Vous ne le savez peut-être pas, mais j'habite quelque part entre la place de la République et la place de la Bastille à Paris. Je suis donc aux premières loges de toutes les manifestations. Aujourd'hui, le ciel était bleu, la manifestation bon enfant et pleine de bon goût puisqu'il n'y avait pas l'inénarrable C35 modifié en merguezerie roulante sous mes fenêtres. J'ai pu constater d'un troisième étage l'ampleur de la manifestation pour la liberté d'expression à la suite des attentats de cette semaine. J'aurais même pu inviter France Inter dans mon salon tant l'équipe de ses journalistes me faisait pitié au bas de l'immeuble, bousculée par la foule immense pour reprendre une vieille chanson du Père Duval.
Si je suis totalement pour la liberté d'expression, je suis tout de même assez dubitatif des récupérations politiques.
Côté français, pas grand'chose à dire. En dehors du Front National, tout le monde semblait plus ou moins avoir répondu présent.
C'est le côté international de la chose qui m'a quelque peu dérangé. J'ai en effet pu voir Benyamin Netanyahou, mis au second rang des chefs d'état par le protocole jouer des coudes pour revenir au premier rang, le même que celui de Mahmoud Abbas, trois têtes de pipe à gauche de notre François Hollande national. L'honneur est sauf, Benyamin Netanyahou a terminé la marche à deux têtes de pipe seulement à droite de notre président organisateur. Personne ne la remis en place.
Personnellement, je trouve la présence de Benyamin Netanyahou particulièrement déplacée, au moins pour trois raisons. D'une part, ce monsieur a fait savoir qu'il ne viendrait pas et est revenu sur sa décision lorsque son opposant interne israélien a publiquement déclaré qu'il en serait. On participe à une telle manifestation en fonction de sa sensibilité propre et non en fonction des actions de ses opposants. La décence devrait empêcher la basse politique d'entrer ici en jeu.
D'autre part, il se permet d'offrir un pays d'accueil aux juifs de France qui ne seraient pas en sécurité en France. Mais il oublie que si ces juifs de France ne sont plus en sécurité, c'est aussi grâce à la politique israélienne — en particulier sa politique vis à vis de ses voisins, vis à vis des palestiniens, mais aussi vis à vis de ses propres citoyens non israélites. J'ai pu constater, parce que j'y étais, que la politique israélienne sur les populations non juives du pays n'a fait qu'entretenir la première intifadah. J'ai aussi pu constater comment l'armée israélienne agrandit entre autre le Mont des Oliviers et comment les colons se comportent en territoire à conquérir. Je pense en particulier à Hébron où j'ai eu, un samedi d'août 1993, ce qui restera sans doute comme la peur de ma vie.
Cet homme et ses prédécesseurs, à force d'utiliser la Bible comme un cadastre, sont responsables d'une grande partie des problèmes du Moyen-Orient et ont contribué à radicaliser les populations musulmanes en exportant leur conflit dans le monde entier, ce qui leur permet par un jeu de billard à trois bandes de justifier leur propre politique intérieure. Le cercle est verrouillé, personne ne dit rien et lorsque des récriminations sont faites, elles ne sont que très légères car ces récriminations sont toujours montées en épingle pour apparaître comme de l'antisémitisme.
Ce monsieur n'a aucun courage politique. S'il avait du courage, il règlerait son problème de politique interne et arrêterait toute velléité de colonisation. Il n'aurait pas tout tenté pour empêcher l'autorité palestinienne d'avoir accès au tribunal pénal international. Non, ce monsieur n'est intéressé que par le dogme de la terre promise en faisant fi des populations locales qui n'ont qu'à s'exiler.
Il est amusant de proposer aux juifs de France de s'exiler en Israël parce qu'ils ne seraient plus en sécurité chez nous. Comme tout le monde le sait, Israël est un havre de paix et de quiétude. La sécurité de ces juifs ne l'intéresse pas. En revanche, la démographie de son pays l'inquiète. Dans quelques années, malgré le battage fait dans le monde entier, la population arabe israélienne risque de dépasser celle des juifs israëliens et cela pourrait risquer de faire désordre.
Mais cessons de parler de ce sinistre personnage et constatons tout de même qu'il y avait une délégation visiblement du GCC (équivalent de l'Union Européenne pour les pays du Golfe Persique) ainsi que le roi de Jordanie. Ce sont ces gens-là qui pourront imposer la paix au Moyen-Orient, certainement pas les resposables israëliens actuels.
Par ailleurs, si j'ai vu à la télévision bahreini le roi de Bahrein, devant l'assemblée nationale et en compagnie du gouvernement au grand complet et des représentants de toutes les religions présentes dans son pays — dont l'archévêque catholique romain et le grand rabbin — tenir un discours en anglais dans lequel il déclarait assurer la liberté de culte dans son pays, je doute qu'un jour un responsable israëlien soit capable d'en faire autant. Ce serait pourtant un immense progrès.
J'ai donc aujourd'hui honte. J'ai honte d'avoir vu ce monsieur se pavaner au premier rang d'une telle manifestation.
Aujourd'hui est un grand jour.
Le Carnet du Grincheux est enfin disponible en IPv6. Je n'ai toujours pas compris réellement à quoi servait IPv6, ni pourquoi ce truc ressemblait plus à une usine à gaz avec des fuites qu'à une extension d'IPv4 à des adresses de 128 bits, mais j'ai tout de même pris la peine de configurer mes serveurs pour qu'ils veuillent bien répondre à des requêtes en version 6.
Reste à installer une gestion de la qualité de service car ce blog devient beaucoup plus fréquenté qu'il ne l'était il y a encore quelques mois et vos visites ont une légère tendance à saturer mes liens vers internet…
Je ne suis pas du bord politique de Charlie même si je trouvais certains dessins assez drôles. Peut-être parce qu'ils étaient cruels, incisifs ou de mauvaise foi. Je me battais contre les idées véhiculées par ce journal, mais je me serais aussi battu jusqu'à la mort pour que ce journal puisse les exprimer.
Fig. 1 : exercice d'auto-fatwa de Charb
Douze personnes sont mortes parce qu'elles tenaient des crayons affutés. Fusillées par des gens qui prétendent venger leur gardien de chèvre illuminé et illettré, pardon, prophète.
Vous déshonorez tous les musulmans de France et du monde qui n'avaient pas vraiment besoin de cela. Mais ce n'est pas votre problème, vous avez eu votre fait d'arme qui vous ouvrira les portes du paradis.
Alors, bandes d'imbéciles qui répétez à l'envi qu'Allah est grand et que Mohammed est son prophète, ne croyez-vous pas que votre dieu omniscient n'est pas assez grand pour défendre lui-même votre prophète ? Que s'il ne le fait pas, soit il s'en contrefiche totalement et dans ce cas votre action est vaine, soit, dernière hypothèse, il n'existe peut-être pas ? Mais s'il existe, mettez-vous un peu à sa place et imaginez comme il doit être dur d'être aimé par des cons !
Dans notre beau pays, toute solidarité doit passer par un organisme plus ou moins lié à l'état. Et il est interdit de prétendre faire montre d'une quelconque solidarité en dehors de ces organismes. Un chef d'entreprise de l'est de la France en a fait les frais (source).
Résumons donc la situation. Ce chef d'entreprise, Claude Goudron, doit payer des pénalités pour avoir consenti des prêts sans intérêt à des salariés en difficulté. Son entreprise, Ultralu, est spécialisée dans la fabrication d'échafaudages et permet de faire vivre un peu plus de vingt salariés. N'ayant pas de comité d'entreprise pour s'occuper des actions sociales — il faut cinquante salariés pour cela —, il a décidé par empathie pour ses employés de les aider financièrement lorsqu'ils se trouvaient dans des situations difficiles. Pas des primes ou des dons, non, des prêts sans intérêt, de petites sommes entre 200 et 3000 euros remboursables sur au plus trois ans. Bien mal lui en a pris même s'il ne consentait à ces prêts que « dans des cas exceptionnels, qui sont malheureusement plus nombreux depuis la crise ».
Pendant plusieurs dizaines d'années, cette pratique était passée inaperçue des services de nos belles URSSAF aux doigts crochus. Jusqu'à ce qu'en juillet 2010, un inspecteur zélé un peu plus pointilleux que les autres et sans doute intéressé juge que « l'absence d'un intérêt d'emprunt est un avantage bénéficiant au salarié ». C'est la crise pour tout le monde et il convient de faire entrer le maximum de sous dans les poches percées de l'état. Il s'agit donc un avantage en nature qu'il convient de charger en réintégrant dans l'assiette de cotisations les intérêts des prêts accordés à l'instar des véhicules de fonction ou de tout autre avantage. Au passage, si on peut y coller des pénalités et des clauses pénales, c'est encore mieux !
Les sommes redressées ne concernent ainsi pas le principal, c'est encore heureux, mais les intérêts que les employés auraient payés à une banque ou un organisme financier. Le quotidien le Monde rapporte un redressement de 2596 euros pour les sommes prêtées ces trois dernières années. Il va sans dire que cela va inciter tout chef d'entreprise à venir à l'aide à ses employés en détresse.
Certes, il faut être un peu tordu, carrément malfaisant ou tout simplement contrôleur de l'URSSAF pour oser redresser pareil avantage en nature même si d'un point de vue strict du droit, cela peut se justifier. Mais là où cela devient carrément cocasse est que l'inspecteur de l'URSSAF, dans sa grande bonté, a évalué à 5152 € le montant des intérêts. Pour le seul prêt de 3000 €, les intérêts s'élèvent à 3410 € soit un taux annuel de 68%, loin devant le taux d'usure. Remarquez bien, ils ne savent déjà pas calculer les cotisations sans erreurs, alors des intérêts de prêts sur trois ans, c'est pour eux leur demander la lune…
Or ce chef d'entreprise n'a actroyé de tels prêts que parce que son entreprise n'avait pas de comité d'entreprise. Pour information, les prêts ou dons accordés par les CE aux salariés se trouvant dans une situation difficile et digne d'intérêt (sic) ne sont pas soumis aux cotisations sociales. Se pose donc la question de l'égalité entre les entreprises qui possèdent un CE et celles qui, trop petites, n'en possèdent pas.
En prenant un peu de recul, nous constatons que la solidarité, en France, ne peut passer que par l'état ou ses représentants et qu'il est hors de question de faire montre de solidarité sans lui. C'est un crime de lèse-majesté car seul l'état sait ce qui est bon et ce qui est mauvais pour ses sujets. Aussi constatons-nous une fois de plus que la liberté d'aider n'est pas de mise dans notre beau pays, que l'égalité de traitement n'est qu'une vue de l'esprit et que la fraternité n'existe plus si tant est qu'elle existât un jour. Seul l'assistanat est une valeur sûre.
Le 1er janvier est un jour béni des dieux. Entre le traditionnel concert à la Musikverein, le mousseux tiède, la cohorte d'augmentations diverses et variées, les publicité pour Alka Seltzer et la promotion de la légion d'honneur, il y a de quoi satisfaire le moins grincheux d'entre vous.
Cette année, je pensais faire un billet sur le mauvais champagne — y en a-t-il seulement du bon tant le crémant de Bourgogne ou d'Alsace lui est supérieur ? Mais cette joie fut de courte durée. J'ai en effet appris que Thomas Piketty avait refusé la légion d'honneur; paraît-il avec hauteur.
Ce n'est pas le premier. Ce ne sera sans doute pas le dernier. Sauf qu'il y a refuser et refuser. Dans le cas de Thomas Piketty, c'est une coquetterie pour ne pas dire une tartufferie. Son nom a en effet été porté au décret présidentiel et il restera nommé dans l'ordre de la légion d'honneur à moins qu'il ne fasse annuler ce décret. Dans toute l'histoire de la légion d'honneur, il n'y a eu qu'un seul précédent, celui de Maurice Ravel en 1920.
Mais regardons un peu de plus près la comédie qui vient d'occuper les journaux.
Certes, on ne demande pas la légion d'honneur pour soi, mais on se fait parrainer. La procédure menée par la Grance Chancellerie est longue et minutieuse avec, à la clef, un dossier de proposition exhaustif et en partie rempli par l'intéressé :
La liste une fois établie par la Grande Chancellerie est approuvée en Conseil des Ministres. Je ne vois donc pas comment Thomas Piketty pouvait prétendre ignorer qu'il faisait partie de cette promotion du jour de l'an. Il savait qu'il y figurait et a donc monté une petite opération de communication. Cela ne l'a pas empêché de prétendre au matin du premier janvier 2015 :
Je viens d’apprendre que j’étais proposé pour la Légion d’honneur.
Pathétique, mais cela a permis au général Goergelin, Grand Chancelier, de lui donner une petite leçon de savoir vivre en lui rappelant opportunément que :
La plupart de ceux qui font connaître leur refus publiquement agissent ainsi pour attirer l'attention sur eux ou sur le combat qu’ils mènent. Ceux qui la refusent pour de bonnes raisons — un souci d’indépendance, un excès d'humilité —, des raisons que je comprends parfaitement, s'arrangent toujours pour nous le faire savoir discrètement, avant la publication de leur nom au Journal Officiel.
Et pan, dans les dents ! Il faut dire que Thomas Piketty n'a pas vraiment cherché à être discret, ni sur le refus ni sur les motifs de celui-ci. En effet, il prétend « refuse[r] cette nomination car [il] ne pense pas que ce soit le rôle d’un gouvernement de décider qui est honorable ». Dont acte.
Pourtant, il me semble que Thomas Piketty a émargé longuement au CNRS. C'est donc ce même état qui lui a permis de faire ses recherches et publier ses livres qui a voulu le reconnaître. En tant qu'il lui a permis de travailler, il a non seulement le droit de juger ses travaux, mais il en a aussi le devoir légitime.
N'ayant vraiment peur de rien, Thomas Piketty a cru bon ajouter que ce gouvernement « ferait bien de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe ». Là, j'avoue ne plus réellement comprendre. Sauf erreur de ma part, il a tout fait pour préparer avec d'autres économistes l'arrivée de François Hollande à la présidence de la république. À plusieurs reprises, il a appelé à voter pour lui. Étant l'un de ses proches, il ne pouvait ignorer quelle serait la politique suivie ni ce qui nous attendrait. Comme Antigone dans le prologue d'Anouilh, il savait déjà.
Mais peut-être aujourd'hui est-ce différent. La catastrophe approche. Elle est inéluctable et s'approche dangereusement en nous humant de son groin immonde. Mieux vaut-il alors quitter subrepticement le navire en espérant ainsi faire oublier que l'on avait appuyé cette politique il y a peu. Cette attitude porte un nom, c'est de la démagogie doublée d'une absence de conviction de la part de quelqu'un qui n'a aucun courage politique.
L'humilité est la pire force de la vanité. Ce n'est pas de moi, c'est de La Rochefoucauld. Thomas Piketty a essayé de refuser la distiction tout en prenant garde d'être officiellement nommé dans l'ordre et en tentant de se refaire une virginité pour intégrer, peut-être, le club des frondeurs un peu à la gauche de notre gouvernement actuel.
Pathétique.
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