas à dire, il faut de toute urgence mettre un grand coup de pied dans certaines administrations où certains fonctionnaires du plus petit rang font bien comprendre aux administrés qu'ils ont un pouvoir de nuisance certain sous prétexte que le règlement, c'est le règlement, et que si ce n'était pas absurde, ce ne serait pas un règlement !

 

Statistiques d'accès

20.02.13 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit

En consultant les statistiques d'accès à cette séance de thérapie de groupe, je suis tombé sur un laconique « prendre sa retraite en tant que dealer ». Avec force fautes d'orthographe que la décence et le souvenir de ma grand'mère qu'une faute de français touchait aux larmes m'empêchent de retranscrire ici. Je ne pouvais pas laisser passer cela. Il ne sera pas dit que toi qui t'es trouvé ici en tapant une telle requête dans google.fr et dont j'ai l'adresse IP source, adresse IP qui correspond à un abonnement avec IP fixe, ne sera pas reconnu à sa juste valeur.

Alors mon petit dealer. Tu es comme moi, ton statut est celui de la profession libérale. Tu peux donc cotiser à la CIPAV comme le feraient les travailleuses du sexe indépendantes. Les travailleuses, pas le sexe. Tu aurais peut-être un problème de code NAF, mais cela pourrait se résoudre avec un peu de bonne volonté. Pourquoi ne pas te mettre en commerce de gros ? La convention collective offre certains avantages.

Mais revenons à ton problème de retraite. La CIPAV est une caisse de retraite fourre-tout s'occupant à ses moments perdus en particulier des professions libérales et qui offre de belles et réelles prestations puisque que lorsque je partirai à la retraite — si tant est que je puisse un jour partir à la retraite —, ce bel organisme m'offrira sans rire 8500 euros brut de pension par an au titre du régime de base et du régime complémentaire. Ce chiffre ne provient pas d'un chapeau mais de l'estimation faite par cet organisme pas plus tard que la semaine passée dans le cas où je continuerais à payer mes cotisations comme je le fais depuis maintenant dix ans. En tout cas, je suis rassuré, j'ai vu leurs locaux et je sais où passent mes cotisations.

8500 euros bruts annuels ! Mais pourquoi m'emmerderai-je jusqu'à la liquidation de droits à la retraite à 67 ans pour avoir des clopinettes ? Lorsque je regarde tout ce que je paie pour des clous, j'en déprimerais. Je paie le RSI pour quasiment rien puisqu'il n'y a même pas de prévoyance dans les cotisations et qu'une prévoyance coûtant la bagatelle de 200 euros par mois m'offre 30 jours de carence avec une indemnité journalière fixée par la sécurité sociale et parfaitement ridicule. Je paie rubis sur l'ongle cette caisse de retraite parce que c'est obligatoire et j'ai calculé qu'il me faudrait vivre jusqu'à 107 ans (calcul en euros constants sur la foi d'une inflation raisonnable et d'une non explosion du système actuel, ce qui n'est pas garanti…) pour récupérer l'intégralité de mes cotisations. Et encore, en bonne santé, parce que si la santé n'est plus là, je risque fort de devoir utiliser le futur principe du suicide assisté pour en finir puisque je n'aurai aucun moyen de faire face à mes besoins.

J'ai donc regardé du côté des retraites Madelin. C'est très bien, c'est défiscalisé, mais il n'y a aucune garantie de revoir ses petits, les principaux contrats étant investis dans des fonds opaques, voire des fonds en euros qui n'offrent qu'à peine plus de garantie. Quant aux retraites de reversion, il vaut mieux ne pas en parler tant la reversion est faible ou onéreuse.

Il ne reste donc qu'une seule chose pas encore trop risquée, investir judicieusement dans la pierre avec des montages financiers bizarres pour échapper à l'ISF. Finalement, le sacro-saint système français, une fois qu'on n'est plus salarié, c'est chacun pour sa pomme. Et comme les syndicats représentatifs sont principalement issus des masses salariées ou des grands patrons salariés eux aussi, il n'y a aucune raison que cela change.

 

Être pape, c'est très vatican...

12.02.13 | par Le Grincheux | Catégories: Je hais les tradis

Nous l'avons appris hier, Benoît XVI démissionnera le 28 février 2013 à 20h00. À la fin du mois, je puis le comprendre, ça simplifie la comptabilité. Mais pourquoi 20h00 et non 19h00 ou 21h00 ? Il y a là une dimension cryptique qu'il faut absolument décoder. Et que deviendra-t-il ? Pape émérite ?

Une chose est sûre, quelles que soient ses raisons profondes, il faut avoir un certain courage pour démissionner de cette fonction. Je ne sais pas ce qu'il restera de son pontificat, mais force est de constater qu'il aura au moins établi un précédent avec une démission papale et que, mine de rien, ça a un certain panache.

L'église va donc se choisir un nouveau chef d'ici Pâques. La tâche qui lui reviendra sera rude puisqu'il qu'il faudra reprendre tous les dossiers en plan. Il faudra un jour ou l'autre discuter sérieusement de l'ordination des femmes, du mariage des prêtres (ou de l'ordination d'hommes mariés), des problèmes de pédophilie mis sous le tapis, de la place des traditionnalistes à poils durs dont on ne sait pas vraiment s'ils veulent être avec ou contre Rome et d'autres points de détail.

Les pronostics vont donc bon train et les bookmakers prennent déjà les paris. Paul David Hewson, plus connu sous le nom de Bono, chanteur du groupe U2, est à l'heure où j'écris ces lignes crédité d'un bon 1000 contre 1. Soyons sérieux, ses chances sont minces. Mais d'autres parient sur André Vingt-Trois. La question est maintenant de savoir ce que les catholiques ont fait pour mériter André Vingt-Trois, homme d'ouverture s'il en est. Souvenez-vous de ses saillies amusantes qui ne font certainement rire que lui. Les cardinaux verraient d'un très mauvais œil un pape africain car ils n'ont qu'une confiance limitée en l'église d'Afrique qui prend souvent des positions assez hétérodoxes sur des points du dogme — tu parles — traitant de sexualité. Restent quelques candidats comme un canadien francophone quasiment inconnu ou l'archevêque de Milan qui se voit déjà dans le trône de Pierre.

Quoi qu'il en soit, la course est ouverte et le départ a été donné comme il se doit en latin de cuisine. Le Vatican se cherche une nouvelle pope star pour le meilleur et pour le pire.

 

Travestissement

04.02.13 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit, Je hais les politiciens

Heureusement que je suis là pour vous informer, heureux lecteurs que vous êtes ! Saviez-vous que jusqu'au 31 janvier 2013, les Parisiennes n'avaient pas le droit de porter de pantalon, sans contrevenir à la loi ? Non ? Pourtant le ministère des droits de la femme — les droits de la femme seraient-ils différents des droits de l'homme ? Encore une iniquité dont devrait s'emparer le gouvernement ! —, dans sa grande mansuétude, vient d'abroger implicitement l'« ordonnance concernant le travestissement des femmes » qui faisait encourir à toutes les femmes depuis plus de deux siècles l'emprisonnement.

En effet, en France, pendant la Révolution, une ordonnance du Préfet de Police de Paris du 26 brumaire an IX (17 novembre 1799) impose aux femmes désirant s'habiller en homme de se présenter à la préfecture de police pour y être autorisées, au vu d'un certificat médical :

Le Préfet de Police,

Informé que beaucoup de femmes se travestissent, et persuadé qu'aucune d'elles ne quitte les habits de son sexe que pour cause de santé ;

Considérant que les femmes travesties sont exposées à une infinité de désagréments, et même aux méprises des agents de la police, si elles ne sont pas munies d'une autorisation spéciale qu'elles puissent représenter au besoin ;

Considérant que cette autorisation doit être uniforme, et que, jusqu'à ce jour, des permissions différentes ont été accordées par diverses autorités ;

Considérant, enfin, que toute femme qui, après la publication de la présente ordonnance, s'habillerait en homme, sans avoir rempli les formalités prescrites, donnerait lieu de croire qu'elle aurait l'intention coupable d'abuser de son travestissement,

Ordonne ce qui suit :

1 - Toutes les permissions de travestissement accordées jusqu'à ce jour, par les sous-préfets ou les maires du département de la Seine, et les maires des communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et même celles accordées à la préfecture de police, sont et demeurent annulées.

2 - Toute femme, désirant s'habiller en homme, devra se présenter à la Préfecture de Police pour en obtenir l'autorisation.

3 - Cette autorisation ne sera donnée que sur le certificat d'un officier de santé, dont la signature sera dûment légalisée, et en outre, sur l'attestation des maires ou commissaires de police, portant les nom et prénoms, profession et demeure de la requérante.

4 - Toute femme trouvée travestie, qui ne se sera pas conformée aux dispositions des articles précédents, sera arrêtée et conduite à la préfecture de police.

5 - La présente ordonnance sera imprimée, affichée dans toute l'étendue du département de la Seine et dans les communes de Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et envoyée au général commandant les 15e et 17e divisions militaires, au général commandant d'armes de la place de Paris, aux capitaines de la gendarmerie dans les départements de la Seine et de Seine et Oise, aux maires, aux commissaires de police et aux officiers de paix, pour que chacun, en ce qui le concerne, en assure l'exécution. »

Le Préfet de Police Dubois

Ne soyons pas bégueule. Il y a tout de même eu quelques petites avancées durant ces deux siècles. En 1892 et 1909 deux circulaires préfectorales autorisent le port féminin du pantalon sous certaines conditions. Il suffisait que la femme tienne pas la main un guidon de vélocipède ou les rênes d'un cheval. Ce n'est pas très pratique, surtout que si la femme n'en a sur elle que le guidon, comment savoir s'il s'agit d'un vélocipède ou d'une vulgaire bicyclette ?

Le 27 septembre 2010, le conseil de Paris qui n'avait certainement strictement rien d'autre à faire ce jour-là — le quota de construction de couloirs de bus et autres hérésies municipales ayant déjà été consommé —, le conseil de Paris disais-je votait deux vœux distincts déposés par les élus PCF/PG et par les Verts pour demander au préfet de police, puisque c'est lui qui a le pouvoir en la matière, d'abroger cette ordonnance aussi désuète qu'incongrue, mais encore en vigueur à l'époque.

J'aimerais assez que les élus en question m'indiquent quand la dernière femme a été condamné à la suite de l'exécution de cette ordonnance. Parce que ce n'est pas parce qu'il existe une ordonnance que celle-ci est encore appliqué. Il n'est heureusement pas encore interdit à l'homme de loi d'être intelligent.

Désormais abrogée depuis le 31 janvier 2013 et dépourvue de tout effet juridique, l'ordonnance du 7 novembre n'est plus qu'une pièce d'archives, conservée comme telle par la préfecture de police de Paris. Et c'est bien dommage. Nous aurions pu étendre cette ordonnance aux travestis du Bois de Boulogne histoire de faire un peu de ménage.

 

Avis du 22 janvier 2013

02.02.13 | par Le Grincheux | Catégories: Mauvais esprit

Au risque de me répéter, oui, je suis contre. Contre quoi me direz-vous ? Contre le mariage pour tous pour des raisons assez spécieuses et strictes de droit que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ici et qui m'ont valu quelques courriers haineux autant qu'anonymes me traitant de noms d'oiseaux, d'horrible réactionnaire voire de dangereux homophobe. Pourtant, j'aurais bien aimé discuter avec ces courageux contradicteurs sur les points précis que j'évoquais. Peine perdu, il ne faut pas trop en demander.

Que l'on n'ait rien d'autre de plus urgent à régler actuellement me plonge déjà dans un abîme de perplexité. L'économie va mal, très mal, l'euro remonte à nouveau pénalisant le peu d'exportations qu'il nous reste, les finances pubiques sont dans un état lamentable. Il était donc temps de parler du mariage pour tous. Pendant que l'on parle de cela, on ne parle de rien d'autre. Et comme l'opposition va s'y opposer, cette cacophonie masquera durant tous les débats ce que le gouvernement fera ou ne fera pas d'ailleurs.

Or, une lectrice de ces pages vient de me soumettre un avis de l'Académie des sciences morales et politiques en me signalant que les membres de cette académie avaient le même point de vue que moi. Le gouvernement serait bien inspiré de mettre de l'ordre dans ce lieu de perdition peuplé d'horribles réactionnaires. Je cite ici in extenso cet avis.

 

Avis de l’Académie des sciences morales et politiques sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes du même sexe.


- 21 janvier 2013 -

Le projet de loi « ouvrant le mariage aux couples de même sexe » conduit à une transformation profonde du droit du mariage et de la filiation sur laquelle l'Académie des sciences morales et politiques souhaite appeler l'attention des pouvoirs publics.

En l'état actuel du droit français, le mariage, pour reprendre les termes retenus par la cour de cassation, « ne peut être légalement contracté qu'entre deux personnes appartenant l'une au sexe masculin, l'autre au sexe féminin » .Selon la jurisprudence tant internationale que constitutionnelle, cette solution ne porte pas atteinte au principe d'égalité et ne saurait par suite être regardée comme discriminatoire. Soucieux toutefois de permettre aux personnes majeures homosexuelles d'organiser leur vie commune, le législateur leur a permis en 1999 de conclure un pacte civil de solidarité (pacs) ouvert d'ailleurs à tous. Des réformes législatives diverses ont progressivement rapproché les effets du pacs de ceux du mariage dans les relations du couple.

Le droit de la filiation a connu, quant à lui, une évolution sensible au cours du siècle dernier du fait de l'égalisation du statut patrimonial des enfants légitimes et de celui des enfants naturels et des transformations du droit de l'adoption. Ces transformations ont permis l'adoption plénière d'enfants par un célibataire vivant avec une personne du même sexe, accompagnée de certains aménagements de l'autorité parentale.

En présentant le projet de loi, le gouvernement a souligné que « des différences subsistent entre le pacs et le mariage et que cet instrument juridique ne répond pas à la demande des couples de personnes du même sexe qui souhaitent se marier, ni à leur demande d'accès à l'adoption ». En vue de satisfaire à ces demandes, le projet de loi leur ouvre « le droit au mariage » et élimine par suite dans le code civil toute référence au sexe des conjoints. En outre il ouvre aux couples mariés de même sexe « l'accès à la parenté », via le mécanisme de l'adoption.

1 – L'Académie des sciences morales et politiques observe que la réforme proposée transforme en profondeur le droit français du mariage et de la filiation. En vue de répondre à la demande de couples de même sexe désireux d'organiser leur vie commune, elle impose cette transformation radicale aux couples de sexe différent. Opérée au nom des droits individuels des premiers, elle met en cause les droits des seconds. Une formule plus respectueuse de tous aurait consisté à transformer le pacs conclu par des personnes du même sexe en une union civile comportant pour les partenaires de cette union les mêmes droits et obligations que ceux nés entre conjoints dans le mariage. Cette solution et d'autres inspirées d'exemples étrangers auraient dû être examinées à l'occasion d'un vaste débat organisé dans des conditions analogues à celles retenues en ce qui concerne la fin de vie. L'Académie aurait été heureuse de participer à un tel débat et demeure prête à le faire.

2- En tout état de cause, l'Académie appelle l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité de respecter dans la loi et ses textes d'application le droit des couples hétérosexuels à demeurer « mari » et « femme » et « père » et « mère » de leurs enfants, que ceux-ci soient nés dans le mariage ou hors mariage.

3- La rupture envisagée par le projet de loi en ce qui concerne la filiation est plus profonde encore. L'adoption a pour but de suppléer l'absence de parents biologiques en leur substituant des parents de remplacement. Admettre qu'un couple unissant des personnes de même sexe puisse se substituer au père et à la mère biologiques soulève des problèmes sérieux en ce qui concerne le destin de l'enfant adopté. Des vues diverses ont été exprimées à cet égard et aucune étude approfondie n'a encore été opérée sur le sujet. Or, s'il n'existe pas de droit à l'enfant, il est des droits de l'enfant sur lesquels le législateur doit veiller face à ces incertitudes sérieuses. S'il est un domaine dans lequel la prudence est de rigueur, c'est bien celui-là.

4 – Le projet de loi soulève en outre des questions difficiles du fait que le mariage et l'adoption ne sont ouverts aux personnes de même sexe que dans moins de dix pays appartenant tous à l'Europe occidentale ou à l'Amérique du nord. Or les enfants adoptés en France proviennent à l'heure actuelle d'autres régions du monde et certains des Etats concernés pourraient se refuser dans l'avenir à placer leurs enfants sous l'empire du droit français. De plus le texte proposé ouvre le mariage non seulement aux personnes homosexuelles de nationalité française, mais encore aux étrangers, ce qui risque de créer de regrettables conflits de loi.

5- L'Académie relève enfin que, si le projet n'ouvre aux couples de même sexe que le droit à l'adoption, certains parlementaires envisagent de l'amender en vue de permettre aux couples de femmes de recourir à la procréation médicalement assistée (PMA). Elle relève qu'au nom du principe d'égalité, des couples d'hommes pourraient dans l'avenir souhaiter recourir à des mères porteuses en vue d'assurer leur filiation. L'Académie estime que ces revendications soulèvent des questions bioéthiques fondamentales qui ne concernent pas seulement les couples homosexuels et qu'il serait regrettable de légiférer en ce domaine à l'occasion du présent projet de loi. Là encore un vaste débat s'impose.

6 – En définitive, le projet de loi procède à un bouleversement du droit qui ne touche pas seulement les couples homosexuels. Aux pères et mères de l'enfant, il tend à substituer les parents. La parentalité prend ainsi la place de la paternité et de la maternité. Il tend à promouvoir un droit à l'enfant qui fait passer celui-ci de sujet à objet de droit. Il conduit à nier la différence biologique entre les sexes pour lui substituer un droit à l'orientation sexuelle de chacun. On comprend qu'il ait pu de ce fait susciter des soutiens enthousiastes et des oppositions affirmées, auxquelles il est temps encore de substituer un débat serein et approfondi.

Il faut donc supprimer sans attendre cette académie réactionnaire qui ose prétendre dire à nos législateurs que ce qu'ils envisagent pour notre plus grand bien pose peut-être plus de problèmes qu'il n'en résoudra. Cet avis est exempt de toute idéologie partisane et nos chers députés devraient s'en inspirer. Mais comme ils cachent derrière l'idéologie et l'allégeance à leurs partis politiques leur méconnaissance crasse du droit, cela restera un vœu pieu.

De toute façon, pour clore le débat, il suffit de dire que les rédacteurs de cet avis sont des homophobes qui s'ignorent. C'est l'argument imparable des partisans du mariage pour tous.

 

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